
1. ARTICLE – Qui va réellement en prison ? Le laxisme de la justice française en chiffres
Par Judith Waintraub et Service Infographie, pour Le Figaro Magazine 24 janvier
Première du genre, l’étude de l’Institut pour la justice sur les peines prononcées, que Le Figaro Magazine révèle en exclusivité, prouve que la prison ferme est une sanction plus virtuelle que réelle.
Le laxisme des juges serait une « fake news », Emmanuel Macron le dit et le répète. La preuve, selon le président de la République ? « Il n’y a jamais eu autant de détenus en France ! » Comme si le taux de remplissage de nos prisons, en permanence surpeuplées puisque les places promises ne sont jamais construites, était un indicateur fiable de la sévérité des condamnations, alors même que la délinquance explose.
Qui va réellement en prison et pour quel délit ? L’étude de l’Institut pour la justice, menée par Dominique-Henri Matagrin, ancien président de l’Association professionnelle des magistrats, est la première du genre à cette échelle. Le magistrat honoraire a étudié les peines prononcées pour la quasi-totalité (98 %) des délits sanctionnés en France en 2022 et les a comparées aux peines encourues. Son verdict est sans appel : « Le laxisme de la justice n’est pas un mythe. »
…/…
2. ARTICLE – « Carcérophobie» : une étude choc dévoile l’étendue du laxisme judiciaire en France
Dans une vaste enquête publiée ce 24 janvier, l’Institut pour la justice (IPJ) a analysé 98 % des délits sanctionnés en 2022. Verdict : bien que la peine de prison soit omniprésente dans le Code pénal, son application concrète se marginalise de plus en plus.
Lucas Planavergne 25/01/2025 JDD
Le laxisme judiciaire, un mythe ? Pas d’après la dernière étude de l’Institut pour la justice (IPJ)… Dans cette enquête choc parue ce vendredi 24 janvier, le think tank a passé au crible 98 % des délits sanctionnés dans l’Hexagone en 2022 à partir des statistiques du ministère. Et le constat est sans appel : la France souffre de « carcérophobie ».
« La peine de prison est omniprésente dans le Code pénal, mais, à voir son application concrète, elle fait plutôt figure de sabre de bois, avec lequel le législateur fait de grands moulinets… dans le vide ! Tant la menace qu’elle porte est, si souvent, plus virtuelle que réelle », explique Dominique-Henri Matagrin, ancien président de l’Association professionnelle des magistrats (APM) et auteur de l’étude.
Écart entre les peines encourues et prononcées
Ainsi, dans l’immense majorité des cas (plus de 90 % des délits), la prison ferme est minoritaire dans les peines prononcées par les tribunaux. Elle est même ultra-minoritaire (moins d’un cinquième des sanctions prononcées) dans 40 % des délits. Exemple plus concret : si le Code pénal prévoit jusqu’à dix ans de prison pour des actes de violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique, dans les faits, l’emprisonnement n’est prononcé que dans 35,8 % des cas – et 86,1 % des condamnations sont inférieures à un an ferme.
« On peut mesurer, infraction par infraction, l’écart considérable entre peine encourue et peine prononcée, mais aussi, la part singulièrement résiduelle du choix de l’emprisonnement pour les sanctionner… Centrale dans la loi, la peine de prison effective est devenue marginale dans la pratique des juges », martèle l’auteur de l’enquête.
Redonner du crédit à la justice
Afin de rompre avec ce laxisme « qui ruine le crédit du système pénal », l’IPJ propose plusieurs solutions. Selon le think tank, l’une des priorités est de revoir les règles du sursis pour que celui-ci soit « crédible et efficace ». Sa révocation « doit être autant que possible effective à la première récidive », insiste par exemple l’auteur de l’étude.
Mais il faut également s’attaquer au système d’aménagement des peines en revenant « radicalement sur l’évolution contemporaine de la législation, qui, à tous les stades, a organisé le “détricotage” des décisions de justice – et, au premier chef, de celles qui prévoient une incarcération », détaille l’Institut pour la justice dans son rapport, estimant que « la plasticité actuelle de la peine doit être strictement limitée pour lui donner son plein sens et toute sa portée ».
À LIRE AUSSICourtes peines, expulsion des délinquants étrangers : comment mettre fin à la surpopulation carcérale ?
S’il est de nature à provoquer des ulcères au sein d’une partie de la profession – et notamment au Syndicat de la magistrature–, le constat dressé par l’IPJ semble partagé par une large partie de la population. Pas plus tard qu’en septembre dernier, un sondage CSA pour Le JDD, Europe 1 et CNews révélait que 80 % des Français trouvent la justice trop laxiste…
3. ARTICLE – Qui va réellement en prison ? Le laxisme de la justice française en chiffres
L’assassinat d’un jeune homme dans une prison à Marseille interroge sur l’exécution des peines alors que son casier judiciaire était vierge et que d’autres délinquants ne sont pas incarcérés pour des faits beaucoup plus graves. Quelle est la réalité des peines de prison en France ?
Christophe Eoche-Duval est juriste et essayiste. Il a publié « Le prix de l’insécurité: Enquête sur une défaillance d’Etat » aux éditions Eyrolles et « L’inflation normative » aux éditions Plon.
Bertrand Saint-Germain est Docteur en droit, essayiste, auteur de Juridiquement correct, comment ils détournent le Droit, publié aux éditions La Nouvelle Librairie (2023).
Pierre-Marie Sève est délégué général de l’Institut pour la Justice.
Atlantico : A Marseille, un prisonnier des Baumettes a été égorgé par son codétenu en octobre dernier. Il avait été incarcéré pour la détention de fausses ordonnances de sirop codéiné, qu’il utilisait pour réaliser du « purple drank« . Comment expliquer qu’un individu comme celui-ci, dont le casier était apparemment pratiquement vierge, ait pu se retrouver en prison quand on sait combien il est récurrent de ne pas incarcérer de « plus gros poissons » ?
Bertrand Saint-Germain : Il est toujours difficile de parler d’une affaire lorsque l’on n’en connaît pas les détails exacts. D’abord, et même si le casier de cette personne n’était pas « chargé », il ne faut négliger le fait que le « purple drank » est une véritable drogue causant de nombreux décès et que la dangerosité de son trafic pouvait justifier de mettre l’un de ses acteurs essentiels en détention. Ensuite, il semble certain que l’Administration pénitentiaire se soit montrée fautive dans sa gestion de la situation d’un primo-arrivant qui ne possédait pas les codes criminels, ni ne bénéficiait du soutien en détention d’un réseau constitué… Après l’assassinat d’Yvan Colonna par un islamiste, cet égorgement de Robin Cotta aux Baumettes en octobre 2024 tend à montrer que la situation de nos prisons devient progressivement celle d’une société hors de tout contrôle légal.
…/…