
ÉMISSION – “Le Chat” de Charles Baudelaire, le vagabond des songes
Publié le vendredi 20 décembre 2024 FRANCE CULTURE
“Le Chat”, un animal bien présent dans l’esprit et la poésie de Charles Baudelaire.
Avec
- Mathilde Wagman Chroniqueuse et programmatrice du « Book club »
Dans cette nouvelle saison de L’Instant poésie consacrée aux poèmes de l’enfance, Mathilde Wagman nous fait entendre le poème “Le Chat” de Charles Baudelaire, extrait des Fleurs du mal, paru en 1857.
Lu par Morgane Nairaud et réalisé par Tidiane Thiang.
En son final, c’est à nouveau en lui-même que le poète plonge
Charles Baudelaire (1821-1867) est l’un des poètes les plus influents du XIXe siècle, figure centrale du mouvement symboliste et auteur du célèbre recueil Les Fleurs du mal (1857), dans lequel il explore la beauté, la douleur, l’extase et la décadence de la modernité. Baudelaire a également marqué la poésie française par son utilisation de symboles et de métaphores faisant du langage un moyen privilégié de suggestion et d’émotion.
Ce poème rend hommage à un animal très inspirant dans l’histoire de la poésie : le chat. Être indépendant, il est décrit ici comme une présence qui apaise, qui accompagne dans la solitude. Sa capacité de charmer peut être associée chez Baudelaire au pouvoir séducteur de la femme. Sa beauté, sa présence envoûtent le poète, au risque d’avoir le cœur brisé, ou de perdre l’esprit.
Mais malgré ces craintes, cet animal fascine et inspire : Charles Baudelaire ne démentira pas adorer les chats.
Laissez-vous séduire par la douceur et le mystère de ce beau félin…
Charles Baudelaire (1821-1867)
Charles Baudelaire, « Le Chat »
I
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux !
II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une.
C’est l’esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement
extrait des Fleurs du mal (1857)