
VITRAUX DE NOTRE DAME : FAIT DU PRINCE ET ABUS DE POUVOIR ? MISE À JOUR
TITRAIT RÉCEMMENT METAHODOS https://metahodos.fr/2024/09/18/vitraux-de-notre-dame-fait-du-prince-et-abus-de-pouvoir/
ÉMISSION – Lumière sur Notre-Dame de Paris, les vitraux de la discorde
jeudi 5 décembre 2024 FRANCE CULTURE
Dès le 12e siècle, les premières verrières sont construites à Notre-Dame de Paris. Inondant la cathédrale de lumière, les vitraux colorés créent un climat spirituel magnifiant la prière des fidèles. Du soufflage de verre à la grisaille, la création des vitraux nécessite de nombreux savoir-faire.
Avec
- Julia Boyon Adjointe scientifique de la Cité du Vitrail de Troyes
- Claudine Loisel Ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique vitrail au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)
« Et qui a mis de froides vitres blanches à la place de ces vitraux ‘hauts en couleur’ qui faisaient hésiter l’œil émerveillé de nos pères entre la rose du grand portail et les ogives de l’abside ? », Victor Hugo pose la question des vitraux dans son roman Notre-Dame de Paris paru en 1831, c’est-à-dire plus de dix ans avant que Viollet-le-Duc n’entame ses travaux de restauration de la cathédrale et n’y installe ses verrières… Des verrières qui sont elles aussi critiquées avec l’idée de les remplacer par d’autres vitraux, qui eux-mêmes créent la polémique !
Les vitraux, au cœur de la cathédrale
Les premières verrières sont construites à Notre-Dame de Paris aux 12e et 13e siècles. Les vitraux les plus importants de la cathédrale gothique sont ceux présents dans les trois roses : la rose ouest, la rose nord et la rose sud. Loin d’être un élément purement décoratif, les vitraux font intégralement partie de l’architecture médiévale. Présents sur la plupart des murs, ils permettent de clôturer l’édifice et inondent de leur lumière colorée les murs et les voûtes. Assimilée à une manifestation divine, la lumière provoquée par les vitraux procure au fidèle la sensation de se trouver dans un espace intermédiaire entre le Ciel et la Terre.
Avant d’être accessibles au regard des fidèles, les maîtres verriers font fabriquer le verre à proximité des forêts où ils trouvent le sable, le bois de chauffe ainsi que les fondants. Une fois le verre préparé, le peintre verrier est chargé de réaliser le vitrail. Son travail commence sur un carton sur lequel il fait son dessin. Il découpe ensuite les verres pour les peindre avec des peintures vitrifiées.
À écouter : Notre-Dame : le chantier de la renaissance
Les verres de Viollet-le-Duc
Entre 1855 et 1865, les architectes Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Lassus décident de réaliser un nouveau décor vitré à Notre-Dame de Paris, dans le cadre du grand chantier de restauration de la cathédrale. L’ingénieure de recherche Claudine Loisel nous rappelle que « même si Viollet-le-Duc est souvent mis en avant, Lassus a également participé à ce projet. Ensemble, ils ont formé une équipe pour la restauration de Notre-Dame. »
Dans l’esprit des deux restaurateurs, l’idée principale est de redonner à la nef son atmosphère médiévale alors même que de nombreux vitraux ont été supprimés au siècle précédent. Claudine Loisel souligne que « Viollet-le-Duc, véritable passionné de l’époque médiévale, avait pour objectif de redonner à Notre-Dame toute la grandeur et la splendeur qu’elle avait au 13e siècle. » Pour s’inspirer de l’art gothique de ses prédécesseurs, Viollet-le-Duc s’entoure des meilleurs peintres verriers comme Nicolas Coffetier, le Maréchal de Metz, ou encore Alfred Gérente. « Il a certes joué un rôle central, mais il s’est surtout entouré des meilleurs artistes et artisans de son temps », termine l’ingénieure de recherche.
En plusieurs années, le décor vitré de Notre-Dame trouve une nouvelle harmonie d’ensemble. Des vitraux figurés sont construits pour les baies hautes du chœur, des vitraux légendaires pour les chapelles et quelques grisailles pour le reste de l’édifice. Dans certaines parties, un lien étroit de couleurs est établi entre les peintures et les vitraux à travers la couleur. L’architecte Viollet-le-Duc a réussi son pari : restituer une ambiance médiévale avec la lumière de son temps.
À écouter : Notre-Dame revisitée. Viollet-le-Duc, quelle flèche !
En 1935, un projet en verre et contre tous ?
Dans la première moitié du 20e siècle, les vitraux de Viollet-le-Duc sont globalement assez dépréciés. Les théoriciens et artistes jugent le siècle précédent peu novateur et évoquent les dégradations rapides des vitraux. En 1935, une proposition est soumise à la Commission des monuments historiques (CMH) pour remplacer les vitraux de Viollet-le-Duc. Douze maîtres verriers, inspirés par le cubisme et le fauvisme, vont travailler sur ce projet. Julia Boyon revient sur les origines de ce projet, plutôt insolites : « Habituellement, des vitraux sont toujours issus d’une commande officielle. Ici, ce sont ces douze maîtres verriers qui contactent en 1935 la Commission des monuments historiques. En effet, en parallèle de ce chantier, ces artisans travaillent sur un projet très distinct de Notre-Dame, à savoir le décor du pavillon pontifical qui se tiendra dans l’Exposition internationale de 1937. Ils proposent alors à la CMH d’accrocher les verrières sur lesquelles ils travaillent pour l’Exposition, dans la nef de Notre-Dame. Si le pari est audacieux, la commission se penche malgré tout sur la question. »
Présentés en 1937 pour l’Exposition internationale des arts et techniques, les vitraux modernes sont accrochés l’année suivante à Notre-Dame de Paris. Très rapidement, leur introduction dans la nef de la cathédrale fait polémique. Les « anciens » s’opposent aux « modernes » et les accusent de profanation de l’art et d’acte criminel. Malgré l’approbation par la CMH, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale met fin au projet. La querelle qui en est sortie pose cependant pour la première fois la question de l’insertion d’une œuvre moderne dans un édifice historique.
À écouter : Six vitraux de la cathédrale de Rouen volés et exposés dans des musées américains comme le Met de New York ?
Pour en savoir plus
Julia Boyon est adjointe scientifique de la Cité du Vitrail de Troyes et co-commissaire scientifique de l’exposition « Notre-Dame de Paris : la querelle des vitraux (1935-1965) » à la Cité du vitrail de Troyes, du 22 juin 2024 au 9 mars 2025.
Publication :
- Notre-Dame de Paris. La querelle des vitraux 1935-1965, avec Marie-Hélène Didier, Florence Dugué, Angélique Dutoit, Éditions Beaux Arts, 2024
Claudine Loisel est ingénieure de recherche, responsable du pôle scientifique vitrail au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et coordinatrice du Groupe de travail « Verre » du chantier scientifique CNRS/Ministère de la culture. Elle est également présidente du comité scientifique international pour la conservation-restauration des vitraux.
Références sonores
Archives sonores :
- Archive de René Huyghe, professeur au Collège de France, pour l’émission Les grandes conférences, RTF, 1958
- Reportage pour l’émission Rhône Alpes actualités avec Sylvaine Blein, 1965
- Commentaire par Yvan Christ sur l’exposition Viollet-le-Duc au musée de Notre-Dame de Paris, Heure de culture française, RTF, 1964
- Archive sur la déclaration d’Edmond Labbé, commissaire de l’Exposition internationale des arts et techniques, L’exposition des arts et techniques dans la vie moderne, RTF, 1937
- Archive sur Max Ingrand, maître-verrier et décorateur français, L’art et la vie, 1954
Lectures :
- Lecture par Jeanne Coppey d’un rapport adressé au Ministère de la Justice et des Cultes pour la restauration de Notre-Dame de Paris par Jean-Baptiste Antoine Lassus et Eugène Viollet-le-Duc, 1843
- Lecture par Sam Baquiast d’un extrait du journal L’Époque écrit par René Johannet, 9 décembre 1938
Musiques :
- « Notre-Dame De Paris » composée par Eddy Marnay et interprétée par Édith Piaf, 1952
- « Encore un carreau d’cassé », Bonne nuit les petits, ORTF, 1966
- Générique : « Gendèr » par Makoto San, 2020