
ARTICLE – Délinquance des mineurs : que dit la loi aux Pays-Bas, dont veut s’inspirer Bruno Retailleau ?
Le modèle néerlandais prévoit des peines moins lourdes, mais plus rapidement appliquées, ce qui a sensiblement réduit le risque de récidive.
Par Thomas Graindorge. Publié le 12/02/2025 LE POINT
Ce n’est pas la première fois que le ministre de l’Intérieur dit vouloir s’inspirer du voisin néerlandais. Invité de France Inter ce mercredi 12 février, Bruno Retailleau a de nouveau été amené à s’exprimer sur la justice des mineurs. Il a ainsi dit vouloir assumer « des peines courtes de prison, d’une ou deux semaines, dès le premier délit grave », « comme le font les Pays-Bas », qu’il a pris en exemple. Mais quelles sont, là-bas, les règles en vigueur ?
« Les jeunes âgés de 12 à 18 ans peuvent être poursuivis en vertu du droit pénal des mineurs », détaille ainsi le site du ministère néerlandais de la Justice . « On ne veut pas leur donner des peines de prison trop tôt, donc on attend 10, 15, 20 parfois 30 antécédents judiciaires avant que la sanction tombe », reproche ainsi Bruno Retailleau au modèle français.
Aux Pays-Bas, les jeunes sont condamnés à des peines moins importantes, mais plus rapidement décidées. Ainsi, les mineurs de 12 à 15 ans peuvent être détenus pour une durée maximale d’un an, et jusqu’à deux ans quand ils ont entre 16 et 17 ans. Ils sont placés dans un centre de détention pour mineurs, où ils vivent dans un groupe d’environ dix personnes. Pendant leur détention, ils vont à l’école et reçoivent des cours supplémentaires, par exemple sur les compétences sociales et la gestion de la colère.
Bracelet électronique, TIG…
En cas de délit mineur, ils peuvent être orientés vers le programme de prévention de la délinquance juvénile Halt. Cela leur donne la possibilité de réparer leurs torts. Ils peuvent, par exemple, présenter des excuses aux victimes et payer pour les dommages causés. Si un mineur refuse de participer au programme ou ne le termine pas, son cas est transmis au procureur de la République, ce qui aboutit généralement à des poursuites judiciaires.
En France, la détention de mineurs (sous certaines conditions) n’est décidée « qu’en dernier recours », précise le ministère de la Justice , et uniquement à partir de 13 ans. « Rien dans nos droits fondamentaux ne dit qu’il faut faire une césure entre le moment où vous dites “tu es coupable” et le moment de la sanction », défend ainsi le ministre de l’Intérieur, pour qui le modèle néerlandais est plus efficace dans la rapidité d’exécution de la peine, donc de prévention de la récidive.
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La justice néerlandaise prévoit également des ordonnances de travaux d’intérêt général, une punition éducative, ou une combinaison des deux (qui peuvent durer, selon les cas, entre 200 et 240 heures maximum). En plus de l’ordonnance de travaux d’intérêt général, le juge peut également imposer une amende ou une détention pour mineur pouvant aller jusqu’à trois mois. Enfin, un juge peut ordonner le port d’un bracelet électronique.
Une délinquance juvénile mieux combattue ?
« Aux Pays-Bas, les chiffres de la délinquance juvénile enregistrée montrent une tendance spectaculaire à la baisse depuis 2007 (- 60 % en 2023) », selon le chercheur indépendant Jaap de Ward , qui estime que la délinquance juvénile est mieux combattue du fait de la prévention autour de la délinquance situationnelle (quand un délinquant a enfreint la loi dans une certaine circonstance, avec une faible tendance à la récidive).
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Le modèle utilisé permet aux Pays-Bas d’avoir un taux d’incarcération parmi les plus bas d’Europe : 54 détenus pour 100 000 habitants. En France, c’est 107 détenus pour 100 000 habitants. Selon le World Prison Brief, au 1er décembre 2024, 80 792 personnes étaient incarcérées en France, contre 11 537 aux Pays-Bas (septembre 2023). La certitude des sanctions (et les nombreuses mesures préventives) permet-elle ainsi de limiter la récidive ?