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SUÈDE : UNE ÉMIGRATION NETTE – DOSSIER 5

VOIR LES PARTIES 1 À 4 DU DOSSIER :

LES ÉTATS DE L’UE REPRENNENT LEUR SOUVERAINETÉ EN MATIÈRE D’IMMIGRATION ? – DOSSIER 1 –

LES PAYS-BAS VEULENT ÊTRE DISPENSÉS DE LA RÉGLEMENTATION DE L’UE POUR L’IMMIGRATION – DOSSIER 2 –

LA HONGRIE DEMANDE À DÉROGER AUX RÈGLES DE L’UE POUR L’IMMIGRATION – DOSSIER 3 

LES ÉTATS DE L’UE REPRENNENT LEUR SOUVERAINETÉ EN MATIÈRE D’IMMIGRATION ? – DOSSIER 

L’ALLEMAGNE RÉTABLÎT LES CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES – DOSSIER 4 –

https://metahodos.fr/2024/09/20/lallemagne-retablit-les-controles-aux-frontieres/

PARTIE 5 :

1. ARTICLE / Pour la première fois en cinquante ans, la Suède enregistre une émigration nette

Le gouvernement suédois pousse les exilés et les étrangers à quitter le territoire. La dernière mesure en date prévoit de financer le retour des réfugiés dans leur pays d’origine en échange d’environ 30 000 euros, avec le soutien de l’extrême droite.

par Nicolas Lee, correspondant à Stockholm publié le 16 septembre 2024 LIBÉRATION

Les cheveux hirsutes, le visage bouffi par le manque de sommeil, Habibullah explique vivre un cauchemar éveillé. Fin août, le jeune aide à domicile originaire de l’Afghanistan a reçu une lettre de l’agence suédoise de l’immigration. Il se tient la tête d’une main devant son téléphone : «J’ai tout perdu. Mon appartement, mon travail, ma vie.» Sa demande de renouvellement de titre de séjour a été déboutée par l’office national suédois des migrations. Malgré le choc de l’annonce, il émerge de sa torpeur pour expliquer la suite : «Je vais devoir quitter à nouveau mon pays pour la France ou l’Allemagne.»

Analyse Immigration : la lente dérive de l’Europe forteresse

Début août, la ministre de l’Immigration, Maria Malmer Stenergard, célébrait une tendance statistique inédite. Pour la première fois en cinquante ans, la Suède devrait enregistrer en 2024 une «émigration nette». En d’autres termes, davantage de personnes quittent le pays qu’il n’en arrive pour s’installer dans le royaume scandinave. «Le travail du gouvernement porte ses fruits, se targuait la ministre, désormais à la manœuvre aux Affaires étrangères. Le nombre de demandes d’asile tend vers un niveau historiquement bas, les permis de séjour liés à l’asile continuent de diminuer.» Durant la première moitié de l’année, le ministère de la Justice affirme avoir enregistré une baisse de 30% des demandes de titre de séjour pour motif professionnel.

Mesure sujette à controverse

En une dizaine d’années, le pays a opéré un changement radical de sa politique migratoire en devenant l’une des nations européennes les plus strictes en la matière. Ce tournant a débuté dès le lendemain de l’afflux de réfugiés fuyant la répression du régime syrien. L’Etat nordique de 9,5 millions d’habitants à l’époque accueillait en 2015 plus de 163 000 demandeurs d’asile, de loin le nombre le plus élevé par habitant dans l’UE.

La volonté politique de réduire l’asile et l’immigration prend un nouvel élan au lendemain des dernières élections générales en 2022. L’actuel Premier ministre, Ulf Kristersson (Modérés), parvient à former un gouvernement de coalition des trois partis conservateurs avec le soutien inédit de l’extrême droite. L’appui du parti de Jimmie Akesson (Démocrates de Suède, SD) se reflète particulièrement dans la feuille de route du gouvernement, où le volet «migration et intégration» occupe 19 des 62 pages.

La dernière mesure sujette à controverse – chère au parti d’extrême droite SD – vise à augmenter les retours volontaires des réfugiés dans leur pays d’origine, avec une prime passant de 10 000 à 350 000 couronnes (environ 30 840 euros). Une mesure critiquée par la commission chargée d’étudier le projet de loi, soulignant les effets négatifs sur l’intégration de certaines communautés en leur renvoyant l’image qu’elles ne sont pas désirées en Suède. Le nouveau ministre de l’Immigration, Johan Forssell, a annoncé jeudi 12 septembre qu’il voulait quand même «expérimenter» la mesure, qui devrait entrer en vigueur en 2026.

Boucs émissaires des discours xénophobes

Sur fond de débat sur les violences de gangs et l’intégration des exilés, les mineurs isolés afghans sont les boucs émissaires des discours xénophobes demandant la remigration des réfugiés, selon la sociologue Torun Elsrud, de l’université de Linnaeus. La chercheuse engagée dans un projet qui suit le parcours des mineurs isolés ne cache pas son exaspération. «Au-delà de l’aspect immoral de vouloir expulser les jeunes afghans qui se considèrent d’ailleurs comme suédois, c’est un gaspillage d’argent public ! La Suède s’est investie pour leur intégration, leur éducation. Ils travaillent aujourd’hui dans des secteurs en tension comme la prise en charge des personnes âgées.» En 2015, 23 480 mineurs non accompagnés afghans ont trouvé refuge en Suède, selon l’Institut de statistique suédois SCB.

Depuis la France, Sara Brachet, des Amis des migrants suédophones en France (LAMSF), observe que toutes les personnes d’origine afghane qu’elle a croisées à Paris avaient un emploi avant d’être contraintes de quitter le pays. «La détresse de ceux qui arrivent est double, puisqu’ils doivent réapprendre une nouvelle langue après s’être tant investis en Suède.» Pour la cofondatrice de l’association, pas moins de 6 000 Afghans auraient quitté la Suède pour la France. Une tendance qui semble vouée à se poursuivre, d’autant que le gouvernement a doublé, en novembre 2023, le salaire minimum requis pour obtenir un permis de travail.

«J’ai fui l’Afghanistan, je n’ai pas de famille ni d’ami là-bas», balaye Habibullah, rejetant l’idée même de retourner dans le pays aux mains des talibans. Hébergé chez un ami, il attend que son dernier salaire soit payé avant de quitter la Suède pour la France. «J’ai étudié, je travaille, je paie mes impôts, je parle suédois, mes amis sont suédois. Je ne comprends pas pourquoi on veut se débarrasser de moi comme ça. Je vais devoir reconstruire toute ma vie.»

2. ARTICLE – Suède : le gouvernement veut offrir jusqu’à 30.000 euros aux migrants pour rentrer dans leur pays

Par Le Figaro avec AFP 15/09/2024

Le chef de file des conservateurs Ulf Kristersson a accédé au pouvoir en octobre 2022 en formant un bloc majoritaire avec les Démocrates de Suède, sur la base d’un programme de coalition prévoyant une forte réduction de l’immigration.

Le gouvernement suédois a proposé ce jeudi 12 septembre de fortement augmenter en 2026 l’aide au retour des migrants, jusqu’à plus de 30.000 euros par personne, une nouvelle mesure de la coalition de droite au pouvoir qui a promis de nettement réduire l’immigration. «Nous franchissons de nouvelles étapes dans la réorientation de la politique migratoire», a déclaré dans un communiqué le ministre des migrations Johan Forssell dont le gouvernement auquel il appartient est soutenu par le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède (SD).

Un adulte peut recevoir une allocation de retour d’un maximum de 879 euros actuellement, de 439 euros par enfant et d’un maximum de 3512 euros pour une famille. «Cette allocation existe depuis 1984 mais est relativement peu connue, elle est faible et peu de personnes l’utilisent», a commenté Ludvig Aspling, un parlementaire SD, au cours de la conférence de presse présentant les nouvelles mesures de politique migratoire.

Une seule personne a accepté l’allocation l’an dernier

Il a estimé qu’en l’augmentant et en la faisant connaître, probablement plus de migrants y auraient recours. Selon le ministre des Migrations, une seule personne a accepté l’allocation l’an dernier. Un montant nettement amélioré pourrait séduire plusieurs centaines de milliers de migrants qui sont chômeurs de longue durée ou dont les revenus doivent être complétés par les aides sociales pour s’en sortir, a pour sa part lancé le parlementaire des Démocrates de Suède. «Nous pensons que ce public pourrait être intéressé».

Un rapport d’enquête commandé par le gouvernement et rendu public en août avait pourtant déconseillé d’augmenter substantiellement cette allocation de retour, jugeant qu’elle serait peu efficace au regard de son coût. Elle risquerait en outre de freiner les efforts d’intégration des migrants, a jugé l’auteur de ce rapport, Joakim Ruist.

Un tournant en 2015 

D’autres pays européens proposent une aide au retour, de plus de 13.000 euros au Danemark, d’environ 1.300 euros en Norvège et de jusqu’à 2500 euros en France. Le chef de file des conservateurs Ulf Kristersson a accédé au pouvoir en octobre 2022 en formant un bloc majoritaire avec les Démocrates de Suède, sur la base d’un programme de coalition prévoyant une forte réduction de l’immigration. Le parti SD est arrivé en deuxième position aux législatives de 2022 avec 20,5% des voix.

La Suède a durci sa politique migratoire ces dernières années, restreignant le regroupement familial et relevant le niveau de salaire minimum nécessaire pour octroyer un permis de travail aux migrants extérieurs à l’Union européenne. Le gouvernement veut en outre faciliter l’expulsion des migrants en cas de consommation de drogues, de liens avec des gangs criminels ou s’ils «menacent les valeurs fondamentales suédoises».

La Suède a accueilli un grand nombre de personnes souhaitant immigrer sur son sol depuis les années 1990, principalement en provenance de régions en proie à des conflits, notamment d’ex-Yougoslavie, de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie, d’Iran et d’Irak. Sur la seule année 2015, pendant la crise des migrants en Europe, la Suède a accueilli 160.000 demandeurs d’asile, soit le taux d’accueil le plus élevé par habitant dans l’Union européenne.

Mais l’année 2015 a marqué un tournant puisque le gouvernement social-démocrate de l’époque avait déclaré qu’il ne serait plus en mesure de poursuivre sa «politique de la porte ouverte», annonçant alors le remplacement du permis de séjour permanent par un titre de séjour temporaire.

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