
LES LEÇONS DÉSINVOLTES À ISRAËL – SUR FOND D’IGNORANCE – DÉCRÉDIBILISENT ENCORE DAVANTAGE LA FRANCE
Mardi dernier, lors du Conseil des ministres le président a déclaré que Benjamin Netanyahu ne devait pas « s’affranchir des décisions de l’ONU » car « son pays a été créé par une décision de l’ONU ».
Ces propos qui s’ajoutent à ceux prononcés sur les livraisons d’armes, mais aussi – parmi d’autres postures – ses ambiguïtés sur le conflit avec le Hezbollah pu son absence à la manifestation contre l’antisémitisme, ne laissent pas indifférents.
Cette déclaration récente en conseil des ministres a déclenché la colère du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) et de personnalités politiques, notamment le Président du Sénat, la députée macroniste des Français de l’étranger dont la circonscription inclut Israël Caroline Yadan. La déclaration attribuée au chef de l’État a aussi fait bondir le RN tout comme l’ancien Premier ministre Manuel Valls.
M,VALLS : «Emmanuel Macron ne comprend rien à ce qu’est Israël et ce qu’est la sensibilité, notamment depuis un an, du monde juif mais aussi de nos compatriotes (de confession juive) »
AUCUNE CORRECTION DES PROPOS TENUS
Soulignant que ces paroles hors micro «n’ont pas été démenties» par l’Élysée, l’ancien premier ministre considère que le chef de l’État «commet» depuis une dizaine de jours «des erreurs, des fautes politiques, historiques, stratégiques, éthiques, qui non seulement l’affaiblissent mais qui affaiblissent la France, la parole de la France dans le monde et cette région.» Une pique limpide aux précédentes déclarations d’Emmanuel Macron, appelant début octobre ses partenaires à arrêter les livraisons d’armes à Tel-Aviv qui servent à Gaza.
«C’est comme s’il avait donné un bail temporaire à Israël sous réserve de bonne conduite, oubliant les conditions mêmes de la création d’Israël, de l’histoire du sionisme.» En «colère», l’ancien socialiste a également tenu à souligner les «contradictions»d’Emmanuel Macron. «Il y a un an, il appelait à une coalition internationale contre le Hamas. Et là, par une forme d’équidistance entre le Hezbollah et Israël, il donne le sentiment de créer une coalition internationale contre Israël», a-t-il lâché.
MACRON EN COLÈRE CONTRE LES MINISTRES ET LA PRESSE
« La voix de la France dans le monde mérite mieux que le travestissement de la vérité », a répliqué Mathieu Lefèvre, ancien président du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée, sur X. Plus ironique, le porte-parole du groupe écologiste et social à l’Assemblée, Benjamin Lucas, s’est interrogé : « C’est vrai ça les journalistes, pourquoi ne reprenez-vous pas simplement et bêtement les communiqués officiels ? » L’Association de la Presse Présidentielle (APP) a pour sa part estimé que le président mettait « gravement en cause la déontologie de la presse ». « Notre travail ne peut se résumer à reprendre les déclarations officielles », a-t-elle pointé sur X.
VOIR LES 4 ARTICLES PROPOSÉS À VOTRE LECTURE
1. Propos de Macron sur la création d’Israël: Larcher dénonce «une méconnaissance de l’Histoire»
2. Le CRIF s’émeut des propos rapportés d’Emmanuel Macron sur la création de l’Etat d’Israël
3. Étienne Gernelle déplore « l’insoutenable légèreté d’Emmanuel Macron »
4. Propos rapportés sur Netanyahou : Macron dénonce le «manque de professionnalisme» des ministres
1. ARTICLE – Propos de Macron sur la création d’Israël: Larcher dénonce «une méconnaissance de l’Histoire»
Paris – «Est-ce qu’Emmanuel Macron a pris conscience de ce qu’il s’est passé pendant la Shoah et après la Shoah ?», s’est emporté Gérard Larcher, jeudi sur Europe 1 et CNews, affirmant qu’il y avait «comme un doute» sur le fait que le chef de l’Etat puisse remettre en question la légitimité de l’existence d’Israël
Publié le 17 octobre 2024 L’OPINION Antoine MAIGNAN
« Mettre en doute l’existence d’Israël touche pour moi à des questions fondamentales ». Sur Europe 1 et CNews, le troisième personnage de l’Etat s’est emporté, ciblant frontalement le président de la République en l’accusant d’une « méconnaissance de l’histoire de la naissance d’Israël ». En cause, des déclarations du chef de l’Etat rapportées par des participants au Conseil des ministres mardi : « M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU », avait lancé Emmanuel Macron selon ces sources, alors qu’était abordée la guerre à Gaza et au Liban. Il avait aussi exhorté le Premier ministre israélien de manière indirecte à ne pas « s’affranchir des décisions de l’ONU ».
Invectives.
En déplacement à Bruxelles pour le Sommet de l’Union européenne jeudi, Emmanuel Macron voit la pression monter autour de ses prises de position récentes sur le conflit au Moyen-Orient. Car ces déclarations sont un nouveau pas franchi dans les tensions diplomatiques croissantes entre la France et Israël et entre MM. Macron et Netanyahu. Ces derniers multiplient les invectives, avec un élément déclencheur : l’appel du dirigeant français à cesser de fournir à Israël des armes servant à pilonner Gaza. « J’ai été stupéfait que ces propos puissent être tenus », s’est indigné Gérard Larcher en référence aux déclarations de mardi sur la création d’Israël. Selon le président du Sénat, la naissance d’Israël « n’est pas venue comme un acte notarié uniquement constaté par l’ONU ».
« Est-ce qu’Emmanuel Macron s’est souvenu de la déclaration Balfour ? Est ce qu’il a pris conscience de ce qu’il s’est passé pendant la Shoah et après la Shoah ? », s’est-il emporté, affirmant qu’il y avait « comme un doute » sur le fait que le chef de l’Etat puisse remettre en question la légitimité de l’existence d’Israël. « Je ne le soupçonne de rien, je dis que le droit à l’existence d’Israël n’est pas discutable ni négociable », a-t-il encore ajouté.
Règles internationales.
Ce vif sermon rejoint d’autres réactions indignées, observées au sein même du camp macroniste à l’Assemblée nationale, le groupe des députés Ensemble pour la République. L’ancien président du groupe Sylvain Maillard avait en effet confirmé mercredi des « discussions un peu houleuses » en interne sur la boucle de messagerie des députés EPR. Caroline Yadan, la députée de la 8e circonscription des Français établis hors de France, incluant Israël, avait ainsi fustigé sur X une phrase « indigne ». « Le lien du peuple juif à la terre d’Israël n’a pas eu besoin de l’ONU pour exister, le sionisme est un rêve plusieurs fois millénaire et réduire Israël à une seule décision de l’ONU c’est nier l’histoire du peuple juif et son lien légitime et historique à cette terre », avait-elle affirmé.
Jeudi, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a néanmoins tenté de contextualiser les propos attribués à Emmanuel Macron, qui s’inscrivaient selon elle « dans un cadre global ». « Il a rappelé la nécessité qu’ont les uns et les autres de respecter les règles internationales. Israël doit les respecter », a-t-elle affirmé sur Sud Radio. « Je ne laisserais pas dire que le président n’a pas été au côté d’Israël et du peuple israélien depuis un an et depuis ces attentats terroristes du 7 octobre, c’est faux », a-t-elle ajouté.
2. ARTICLE – Le CRIF s’émeut des propos rapportés d’Emmanuel Macron sur la création de l’Etat d’Israël
Le chef de l’Etat français a déclaré mardi lors du conseil des ministres : « Nétanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU », ce qui a déclenché une vive réaction du premier ministre israélien.
Alors que la tension est à nouveau montée d’un cran entre le président français et le premier ministre israélien mardi 15 octobre, à la suite des propos rapportés d’Emmanuel Macron quant au rôle de l’ONU dans la création de l’Etat d’Israël, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s’est à son tour ému de ceux-ci. « Les propos attribués au président de la République, s’ils sont confirmés, sont une faute à la fois historique et politique », a écrit Yonathan Arfi dans un message posté sur X.
Selon des participants au conseil des ministres qui s’est tenu mardi à l’Elysée, Emmanuel Macron a estimé que Benyamin Nétanyahou ne devait pas « s’affranchir des décisions de l’ONU », soulignant que c’est une « décision de l’ONU » qui a « créé » l’Etat d’Israël – une référence à la résolution 181, adoptée en novembre 1947 par l’Assemblée générale des Nations unies, prévoyant le partage de la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe.
« Et, par conséquent, ce n’est pas le moment de s’affranchir des décisions de l’ONU », a poursuivi M. Macron, alors qu’Israël mène une offensive terrestre contre le mouvement pro-iranien Hezbollah dans le sud du Liban, où sont déployés des casques bleus. Dans la soirée, le chef du gouvernement israélien lui a répondu par un communiqué, écrivant : « Un rappel au président de la France : ce n’est pas la résolution de l’ONU qui a établi l’Etat d’Israël, mais plutôt la victoire obtenue dans la guerre d’indépendance avec le sang de combattants héroïques, dont beaucoup étaient des survivants de la Shoah – notamment du régime de Vichy en France. »
Tensions accrues entre MM. Macron et Nétanyahou
« Laisser penser que la création de l’Etat d’Israël est le fruit d’une décision politique de l’ONU, c’est méconnaître à la fois l’histoire centenaire du sionisme […] et le sacrifice de milliers d’entre eux pour établir l’Etat d’Israël », a regretté le président du CRIF. Avant d’ajouter : « A l’heure où l’antisémitisme se nourrit de l’antisionisme, ces propos renforcent dangereusement le camp de ceux qui contestent la légitimité du droit à l’existence d’Israël ». M. Arfi a dit espérer que, « au-delà de ces propos regrettables, l’amitié entre la France et Israël continuera à l’emporter ».
Les tensions se sont accrues entre MM. Macron et Nétanyahou depuis que le chef de l’Etat français a insisté, au cours de la semaine dernière, sur le fait que l’arrêt des exportations d’armes utilisées par Israël dans la bande de Gaza et au Liban était le seul moyen de mettre fin à ces guerres.
Emmanuel Macron a également jugé, vendredi dernier, « tout à fait inacceptable » que les casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui comprennent un contingent français, soient « visés délibérément par les forces armées israéliennes », après que plusieurs d’entre eux ont été blessés par des tirs israéliens dans le sud du Liban.
Mais Benyamin Nétanyahou a affirmé que le Hezbollah utilisait « les installations et les positions de la Finul comme couverture afin de mener ses attaques » contre Israël, et a appelé dimanche 13 octobre le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, à mettre les casques bleus « à l’abri immédiatement ». La Finul, forte de 10 000 hommes, dont un contingent de 700 Français, a dénoncé des « violations choquantes » d’Israël, faisant état d’une entrée « en force », dimanche, de deux chars dans l’une de ses positions. L’armée israélienne a dit qu’un de ses chars avait percuté un poste de la Finul alors qu’il évacuait des soldats blessés.
La résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a acté la fin de la précédente guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, affirme que seuls l’armée libanaise et les casques bleus de la Finul doivent être déployés dans le sud du Liban.
3. ARTICLE – ÉDITO – Israël : Étienne Gernelle déplore « l’insoutenable légèreté d’Emmanuel Macron »
Face aux évènements au Proche-Orient, Emmanuel Macron est « incohérent » et « inconstant », estime Étienne Gernelle.
Etienne Gernelle – édité par Eléonore Apariciopublié le 17/10/2024 RTL
L’exclusion des industriels israéliens du salon militaire Euro naval qui doit avoir lieu en novembre n’est que l’un des épisodes d’une longue série d’incidents. Lorsque l’on prend du recul, sur l’attitude du chef de l’État vis-à-vis d’Israël, ce qui est frappant, c’est l’incohérence, l’inconstance et la désinvolture du président sur le sujet.
On pourrait appeler cela l’insoutenable légèreté d’Emmanuel Macron à propos du Proche-Orient. Sa dernière trouvaille, c’est ce propos rapporté lors du Conseil des ministres dans lequel il affirme qu’Israël « a été créé par une décision de l’ONU », ce qui est, au mieux, un raccourci.
Si une résolution de l’ONU et non pas une décision, a bien entériné un plan de partage de la Palestine, refusé d’ailleurs par les pays arabes, ce n’est qu’un élément d’une histoire longue et complexe. C’est approximatif, et donc abrasif.
Un président qui ruine sa crédibilité
L’inconstant Emmanuel Macron fait tout de travers au Proche-Orient. Dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. Au lendemain du 7 octobre, il propose une « coalition internationale contre le Hamas », mais tout seul. Sans concertation avec personne, un coup solitaire, un coup de com’ et un coup d’épée dans l’eau.
Dans le sens inverse, il propose récemment l’arrêt des livraisons d’armes en Israël, alors que la France n’en livre pas ou presque et encore sans concertation avec personne, au moment même où Israël est attaqué par l’Iran.
Il parle trop vite et il se tait quand il devrait parler. Par exemple, pas un mot lors de la mort de Nasrallah, le chef du Hezbollah, qui a pourtant tué des Français, au Liban en 1983, et même en France en 1986, rue de Rennes. Il n’a pas trouvé non plus les bons mots contre l’Iran, dictature sponsor du terrorisme, quand il a lancé des centaines de missiles sur Israël, dont il prône la destruction.
Sur le fond, Emmanuel Macron pense ce que pensent beaucoup de gens raisonnables : Israël a le droit de se défendre, mais on ne peut cautionner l’effroyable cynisme de Netanyahu ni l’extrémisme de ses alliés et il faut une solution à deux États. Cependant, il ne fait rien avancer, sa pusillanimité ruine sa crédibilité.
Macron varie, fait des coups à la petite semaine,une méthode qui a déjà produit des résultats que l’on sait sur le plan intérieur.
4. ARTICLE – Propos rapportés sur Netanyahou : Macron dénonce le «manque de professionnalisme» des ministres
Par John Timsit LE FIGARO 17 10 24
Le président de la République aurait déclaré en Conseil des ministres que le premier ministre israélien ne devait «pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU».
Emmanuel Macron s’est donné quelques jours pour répliquer. Après des propos rapportés du président de la République du Conseil des ministres ce mardi, selon lesquels il aurait suggéré à Benyamin Netanyahou de ne pas «oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU», – afin «qu’il ne s’affranchisse pas» de l’organisme international -, le chef de l’État a essuyé une vague de critiques, formulées par les institutions juives de France et une grande partie de la classe politique. Tout en provocant une vive polémique avec le premier ministre israélien.
Depuis Bruxelles ce jeudi soir, il a fermement dénoncé ces fuites. «Les Conseils des ministres sont rapportés à la presse par la porte-parole du gouvernement (Maud Bregeon, NDLR) et un communiqué», a rappelé d’entrée de jeu le chef de l’État. Avant d’accuser ses ministres, présents chaque semaine autour de la table élyséenne, d’un «manque de professionnalisme». «Il appartient à chaque participant de se montrer respectueux des règles et de ses fonctions par éthique, par discipline personnelle pour ne pas faire circuler des informations fausses, tronquées ou sorties de leur contexte», a-t-il persiflé.
«Pas besoin de ventriloque»
«Stupéfait», Emmanuel Macron a également profité de son intervention pour s’en prendre aux «journalistes et commentateurs», leur conseillant de «traiter les rumeurs et propos rapportés avec les précautions qui s’imposent.» «Si des paroles qui sont rapportées, tronquées et déformées sont reprises entre guillemets, il n’est plus la peine de faire des conférences de presse ni de répondre à vos questions», a-t-il tonné devant son auditoire, y voyant le signe d’un «délitement du débat public». Et de conclure : «Je crois que je dis suffisamment de choses sur la situation au Proche-Orient pour ne pas avoir besoin de ventriloque.» Comme un avertissement pour l’avenir.