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LE DÉSAMOUR DES FRANÇAIS POUR LES RESPONSABLES POLITIQUES – ODOXA (3)

ÉMISSION – Les Français et la démocratie : le grand désamour ? 

27 octobre 2024. FRANCE CULTURE

Selon un rapport du Cese, 23% des Français jugent que la démocratie n’est pas le meilleur système politique existant et 1 français sur 2 que seul un pouvoir fort peut garantir l’ordre et la sécurité. Comment expliquer cette défiance envers le système politique ? 

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On connaissait les Journées du Patrimoine lors desquelles les édifices parmi les moins accessibles ouvrent grand leurs portes au public. Voici venu la Journée de consultation citoyenne, raout annuel où chacune et chacun pourrait investir la mairie de sa commune ou le conseil général de son département afin d’y poser des questions et d’y proposer des solutions. C’est en tout cas le projet défendu par Michel Barnier lors de son discours de politique générale. Un projet qui a comme un air de déjà-vu.

Souvenez-vous : après la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron avait lancé en 2019 un Grand débat national, une revisite des cahiers de doléance. Appel maousse à contributions. Plus de 200 000 avaient été recensées avant d’être archivées. On attend toujours une restitution de cette consultation à grande échelle.

La boite à idées visant à régénérer la démocratie déborde. Mais faute d’être appliquées (ou faute d’être pertinentes), ces idées manquent visiblement leur cible.

La preuve : la démocratie a du plomb dans l’aile. Elle n’est plus spontanément considérée comme ‘’le pire système à l’exception de tous les autres’’. En témoigne le rapport annuel que vient de publier le Cese, le Conseil économique, social et environnemental. Dans ce rapport (qui s’appuie sur un sondage Ipsos), il apparaît que près d’un Français sur 4 estime que la démocratie n’est pas le meilleur système politique. Une défiance particulièrement répandue chez les moins de 35 ans. Autre enseignement : un peu plus de la moitié des personnes interrogées considèrent que seul un pouvoir fort et centralisé peut garantir l’ordre et la sécurité. Face à cette défiance, le président du Cese, Thierry Beaudet, un temps pressenti pour occuper Matignon, préconise d’associer davantage la population aux décisions qui la concerne.

Une démocratie en mode co-construction : une piste à creuser ?

Laëtitia Strauch Bonart : « on voit poindre dans notre société aujourd’hui un désir d’expression beaucoup plus direct. Je pense que c’est ainsi que les individus sont aujourd’hui. C’est un peu l’époque de l’homo numericus qui veut s’exprimer tout le temps, sur tout. Et ce n’est pas forcément une mauvaise chose… Je suis pour la démocratie directe, mais pas la démocratie participative. Une démocratie directe, c’est une démocratie où chacun a le droit politique de proposer une question à ses concitoyens, si tant est qu’un nombre suffisant de signatures ait été récolté, et soumettre au vote. Et chacun, ensuite, a le droit d’aller voter. En revanche, la démocratie participative, c’est quoi ? On choisit de temps en temps des gens qui peuvent venir s’exprimer. Ces gens ne nous représentent pas. Ils s’expriment, ils délibèrent, ils discutent, ils votent, mais sans être représentatifs. Je pense que ces conventions ne sont pas de bons outils politiques parce que je ne vois pas très bien pourquoi ces personnes-là iraient discuter de ces sujets et se prononcer quasiment en notre nom. Ce n’est pas de la vraie démocratie directe. C’est même encore plus court-circuité, je pense, la souveraineté populaire que de penser qu’en faisant quelques consultations de temps en temps, on va écouter les citoyens. »

Magali Lafourcade : « On n’est pas dans une société de la défiance d’un point de vue global. Les Français ont confiance en eux-mêmes, sauf ceux qui sont dans des difficultés de pauvreté, d’exclusion qui sont très fortes. Mais on voit bien les mécanismes de déclassement qui nuisent, qui apportent du ressentiment, qui apportent un moindre attachement au système politique actuel. On voit aussi un investissement dans le tissu associatif qui est extrêmement favorable. Et on voit aussi qu’il y a un attachement à la démocratie locale dans bon nombre d’études. La démocratie locale, elle n’est pas spéculaire mais il y a quand même aussi un attachement à son maire… Et là, il y a des espaces démocratiques de respiration qui sont très positifs. Et quand on voit ce qui s’est passé, sur le fait qu’on a eu une grosse alerte avec le risque d’avoir au pouvoir le Rassemblement national au second tour des législatives, il y a eu une mobilisation extraordinaire de tas de gens qui n’allaient pas voter d’habitude, il y a eu une participation et finalement il y a eu un sursaut universaliste, républicain qui me rappelle celui que l’on a vu en Pologne.

Ce que l’on devrait en tirer comme enseignement politique, c’est qu’il faut éduquer le plus tôt possible les citoyens français, dès l’école, au mécanisme d’engrenage, comme on le voit quand on suit les expositions du camp des milles, sur comment on passe d’une démocratie à un régime hybride, puis après à une dictature. Et on devrait apprendre très vite les mouvements de résistance face à cela. On devrait tous accéder à cette information-là pour pouvoir se dire que finalement, la démocratie n’est pas un acquis, qu’il faut aussi se battre pour elle. Et c’est ce qui ressort de l’étude, puisque un grand nombre des citoyens disent qu’ils sont prêts à se battre pour l’idéal démocratique. »

LIEN VERS L’ÉMISSION

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