
UN EXTRÉMISME DU CENTRE
Il s’agit d’un concept de l’historien spécialiste de la Révolution française Pierre Serna : l’extrême centre.
Outre l’extrême gauche et l’extrême droite, il y aurait, d’après l’historien, un extrémisme du centre présent en France dès la Révolution. Il serait aujourd’hui incarné par Emmanuel Macron.
MISE À JOUR
ÉMISSION L’extrême centre existe-t-il ?
Publié le mardi 21 janvier 2025 RADIO FRANCE
En 2017 et en 2022, le centrisme gagnait l’élection présidentielle. En 2022, Emmanuel Macron qualifiait son projet politique d' »extrême centre ». Comment le centrisme, associé au compromis et à la modération, peut-il être extrême ? Peut-on parler du macronisme comme d’un « extrême centre » ?
Avec
- Fabienne Keller Eurodéputée Renew
- Pierre Serna Professeur d’histoire de la Révolution française à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC)
Le centrisme politique a été renouvelé par Emmanuel Macron, qui l’a incarné au travers du « en même temps ». C’est en se revendiquant comme tel qu’il a gagné l’élection présidentielle de 2017. Mais ce centrisme s’inscrirait dans une longue tradition politique, qui rythme la vie politique française depuis la Révolution française, comme le considère l’historien Pierre Serna.
Huit ans après la victoire du « ni droite, ni gauche » à la présidentielle et au parlement, les deux derniers gouvernements Michel Barnier et François Bayrou comportant plusieurs membre du groupe Les Républicains. Le centrisme d’Emmanuel Macron penche-t-il vers la droite ? Est-il un « ni gauche, ni gauche », comme l’affirmait François Mitterrand ? Le centrisme est-il davantage une idéologie ou une façon de gouverner ? En quoi l’extrême-centre s’inscrit-il dans une longue tradition politique, depuis la Révolution française ?
Le macronisme est-il un centre ?
Pour aller plus loin :
– Pierre Serna a écrit L’extrême centre ou Le poison français : 1789-2019, paru aux éditions du Champ Vallon en 2019

ARTICLE – L’« extrême centre », un extrémisme qui peut mener à l’autoritarisme
Outre l’extrême gauche et l’extrême droite, il y aurait, d’après l’historien Pierre Serna, un extrémisme du centre présent en France dès la Révolution. Il est aujourd’hui incarné par Emmanuel Macron.
Histoire d’une notion. Le 18 avril 2022, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron, qui brigue un deuxième mandat, décrit le champ politique en ces termes : « Les trois quarts des électeurs (…) se sont exprimés pour trois projets. Un projet d’extrême droite. (…) Un projet d’extrême gauche. (…) Un projet d’extrême centre, si on veut qualifier le mien dans le champ central. »
A première vue, l’expression « extrême centre » paraît oxymorique : le centrisme est en effet associé au compromis et à la modération. Pourtant, l’historien spécialiste de la Révolution Pierre Serna identifiait, dès 2005, dans La République des girouettes. 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la France de l’extrême centre (Champ Vallon), un « extrême centre » : cette tradition politique rythmerait, selon lui, l’histoire française depuis la Révolution – et Emmanuel Macron en serait aujourd’hui le porte-parole.
Dans cet ouvrage comme dans L’Extrême Centre ou le poison français. 1789-2019 (Champ Vallon, 2019), l’historien ne récuse pas l’existence d’un centrisme non extrême incarné, sous la IVe République, par Pierre Mendès France au centre gauche, ou aujourd’hui, par François Bayrou au centre droit. Il théorise cependant la présence, par ailleurs, d’un « extrême centre » – un terme utilisé par l’essayiste Alain-Gérard Slama dans son essai Les Chasseurs d’absolu. Genèse de la gauche et de la droite (Grasset, 1980).
Diplômés de l’« ordre de la Girouette »
Pour définir ce concept, Pierre Serna s’inspire des ouvrages de l’écrivain italien Leonardo Sciascia, qui analyse, dans son essai Nero su nero (1979) (Noir sur noir. Journal de dix années, 1969-1979, Christian Bourgois Editeur, 1998), un extrémisme du centre à l’œuvre, en Italie, durant les années de plomb – de la fin des années 1960 au début des années 1980. Aux yeux de l’historien français, ce concept désignedes individus, des groupes ou des partis se réclamant du centre du spectre politique, à l’idéologie fluctuante et dont le caractère extrême renvoie à l’intolérance dont ils font preuve à l’égard de leurs opposants ainsi qu’à leur usage d’un pouvoir exécutif fort.L’expression définie par Pierre Serna a ensuite séduit d’autres penseurs : le politiste anglais Tariq Ali l’a reprise en 2015, le philosophe …
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