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LE DÉCROCHAGE DE LA FRANCE : PAS THÉORIQUE … PAS INÉLUCTABLE

ARTICLE – Oui, la France peut se relever !

9 12 25 LA TRIBUNE

Le diagnostic est sans appel. L’économie française accumule les signaux d’alerte : le chômage remonte, les taux souverains flambent, le déficit commercial se creuse et des secteurs entiers sont sinistrés. Le spectre d’un décrochage définitif n’est plus théorique. Pourtant, derrière ce tableau préoccupant, une opportunité demeure : surmonter les blocages politiques pour renouer avec une politique industrielle ambitieuse, pilotée par les données.

Par Emmanuel Lempert, vice-président, chef des affaires gouvernementales pour la France, le Moyen-Orient et l’Afrique de SAP, plus grand éditeur européen de logiciels au monde.

Une révolution technologique à ne pas manquer

La prochaine décennie sera celle des usines intelligentes ou ne sera pas. Ses champions devront pleinement maîtriser le triptyque « données massives-cloud-intelligence artificielle ». Sans parler de la révolution quantique à venir. Un exemple ? La filière hydrogène, moteur de la transition énergétique, ne pourra émerger sans systèmes d’information de nouvelle génération. Même constat pour l’industrie des semi-conducteurs, pierre angulaire de la souveraineté numérique.

La situation française est alarmante et pourrait devenir irrémédiable. Avec seulement 2 % du PIB consacré à la R&D, l’Hexagone investit en proportion presque deux fois moins que les États-Unis. Plus significatif encore : quand 40 % des sites industriels allemands sont connectés, notre pays plafonne à 15 %. Sans sursaut rapide, c’est notre capacité à préserver une base industrielle compétitive qui est menacée.

La donnée comme boussole

L’équation productive se complexifie. À l’impératif de rentabilité s’ajoutent désormais des exigences environnementales et sociales incontournables. Ce nouveau paradigme rend caducs les modes de gestion traditionnels. Seule une approche fondée sur l’analyse en temps réel de données massives permet de gérer et de développer efficacement des organisations aux objectifs multiples. C’est ainsi que l’on troque un train de retard contre un coup d’avance.

Or, le tissu économique hexagonal ne parvient pas encore à pleinement embrasser cette mutation. L’État lui-même peine à évaluer l’impact des politiques publiques, faute d’instruments appropriés. Sans transformation profonde des pratiques de gouvernance, l’ambition d’une France à la fois compétitive, résiliante et durable restera un vœu pieux.

Pour un État stratège modernisé

L’heure n’est plus aux atermoiements ni aux luttes de pouvoirs polarisées. Dans une période où l’instabilité politique fragilise structurellement l’action publique, l’État doit d’urgence retrouver une vision stratégique de long terme, renforcée par les technologies avancées. Les États-Unis montrent la voie avec une politique industrielle pérenne, globalement perméable aux changements d’administrations, soutenue par des investissements conséquents et guidée par des outils décisionnels performants.

Le système actuel, essentiellement réactif et nourri de mesures de circonstances, a fait son temps. D’autant qu’il fonctionne à crédit. La dette à vocation à financer l’avenir, non les erreurs du passé. L’enjeu est désormais de sanctuariser des programmes structurants, capables de résister aux aléas politiques et de faire émerger des filières industrielles d’envergure mondiale.

L’Europe comme catalyseur

Le rapport Draghi résonne comme un ultimatum dans une période particulièrement difficile pour l’Europe, du repli du « made in Germany » aux tentatives de captation des industries vertes par les États-Unis. Une réponse s’impose.

Des étapes importes ont déjà été franchies avec le plan de relance, le Pacte Vert et, demain, le Pacte pour une industrie propre. Pour autant, l’Union Européenne doit s’inscrire dans une stratégie industrielle de longue haleine et investir massivement dans les infrastructures numériques et les technologies décisionnelles. Son rang sur la scène mondiale en dépend.

Le combat pour une industrie intelligente n’est pas perdu, mais le temps presse. Chaque retard dans la modernisation de nos pratiques accroît l’écart avec nos concurrents. Sans mobilisation décisive, le risque est réel de voir la France basculer irrémédiablement dans le camp des nations post-industrielles, spectatrices impuissantes des grandes mutations du monde.

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