

La menace Elon Musk ébranle l’Europe
TITRE L’OPINION SUI POURSUIT 7 janvier 2025 -,Jade Grandin de l’Eprevier :
« Les dirigeants européens s’inquiètent de la concentration de pouvoirs économique, politique et informationnel entre les mains du milliardaire américain, qui interfère dans les élections et affaires internes de plusieurs pays
Elon Musk pourrait donner un avantage compétitif à l’extrême droite allemande dans l’élection du 23 février outre-Rhin, en promouvant jeudi soir sur son réseau X une conversation avec la cheffe de file de l’AfD Alice Weidel. Experts et élus appellent Bruxelles à intervenir et critiquent un « deux poids deux mesures » en faveur des Etats-Unis, par rapport à la Chine et à la Russie. Au même moment, l’Italie discute d’un giga contrat de cryptage de ses communications sensibles par le réseau de satellites Starlink, détenu par Musk.
Imaginez : un homme ayant l’oreille du futur président des Etats-Unis, bientôt haut placé dans son administration, possédant une plateforme (X, ex-Twitter) utilisée par 110 millions d’Européens – près du quart de la population de l’Union – qui use de celle-ci pour interférer dans les élections de plusieurs pays, et qui, en outre, détient un réseau de satellites dont ces Etats dépendent pour leurs communications… «
ARTICLE – « La liberté d’expression » : les milliardaires de la tech se prosternent devant Trump pour faire plier les Européens
Elon Musk et Mark Zuckerberg. Le patron du réseau X est un proche de Donald Trump. Le second, propriétaire de Facebook et Instagram vient de rallier les thèses du président américain dans une vidéo retentissante. Un puissant réseau à disposition de la nouvelle administration.
Par Mathieu Hervé 09/01/2025 SUD OUEST
La nouvelle administration Trump et les milliardaires de la tech américaine, Elon Musk et Mark Zuckerberg en tête, sont désormais à l’offensive contre les lois européennes. Leur angle d’attaque : la défense de la liberté d’expression
Mark Zuckerberg a fait allégeance à Donald Trump. Dans une vidéo diffusée mercredi, le patron de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp, plus de 3 milliards d’utilisateurs dans le monde) a annoncé vouloir « restaurer la liberté d’expression » sur ses plateformes. Une décision qu’il a qualifiée de « point de bascule culturel ». Mark Zuckerberg va se « débarrasser » des « fact-checkers », ces vérificateurs de faits selon lui « trop orientés politiquement » « ont davantage participé à réduire la confiance qu’ils ne l’ont améliorée ».
Pour Donald Trump, la loyauté est le critère qui dépasse tous les autres. Le ralliement de Mark Zuckerberg, l’un des derniers milliardaires de la tech américaine qui avait jusqu’alors maintenu ses distances, valait bien une mise en scène en mondiovision.
« Muskification de ses plateformes » , a réagi Reporters sans frontières qui s’est alarmé « de cette politique renforcée contre le droit à l’information. »
Zuckerberg après Musk, Bezos et les autres
« Ce discours marque un tournant dans la révolution numérique. Cette remarque n’a rien d’exagéré. Facebook s’est construit sur la monétisation de la rage et de l’outrance. À ce titre, le réseau social est devenu une puissante bombe à fragmenter les démocraties. Le voici aujourd’hui qui fait allégeance à une administration autocratique, imprévisible et hégémonique » a résumé sur son blog l’expert en médias numériques Frédéric Filloux
Après Elon Musk patron de Tesla, SpaceX et X (réseau social aux 238 millions d’utilisateurs), après Jeff Bezos patron d’Amazon (310 millions d’utilisateurs actifs dans le monde), après Peter Thiel, le libertarien cofondateur du service de paiement en ligne Paypal et beaucoup d’autres encore dont Tim Cook patron d’Apple, Mark Zuckerberg rejoint le cortège des magnats de la tech américaine pro-Trump. Des entrepreneurs et hommes d’affaires dont l’objectif est évidemment de tirer un maximum de profits du deuxième mandat présidentiel. La galaxie politique MAGA (Make America Great Again) et l’élite économique de la Silicon Valley font alliance dans le but de recomposer à la fois l’environnement culturel et réglementaire dans lequel ils évoluent. Cela passera par la dérégulation. Et par tous les moyens.
Le DSA, objet de toutes les crispations
En septembre 2024, en pleine campagne présidentielle, une phrase de J.D. Vance, le futur vice-président américain, était passée relativement inaperçue. Elle prend en ce mois de janvier 2025 tout son sens. Interrogé sur les différends d’Elon Musk et de son réseau social X avec l’Union européenne, J.D. Vance (qui est aussi un ancien salarié de Peter Thiel, cité plus haut), avait évoqué un curieux « deal » à l’adresse des Européens. » Ce que l’Amérique devrait dire, c’est que si l’OTAN veut que nous continuions à soutenir l’alliance militaire, pourquoi ne respectez-vous pas les valeurs américaines et la liberté d’expression ? ». Traduisons les termes du marché : la protection militaire américaine en échange d’un assouplissement des réglementations européennes sur le numérique.
Car depuis décembre 2023, les géants de la tech américaine sont nerveux. Bruxelles a ouvert une enquête contre l’ex-Twitter. En cause : des manquements supposés aux règles européennes sur la modération des contenus et de transparence, conformément au Digital Services Act. Le DSA, le voilà, l’objet de toutes les crispations. Adopté pour lutter contre la propagation de contenu illicite en ligne, ce règlement oblige les plateformes et moteurs à prendre des mesures pour atténuer les risques qui découlent de l’utilisation de leurs services. Dont la diffusion de contenus illicites comme les incitations à la haine ou à la violence, le harcèlement, la pédopornographie ou l’apologie du terrorisme. Le DSA prévoit des sanctions allant jusqu’à 6 % du revenu ou du chiffre d’affaires annuel de la société.
L’Europe en ordre dispersé
Donald Trump élu, l’objectif de son camp et alliés de la « droite tech » est d’obliger l’UE à laisser tomber enquêtes et réglementations. Elles font peser trop de risques sur l’activité et entravent la liberté d’innovation des géants américains du numérique. Le commerce en ligne, les réseaux sociaux mais il faut voir en filigrane le domaine de l’Intelligence Artificielle. Sur ce dernier sujet parmi ceux qui chuchotent à l’oreille du futur locataire de la Maison-Blanche, Sundar Pichai, le directeur général de Google.
Les Européens réagissent en ordre dispersé. Première remarque : le commissaire au Marché intérieur, le français Thierry Breton, l’un des principaux promoteurs du DSA et meilleur ennemi européen d’Elon Musk, a démissionné de la Commission européenne en septembre. La patronne de la Commission Ursula von der Leyen a pour sa part fait passer la consigne en ce début janvier « de mettre sur pause les enquêtes en cours contre des plateformes américaines (enquêtes qui concernent notamment Apple, Meta et X, ndlr), et de n’en lancer aucune autre », relate Le Monde.
Une attitude pas unanimement appréciée. Invité de Radio France mercredi, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a ajusté son tir. Si la Commission européenne « n’exerce pas ses compétences avec fermeté » pour protéger le débat public en ligne, « elle devra laisser la liberté aux États de prendre des mesures nationales ».
Bataille culturelle
Et pendant ce temps-là, l’offensive continue. Dans le rôle de l’agent d’ambiance trumpiste, l’incontournable Elon Musk. L’organisation d’une « conversation » entre Alice Weidel, leader de l’organisation radicale allemande AfD, avec Musk sur son réseau X, le 9 janvier, à quelques semaines des législatives de février outre-rhin donne le ton.
Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs, Emmanuel Macron a commenté : « Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? » Il aurait aussi pu regarder outre-Manche, où Musk affiche son soutien à Tommy Robinson, un activiste d’extrême droite islamophobe et conspirationniste.
D’aucuns diraient qu’une bataille culturelle est en cours. Un « point de bascule culturel », rectifierait Zuckerberg. En tout cas, l’Europe est un nouveau théâtre des opérations.