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ARTICLE – Budget : la facture de la non-censure
Pour acheter la clémence des socialistes, François Bayrou égrène les concessions. La facture fait déjà grincer certains députés de la coalition gouvernementale. Pour Eric Lombard, « ce qui a coûté très cher, c’est la censure. L’accord avec le PS va permettre de relancer l’activité plus vite. »
Par Sébastien Dumoulin. 17 janv. 2025 LES ÉCHOS
C’est la version 2025 du « quoi qu’il en coûte ». Pour s’assurer que le PS ne votera pas la censure de son gouvernement, François Bayrou multiplie les concessions depuis sa nomination. Dans un courrier envoyé jeudi aux parlementaires socialistes, le Premier ministre en dresse lui-même la longue liste .
En réalité, plusieurs avaient déjà été actées par Michel Barnier : abandon de la hausse des taxes sur l’électricité, hausse de la taxe sur les transactions financières, rationalisation du crédit impôt recherche, extension du PTZ au logement neuf dans toute la France… Mais cela n’avait pas suffi. Pour éviter le sort de son prédécesseur, François Bayrou a depuis ajouté plusieurs renoncements nouveaux, emblématiques et coûteux.
Un gros chèque pour la santé
La somme de ces concessions, selon un calcul des « Echos », avoisine 3 milliards d’euros à ce stade. Les deux tiers tiennent aux dépenses de santé, que le gouvernement a accepté de laisser filer un peu plus que prévu par son prédécesseur. L’hôpital public en particulier se voit allouer 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires, notamment pour rouvrir des lits – ce qui représente « l’équivalent du recrutement de 15.000 soignants », précise-t-on à Matignon.
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En parallèle, l’exécutif a renoncé à faire payer davantage les Français pour leurs médicaments et leurs visites chez le médecin. Michel Barnier misait sur la hausse du « ticket modérateur » pour économiser 1 milliard d’euros. La mesure, impopulaire, était vilipendée par les oppositions. Elle disparaît du budget Bayrou. Toutefois, ce dernier manque à gagner n’en est pas tout à fait un, puisque Bercy a prévu de récupérer une somme équivalente en taxant les mutuelles et assurance santé .
Des mesures très politiques
En sus de ces 2 milliards de crédits pour la santé, il reste donc environ 1 milliard d’euros de concessions diverses faites par François Bayrou à la gauche. La première concerne le budget des Outre-mer. Le Premier ministre a annoncé qu’il ne l’amputerait pas en 2025, alors qu’il s’agissait de l’une des missions les plus durement affectées par le projet de budget de Michel Barnier. Ce dernier prévoyait une baisse des crédits de 9 %, soit environ 250 millions d’euros – que le nouveau gouvernement rétablit (hors mesures exceptionnelles de soutien à Mayotte et à la Nouvelle-Calédonie).
Plusieurs autres mesures portent une charge politique sans doute plus importante que leur coût budgétaire. Ainsi, la décision de François Bayrou de ne pas supprimer 4.000 postes d’enseignants (comme le souhaitait son prédécesseur au motif que la baisse des effectifs scolaires le justifiait), ne représente pas plus de 150 millions d’euros en année pleine. Et la création de 2.000 postes d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) – une demande répétée de la gauche – représente 90 millions d’euros.
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Deux autres mesures qui faisaient bondir les syndicats – l’ajout de deux jours de carence pour les fonctionnaires en arrêt maladie et la suppression de 500 postes chez France Travail– ont également sauté. La première aurait dû rapporter 300 millions d’euros, la seconde à peine quelques dizaines de millions. Il n’est sans doute pas innocent que le Premier ministre n’ait pas évoqué dans sa lettre la baisse de l’indemnisation des fonctionnaires en cas d’arrêt maladie. En passant son montant de 100 % de leur traitement à 90 %, le gouvernement Barnier espérait réaliser 900 millions d’euros d’économies. Un joli magot, que le gouvernement n’a pas cédé aux oppositions.
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Le coût de la censure
Dans les rangs macronistes, le coût croissant de la mansuétude des socialistes fait grincer des dents. « Comme tous les compromis depuis 2022, ça coûte ! Celui-là me semble très cher… », déplore par exemple le député Jean-René Cazeneuve. Tous concèdent que la stabilité a un prix. « Je ne le nie pas, mais la facture va être élevée. Et ce n’est que le début », s’inquiète son collègue Mathieu Lefèvre. Qu’est-ce que le gouvernement devra encore lâcher d’ici au vote sur le budget dans un mois ? « Et sur les retraites, s’il y a un nouveau texte, il y a un très fort risque d’emballement parlementaire sur le sujet », ajoute-t-il.
Ces derniers jours, le gouvernement insiste pour sa part sur le coût de la censure. Certaines mesures, notamment la non-indexation des retraites, n’ont pas pu entrer en vigueur, ce que Matignon chiffre entre 0,2 et 0,3 point de PIB (soit entre 6 et 9 milliards d’euros). A quoi il faut ajouter un inévitable effet de l’instabilité sur la confiance des ménages ou des entreprises et sur la croissance.
Le ministre des Finances Eric Lombard a d’ailleurs assuré ce vendredi matin sur BFMTV que « ce qui a coûté très cher, c’est la censure », estimant à 6 milliards d’euros l’impact de la moindre croissance, et 6 autres milliards les pertes liées à des mesures qui n’ont pas pu être prises. L’accord avec le PS, a-t-il défendu, « est un accord qui n’est pas coûteux car il va permettre de relancer l’activité plus vite. »