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LA RÉPARTIE, SPÉCIALITÉ FRANÇAISE ?

ARTICLE – «Elle est belle, vue de dot»… Connaissez-vous ces réparties de légende?

Par  Le Figaro 6 11 24

Savez-vous moucher les casse-pieds par une bonne réplique? L’auteure et journaliste Laurence Caracalla a recensé dans un livre des réparties féroces et souvent désopilantes, dont on gagnerait à s’inspirer.

Certains sont plus doués que d’autres. Quelle chance que de savoir mettre un impertinent à sa place en faisant mouche, et ce, par le langage seul ! Mais pour le commun des mortels, l’invective qui pique nous monte trop tard au cerveau. Pourquoi ne pas partir avec un bagage en tête, et s’inspirer des anciens? L’histoire regorge de réparties désopilantes, irrésistibles sous la plume de Laurence Caracalla dans «100 réparties de légende», du Figaro littéraire. Florilège.

De l’impertinence à la cour

Les têtes couronnées n’ont pas leur pareil pour désarçonner avec un brin d’humour. Voyez plutôt. Au XVIIe siècle, le comte de Sandwich, John Montagu, est le rival politique du maire de la Cité de Londres, John Wilkes : «Monsieur, je ne sais pas si vous mourrez sur l’échafaud ou de la syphilis», l’interpelle celui qui nous a laissé le nom de l’en-cas bien connu et des îles hawaïennes. Le maire ne se laisse pas démonter : «Tout dépend, monsieur, si j’embrasse vos principes ou votre maîtresse.» Outre-Manche, un siècle plus tard, autre inimitié notable entre deux grands hommes, Talleyrand et Chateaubriand. Et le premier de dire de l’écrivain qu’il méprise : «Quand il n’entend plus parler de lui, il croit qu’il devient sourd.» 

On peut également relever le bon mot du contrôleur général des finances de Louis XV, lorsque le roi lui demande, à propos des fêtes organisées pour le mariage du dauphin : «Comment les trouvez-vous?» Et son interlocuteur de répondre tout de go : «Impayables.» L’impertinence n’attend parfois pas le nombre des honneurs. On connaît la célèbre réponse de Gandhi, lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de la civilisation occidentale : «Je pense que ce serait une bonne idée.» Autre bon mot, entre le prince de Conti – physique ingrat mais grand portefeuille – et sa toute jeune femme : «Madame, je vous recommande de ne pas me tromper pendant mon absence. -Monsieur, vous pouvez partir tranquille: je n’ai envie de vous tromper que lorsque je vous vois.»

La politique rend impitoyable

Les invectives passent l’arène politique à la moulinette. C’en est presque un devoir. Le général de Gaulle n’a pas son pareil pour des plaisanteries de bon aloi. Alors réuni aux urinoirs de la Comédie-Française pendant l’entracte avec André Malraux, il répond «Regardez devant vous, Malraux» à celui qui vante la pièce avec insouciance, sans se concentrer sur sa tâche. Parfois, on peut dire que les ministres dépassaient les limites. Edgar Faure était célèbre pour l’humour de ses réparties. Un jour, une jolie femme lui demande pourquoi le ministre la dévisage. «Madame, je ne vous dévisage pas, je vous envisage», lui lance-t-il avec aplomb.

Si l’une a su sortir les crocs, c’est bien Gisèle Halimi. En 1959, l’avocate est reçue par le général de Gaulle après le procès d’El Halia en Algérie. «Bonjour, madame. Madame ou mademoiselle?», la salue De Gaulle. «Appelez-moi maître.» Le ton est donné. Face aux réflexions sexistes, la verve de Margaret Thatcher est également restée légendaire : «Si vous voulez que quelque chose soit dit, demandez à un homme. Si vous voulez que quelque chose soit fait, demandez à une femme.» 

Décidément, les répliques fusent à profusion en Angleterre. En 1983, la reine Elisabeth II commente le climat de la Californie, disant à Ronald Reagan : «Je savais que nous avions exporté beaucoup de choses aux États-Unis, mais je ne savais pas que la météo en faisait partie.» Mais il y a également des réparties qui font mouche par leur élégance, leur ascendance. Ainsi, cette fameuse de Valéry Giscard d’Estaing, répondant à son adversaire François Mitterrand : «Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du coeur! Vous ne l’avez pas. J’ai un cœur comme le vôtre qui bat à sa cadence et qui est le mien.»

Une spécialité française?

La France sait manier l’art de la pique à merveille. Un spectateur s’assoit à côté du romancier Tristan Bernard (1866-1947) : «Ah zut! J’ai raté le premier acte!» Et le dramaturge, également célèbre pour ses grilles de mots croisés, de répondre du tac au tac : «Rassurez-vous, l’auteur aussi.» Lors d’une représentation d’une pièce de Claudel, un écrivain et futur académicien, Marcel Achard, se tourne pareillement vers son voisin qui est en train d’applaudir : «C’est pour vous réchauffer?»

À la même époque, c’est le grand patron du journal Le Temps, Adrien Hébrard, qui est interpellé par l’un de ses employés journalistes : «Pourquoi dites-vous à tout le monde que je suis un imbécile?» Et le fin lettré de répondre: «Je ne savais pas que vous vouliez garder la chose secrète.» Même rapport de force de Sarah Bernhardt à une jeune comédienne, lui disant qu’elle n’a jamais le trac : «Ne vous inquiétez pas, ma petite, ça vous viendra avec le talent.»

Les artistes ont le goût des mots

S’il y a un échange à retenir, c’est bien celui de deux génies, Albert Einstein et Charlie Chaplin. Ce dernier invite le physicien à visionner la première des Lumières de la ville, en février 1931. Il en sort ébloui avec un beau compliment : «Ce que j’admire le plus dans votre art, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant, le monde entier vous comprend.» Et le roi du burlesque de répondre avec verve : «C’est vrai. Mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend.»

Pablo Picasso prend son courage à deux mains devant l’ambassadeur du IIIe Reich. «C’est vous qui avez fait cette horreur?», demande Otto Abetz en voyant la peinture Guernica, qui dénonce le bombardement de la ville basque par les armées de Hitler et de Mussolini. «Non, c’est vous», lui répond le peintre de génie. On peut également citer, sur un tout autre registre, Agatha Christie. «Pourquoi épouser un archéologue», lui demande un curieux. La romancière la plus lue du monde anglo-saxon a en effet épousé en deuxièmes noces sir Max Mallowan, spécialiste du Moyen-Orient. Et de répondre : «Parce qu’il me regardera avec de plus en plus d’intérêt à mesure que passeront les années.»

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