Aller au contenu principal

LE « EN MÊME TEMPS » NIE FONDAMENTALEMENT LA POLITIQUE, LIEU DE DÉBAT ET DE DÉCISION DÉMOCRATIQUE ?

ÉMISSION – Myriam Revault d’Allonnes, philosophe : « La démocratie, ça ne s’essaie pas comme une chemise »

Samedi 19 octobre 2024 FRANCE CULTURE

Philosophe spécialiste de la démocratie, Myriam Revault d’Allonnes analyse notre malaise démocratique, à l’aune du « macronisme », du « lepénisme d’atmosphère », de l’érosion de la culture du débat et de la post-vérité.

Avec

  • Myriam Revault d’Allonnes Philosophe, chercheure associée au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et professeure émérite des universités à l’École pratique des hautes études.

Charline Vanhoenacker reçoit chaque semaine ses invité.e.s dans un bistrot, l’occasion parfaite pour se demander avec la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, spécialiste de la démocratie, si ce lieu ne serait pas l’espace le plus démocratique qui existe ? « Oui, si on considère que le bistrot fait partie de l’espace public, après tout, que c’est l’endroit où les gens se rencontrent, se parlent hors de chez eux, on peut tout à fait dire ça. Le bistrot étant, au fond, l’héritier de la place publique, de l’agora chez les Grecs.« 

La démocratie comme sujet d’études

Myriam Revault d’Allonnes a choisi la démocratie comme sujet d’études après avoir commencé sur la terreur révolutionnaire, après s’être interrogée sur les moyens de faire face au mal du pouvoir politique.

« J’ai beaucoup travaillé avec Paul Ricoeur, j’ai été à la fois son élève et son amie. Mais ça, c’est quelque chose de plus personnel. Et donc, j’ai été très marquée par ce courant de la gauche antitotalitaire qui attachait une importance considérable à la démocratie politique. et qui pensait que la fin de l’exploitation n’allait pas résoudre tous les problèmes. Et donc, j’ai aussi beaucoup travaillé sur la question du mal, du pouvoir, de toutes les difficultés relatives à la domination politique, et pas seulement à l’exploitation économique. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler sur la démocratie.« 

Elle observe que toutes ces études philosophiques sur la démocratie, sur le pouvoir politique, ont beau exister et être relayées, elles ne sont pas entendues par le pouvoir lui-même. Quoiqu’il en soit, elle ne saurait se considérer comme un conseiller du prince, par ailleurs le philosophe n’est pas forcément bon conseiller à ses yeux.

À écouter aussi : L’éthique du compromis, selon Paul Ricœur

Un manager de la République

Dans son ouvrage L’Esprit du macronisme, paru en 2021, la philosophe soulignait déjà, chez Emmanuel Macron, l’homme du « en même temps », une plasticité du discours néolibéral et une conception managériale de la société, selon ses propres termes. Elle réitère ses propos aujourd’hui, en appuyant de nouveau sur ce « en même temps », une notion fondamentalement anti-politique pour elle, et même une négation de la politique. Or Myriam Revault d’Allonnes définit la politique non pas comme l’art du consensus, mais comme l’exercice du conflit.

En effet la posture du en même temps « correspond à ce qu’on fait dans une entreprise, on règle les conflits et les problèmes pour que ça marche au mieux (…), évidemment qu’il faut que la politique marche, mais une nation n’est pas une entreprise, ce n’est pas une startup« . Le président actuel serait en quelque sorte un manager de la République.

La suite de cette discussion, autour de la démocratie, des élections américaines à venir, est à écouter ici…

À écouter aussi : Anatomie philosophique d’Emmanuel Macron avec Jean-Luc Nancy et Myriam Revault d’Allonnes 

Bibliographie de Myriam Revault d’Allonnes :

Le crépuscule de la critique, Le Seuil, 2022
Ainsi meurt la démocratie – conversation avec Chantal Delsol, Mialet Barrault, 2022
L’esprit du macronisme ou l’art de dévoyer les concepts, Le Seuil, 2021
La faiblesse du Vrai, Le Seuil, 2018

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.