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ARTICLE – Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel ? On vous explique pourquoi l’idée fait tiquer
Justine FAURE 4 février 2025 TF1
Le président de la République envisagerait de nommer l’ancien président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel.L’idée fait tiquer, dans l’opposition mais aussi chez les spécialistes de la Constitution.
Laurent Fabius sera-t-il remplacé par Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel ? Ces derniers jours, plusieurs sources au sein de l’exécutif assurent que c’est sur le nom de l’ancien président de l’Assemblée nationale, retiré de la vie politique depuis 2022 et à la tête d’une société de conseil, que s’est porté le choix du président de la République. Emmanuel Macron, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet et le président du Sénat Gérard Larcher doivent dévoiler chacun un candidat le 10 février pour renouveler les trois membres sortants du Conseil constitutionnel, renouvelés par tiers tous les trois ans.
Mais déjà, le nom de Richard Ferrand fait grincer des dents. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un très proche du chef de l’État. « Le Conseil constitutionnel ne peut pas être l’endroit où on recase ses amis », a d’ailleurs réagi dimanche le coordinateur national de La France insoumise Manuel Bompard. « Ça correspond à une forme de tradition », se défend un proche d’Emmanuel Macron, faisant valoir que désigner un ancien président de l’Assemblée proche du chef de l’État ne serait« pas une première ».
En effet, « cette nomination est dans la ligne de ce qu’il se passe depuis longtemps : la nomination d’un ancien président de l’Assemblée nationale, comme l’ont été Laurent Fabius et Jean-Louis Debré, et un ami intime du président de la République », a constaté auprès de TF1info la constitutionnaliste Lauréline Fontaine. De ce point de vue-là, selon l’autrice de « La Constitution au XXIe siècle. Histoire d’un fétiche social », « Emmanuel Macron fait ce qu’ont fait les autres présidents ». Toutefois, il va un peu plus loin que les autres car « Richard Ferrand a été soupçonné d’un trafic illégal d’intérêt » dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, faits déclarés prescrits.
« Ce n’est pas bon »
Aussi, Richard Ferrand « va rejoindre quelqu’un que lui-même a fait nommer quand il était président de l’Assemblée Nationale », Véronique Malbec, ex-procureure générale de Rennes, qui fut la responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite l’affaire des Mutuelles de Bretagne. « Ce n’est pas bon, on renforce petit à petit le doute qui peut peser de manière assez légitime sur cette institution censée rendre la justice de la Constitution », estime Lauréline Fontaine.
Autant de faits qui « pourraient faire enfin comprendre que la justice constitutionnelle n’est pas faite pour le corps social, mais pour le corps politique. Les pouvoirs législatif et exécutif s’assurent par ces nominations que la justice constitutionnelle va être globalement assez clémente avec l’exercice du pouvoir », poursuit la professeure de droit public. « D’ailleurs, si on fait un bilan, on ne peut pas dire que les censures soient nombreuses ou fortes, c’est même souvent l’inverse, elles sont symboliques, légères et peu fréquentes. Certains diront que c’est parce que le pouvoir respecte bien les limites de la Constitution. D’autres que c’est justement parce que l’idée de limites est totalement dissoute par l’exercice de la justice constitutionnelle et par son fonctionnement et la manière dont elle est conçue, notamment par le biais des nominations », explique-t-elle.
Un affaiblissement de l’institution
Des critiques également exprimées par le constitutionnaliste Benjamin Morel dans une tribune publiée sur le site de La Tribune dimanche(nouvelle fenêtre). Il constate que tous les sujets sur lesquels sont amenés à se prononcer les sages sont « éminemment politiques », par exemple la réforme des retraites, la loi immigration(nouvelle fenêtre) ou encore les champs du référendum(nouvelle fenêtre)dont certains réclament l’élargissement. « Un Conseil constitutionnel présidé par un sherpa du chef de l’État, qui regrettait encore, il y a un an que la Constitution empêche ce dernier de se représenter et ajoutait ‘changeons tout cela’, pourrait-il être perçu par les citoyens comme un organe jugeant en droit, au-dessus des partis ? Peut-être le ferait-il. Mais cela ne serait pas reçu comme tel par l’opinion », écrit-il.
Benjamin Morel pense aussi qu’en cas d’arrivée à l’Élysée d’un ou une présidente d’extrême droite, un Conseil constitutionnel dirigé par un macroniste aurait du mal à affirmer son pouvoir et à trouver du soutien dans l’opinion. Si le Conseil constitutionnel « s’avançait trop loin en censurant des mesures fondamentales, le nouveau pouvoir n’aurait aucun mal à mobiliser l’opinion contre lui en ressuscitant les polémiques entourant son président, afin d’en contourner les décisions, voire d’en menacer l’existence », assure le constitutionnaliste.
Ainsi, « en nommant un proche contesté, (Emmanuel Macron) ne prouve pas sa liberté d’action, mais au contraire, il s’empêche lui-même d’exercer pleinement sa fonction en affaiblissant une institution clé. Il sacrifie ainsi l’intérêt général à des considérations purement politiques », conclut-il.
DÉJÀ PUBLIÉ PAR METAHODOS :
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : « PAS L’ENDROIT OÙ ON RECASE SES AMIS « https://metahodos.fr/2025/02/06/le-conseil-constitutionnel-pas-lendroit-ou-on-recase-ses-amis/