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VIVRE EN PHILOSOPHIE : LE LIBRE DÉPLOIEMENT DE NOTRE PULSION DE VIE AVEC F.NIETZSCHE

ÉMISSION – « Nous voulons être les poètes de notre vie »

Jeudi 31 octobre 2024 FRANCE CULTURE

L’obsession de l’homme pour la vérité a des conséquences morales dont il faut, selon Nietzsche, s’émanciper. Comment peut-on embellir notre propre vie afin d’atteindre la « grande santé » ? 

Avec

  • Typhaine Morille Agrégée de philosophie et professeure en CPGE A/L (Joliot-Curie, Nanterre), Membre du GIRN (Groupe International de Recherches sur Nietzsche) 

Selon Nietzsche, à la manière des artistes, il nous faut considérer la réalité comme mouvante, illusoire et s’émanciper des concepts rigidifiants. Loin de vouloir atteindre la vérité, notre principale préoccupation devrait être l’accroissement de notre être, le libre déploiement de notre pulsion de vie. Typhaine Morille nous explique cette idée présente dans Le Gai savoir.

Une morale étouffante

Malgré la mort de Dieu, que les hommes ont « assassiné » et malgré les avancées de la science, « nous sommes encore pieux, (…) nous ne pouvons pas nous débarrasser de cette valeur de la vérité qui est pour nous devenue viscérale« .  « La morale nous tient lieu de vêtement (…), qui nous colle à la peau » et qui sous-tend toutes nos habitudes et nos réactions. Face à cela, Nietzsche nous « propose une thérapeutique par petites doses« .

Nietzsche considère que son époque est en pleine « crise nihiliste« . « (…) Les valeurs principales perdent leur autorité, les êtres humains sont désorientés (…) Donc, que va-t-on faire? (…) Remettre en question la valeur de la vérité [car] c’est la valeur fondamentale qui provoque cet état d’impuissance (…), [provoquant] une paralysie de la volonté. »

À écouter : Nietzsche, le poète-philosophe

Le rôle du philosophe : modifier les valeurs

Nietzsche dit que « sa démarche est celle de la grande politique. Mais la grande politique, c’est une politique culturelle et c’est toujours dans l’optique de la culture que Nietzsche inscrit son programme et sa critique des préjugés moraux. Parce que pour lui même, les idéologies politiques, en fait, naissent d’un soubassement affectif , [qui est] celui des valeurs ». Typhaine Morille explique que « pour modifier les régimes politiques, il faut d’abord de toute façon commencer par modifier les valeurs qui vont les faire naître ».

Néanmoins, « si on veut modifier les formes de vie, si on veut modifier les conduites humaines, alors il ne s’agit pas de le faire uniquement avec des idées. Il s’agit de le faire avec une praxis« .

Typhaine Morille précise « Si on détruit la morale européenne, ce n’est pas pour laisser un champ de ruines, c’est pour intérioriser des valeurs qui seront des valeurs plus créatrices, plus aptes pour Nietzsche à épouser le mouvement de la volonté de puissance, c’est à dire à porter l’homme vers l’extension de ses forces ».

Poser un regard d’artiste sur la réalité

Mais quel est le lien avec l’art ? « La volonté de puissance est ce qui dirige tout vivant (…). Nous ne pouvons pas faire autrement en permanence que d’être en train de transformer, d’interpréter, de déformer. (…). La question est de savoir comment voulons nous le faire. Il y a une manière d’appauvrir en fait la réalité (…) et c’est le propre de la morale européenne ». Mais*,* « On peut au contraire promouvoir des valeurs qui vont rendre la vie plus éclatante, [en voulant être] des artistes qui embellissent la vie ».

« Si on dit que de toute façon la vie est artiste et qu’elle crée des illusions, on dit qu’il ne sert à rien de chercher une vérité objective, qu’il ne sert à rien de penser que ce monde ci est finalement décevant, que ce monde ci est faux ».

Nietzsche lance un défi à son lecteur, de façon presque inconsciente : « si nous le voulons, c’est à dire si la volonté de puissance en nous est ascendante, si elle a encore la capacité de se commander à elle même, si la volonté de se dépasser nous permet de sortir de nos habitudes morales, (…) alors nous pourrons nous guérir. Alors peut être la grande santé est notre avenir. »

Pour en parler

Typhaine Morille est agrégée de philosophie et professeure en CPGE A/L (Joliot-Curie, Nanterre), Membre du GIRN (Groupe International de Recherches sur Nietzsche). Elle a notamment publié :

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