

Mise à jour du 16 02 2025 :
François Bayrou – mis en cause pour mensonge flagrant devant l’AN, en disant qu’il ne savait rien de ce qui se passait à Bétharram – est revenu sur certains mensonges mais maintient des dénégations éloignées des faits.
À Pau, François Bayrou a pourtant répèté qu’il « n’était pas au courant »
Jamais je n’ai été, à cette époque, averti en quoi que ce soit des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements »,
s’était déjà défendu le premier ministre, mercredi devant l’Assemblée
– IL SE CONTREDIT LUI MÊME SUR DE NOMBREUX ASPECTS
– REVIENT SUR SON AFFIRMATION « DE NE RIEN SAVOIR « DEVANT L’ASSEMBLÉE , SUR CERTAINS POINTS
– PERSISTE SUR DES DÉNÉGATIONS IRRÉALISTES SUR D’AUTRES POINTS
-ÉVOQUE UN RAPPORT PEU CRÉDIBLE ET BIEN LÉGER DE L’ADMINISTRATION LOCALE DE L’ÉTAT
-CONCÈDE – UN COMBLE – QU’IL CONNAISSAIT LA RUMEUR
QUELQUES OBSERVATIONS ET QUESTIONS :
François Bayrou a dénoncé des « agressions sexuelles abominables ». Il a réaffirmé qu’il n’était « pas au courant » de ces agissements.
1. COMMENT NE POUVAIT IL NE PAS SAVOIR ALORS QUE Le parquet de Pau enquête sur 120 plaintes pour agressions physiques et sexuelles ? Comment évoquer un « continent inconnu »ou « trop longtemps inconnu » pour désigner les crimes sexuels touchant les mineurs.
2. COMMENT PEUT IL SE CONTREDIRE LUI MÊME ET DECLARER SOUDAINEMENT QU’Il AVAIT DILIGENTÉ UN RAPPORT D’INSPECTION ? « J’ai fait tout ce que je devais faire quand j’étais ministre » de l’Éducation de 1993 à 1997 » Mardi dernier à l’Assemblee nationale, François Bayrou a déclaré n’avoir ‘‘jamais été informé’’ de violences à Bétharram. Aujourd’hui à Pau il dit avoir commandé et reçu un rapport sur ces violences en 1996.
Aveuglement et lâcheté , écrit Maria : « Le manque de curiosité de l’inspection sur le collège-lycée privé Notre-Dame de Betharram, où des agressions ont été commises et où étaient scolarisés les enfants de François Bayrou, laisse pantois. D’autant que l’établissement était réputé pour sa dureté dans tout le sud-ouest de la France. De Bordeaux à Pau, les parents menaçaient depuis les années 1930 d’y envoyer en internat leurs garçons turbulents.
« Pour comprendre « l’affaire Betharram », il faut lire entre les lignes le rapport d’inspection commandé en 1996 sur cet établissement par François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale. Un sommet d’hypocrisie administrative. À l’époque, un père avait déposé plainte pour un coup violent et des châtiments portés contre son fils de 14 ans par un surveillant du collège. La presse en avait fait ses gros titres, d’autant qu’un des fils du ministre était alors scolarisé avec la victime et que sa femme y enseignait le catéchisme. »
2 BIS. Le chef du gouvernement a avancé « une preuve » de son ignorance des faits.
Sur la première plainte pour des violences physiques, qu’il situe en « décembre 1997 », il dit qu’il avait « déjà quitté le ministère de l’Education nationale depuis des mois ». Il a en effet quitté le ministère en juin après les élections législatives de cette année-là. « C’est faux. La première condamnation d’un surveillant général pour des faits de violences date de juin 1996, à une période où le Béarnais était donc bien au gouvernement », rétorque Mediapart dans son deuxième article.
3. COMMENT PEUT IL SOUDAIN SE SOUVENIR QU’IL Y AVAIT uniquement des « gifles » données à des élèves, alors qu’il était ministre de l’Education nationale, dans les années 1990.
Il ne pouvait pas ignorer que deux premières plaintes pour violences avaient été déposées en 1996, dont l’une concernait un camarade de classe d’un fils de M. Bayrou, selon le père de la victime ( plainte déposée contre un surveillant, pour une violente claque qui avait percé le tympan du garçon ) et une autre pour viol en 1998, qui n’a pas pu aboutir en raison du décès du prêtre mis en cause, retrouvé deux ans plus tard dans le Tibre à Rome. Mme Bayrou accompagnera le prêtre incriminé lors de ses obsèques.
4. UNE DÉNÉGATION CONFIRMÉE : Il a une nouvelle fois assuré ne pas avoir eu connaissance de ces agissements. Après une réunion avec le collectif des victimes de violences dans l’établissement catholique
5. MALGRÉ UNE DÉNÉGATION SUR LA RENCONTRE AVEC LE JUGE, IL FINIT PAR SE SOUVENIR : En 1998, dans le cadre d’une affaire de viol, l’actuel Premier ministre avait rencontré le juge chargé du dossier, selon Le Monde et La République des Pyrénées.
6. IL PERSISTE À NIER TOUTE INFORMATION SUR UN VIOL, MALGRÉ SA RECONNAISSANCE D’UNE RENCONTRE AVEC LE JUGE SUR UN VIOL PAR UN PRÊTRE En mai 1998, un prêtre, ancien directeur de l’institution, avait été mis en examen et écroué pour viol, avant d’être retrouvé mort en février 2000. Le juge chargé de ce dossier a relaté dans plusieurs médias que François Bayrou avait « fait la démarche de venir (le) voir lorsque le prêtre était en détention. »
7. IL PERSISTE TOUTEFOIS À AFFIRMER QU’IL NE SAVAIT PAS QU’IL S’AGISSAIT DE VIOL
8. COMMENT A T IL PU SE SATIFAIRE D’UNE INSPECTION LOCALE D’UNE LÉGÈRETÉ SUSPECTE ?
Le fonctionnaire en charge de cette inspection pointait bel et bien plusieurs dysfonctionnements au sein de l’établissement privé. Les conclusions du rapport semblent toutefois en totale contradiction avec la réalité des faits. Le parquet de Pau mène l’enquête depuis un an sur plus d’une centaine de plaintes visant des violences physiques, agressions sexuelles et viols qui auraient été commis au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram entre les années 1970 et 1990.
Toutefois, malgré ces violences physiques et psychologiques, l’inspecteur académique souligne que « les récents événements qui concernent un enfant, d’ailleurs toujours élève du collège, ne doivent pas masquer la vérité: Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés. »
Circulez, il n’y a rien à voir, semble dire le document. Pourtant, certains éléments soulèvent des interrogations. Seuls les élèves délégués ont témoigné à l’époque, et l’un d’entre eux a eu un discours «plus nuancé» que les autres, selon le texte, sans que l’on sache ce que cela signifie. Par ailleurs, l’enseignante bousculée est décrite comme ayant «exprimé son intention de ‘‘démolir Bétharram’’ considérant que cet établissement utilise des méthodes éducatives d’un autre âge». L’inspection n’a pas pu l’interroger directement car elle était en arrêt maladie et ses collègues se sont dits «surpris et agacé»par le comportement de cette collègue.
Le ministère de l’Education nationale, qui n’a «à ce stade» pas retrouvé de traces de contrôle de cet établissement dans le passé malgré de nombreuses plaintes, a ordonné vendredi soir au rectorat de Bordeaux de mener une inspection de Betharram.
D’après le Figaro et de FrancesInfo, le rapport académique command à l’époque concluait que le collège-lycée Notre-Dame de Bétharram n’était en 1996 « pas un établissement où les élèves sont brutalisés ». Une affirmation en total décalage avec la réputation de l’école, surnommée à l’époque « le goulag des Pyrénées », selon d’anciens élèves interrogés par Le Parisien. Dans la région, « tout le monde savait », rapporte France Bleu.
« Par un concours malheureux de circonstances, cet établissement vient de connaître des moments difficiles », conclut le rapport. Mais selon l’inspecteur, malgré tous ces éléments à charge, « la qualité du travail qui y est effectué, l’ambiance et les relations de confiance qui y règnent et la volonté de changement qui existe à tous les niveaux sont autant d’éléments positifs et d’atouts pour la réussite de Notre-Dame de Bétharram ».
9. IL DÉCLARE AVOIR FAIT SON DEVOIR LORSQU’IL ETAIT MINISTRE, ET QUID EN TANT QUE PARENT D’ÉLÈVE, ÉPOUX D’IÛR ENSEIGNANTE , MAIRE, PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL, DÉPUTÉ ?
10. LE COMBLE ? : IL RECONNAÎT AVOIR EU CONNAISSANCE DE LA RUMEUR « C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler », déclarait par ailleurs le Premier ministre en 2024, au début de l’affaire, auprès du Parisien.
Il connaissait la rumeur ( et les articles de presse dont il ne parle pas ) ce qui ne l’a pas empêché d’ affirmer, mercredi après-midi auprès du Monde, n’avoir « jamais été au courant de ces affaires-là » et qu’il « n’aurai[t] pas scolarisé [ses] enfants dans [cet]établissement » s’il avait su qu’il s’y passait « des choses de cet ordre ».
11. DES TÉMOIGNAGES ACCABLANTS Françoise Gullung, professeure de mathématiques à Bétharram de 1994 à 1996, a porté plainte à l’époque pour y dénoncer un climat violent. « J’en ai parlé de vive voix à François Bayrou pour lui dire qu’il fallait être vigilant parce qu’il se passait des choses anormales », affirme-t-elle aujourd’hui, ajoutant avoir alors également écrit, avec l’infirmière du collège-lycée, au conseil général des Pyrénées-Atlantiques où il siégeait. Pour le père du garçon victime de la violente claque en 1996, François Bayrou « était absolument au courant » et « n’a eu aucune réaction ».
Selon Alain Esquerre, plaignant à l’origine de la dénonciation collective des faits l’an dernier, ce religieux était en réalité « un ami de la famille Bayrou ». « Sa femme était aux obsèques » du prêtre en 2000, ajoute une autre victime, Jean-Marie Delbos. Mediapart a aussi dévoilé ce mardi 11 février la lettre d’un ancien élève adressée en mars 2024 à François Bayrou qui raconte des faits d’attouchements subis à la fin des années 1950, restée sans réponse. Selon le procureur de Pau, interrogé ce mercredi 12 février, les auditions de victimes sont terminées et le parquet doit décider désormais des suites judiciaires à donner.
12. N’AURAIT -T-IL PAS DÛ DECLENCHER L’ARTICLE 40 ? Ministre de l’Éducation jusqu’en mai 1997, redevenu ensuite député et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, François Bayrou aurait dû, pour certains, déclencher l’article 40 du code de procédure pénale qui lui imposait de signaler à la justice des faits criminels ou délictueux dont il aurait eu connaissance avant elle.
« On va rappeler qu’il est obligatoire de signaler obligatoirement tous les soupçons d’abus sexuels, sous peine de sanction. » Bayrou
13. UN SOUTIEN ACTIF À L’ÉTABLISSEMENT En mai 1996, un mois après le dépôt de la plainte pour violence, François Bayrou s’était rendu à Notre-Dame-de-Bétharram, en tant que ministre de l’Éducation, à l’occasion de la réception de travaux. Il avait alors pris la défense de l’établissement face aux « attaques» ayant suscité « un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice » chez de nombreux Béarnais, avait relaté Sud-Ouest à l’époque.
Dans les colonnes du journal Sud-Ouest, il soutient l’établissement. Mediapart a exhumé cette archive : « Nombreux sont les Bearnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice « . Le ministre annonce que « des vérifications » ont eu lieu, et qu’elles sont « favorables et positives ».
14. A-T-IL FAIT MARQUE D’INDIFFÉRENCE ET DE MANQUE D’EMPATHIE POUR LES « VICTIMES » ? Trente ans plus tard, Alain Esquerre Président de l’association des victimes reproche à François Bayrou de « n’avoir pas eu un mot» pour les victimes avant d’y être forcé, ce mardi 11 février, par la question d’un député. À laquelle il a répondu, jugent les socialistes dans un communiqué, avec une « légèreté inacceptable », sans prononcer le mot « victimes ».
Le maire de Pau, personnage incontournable des Pyrénées-Atlantiques depuis des décennies, n’a pas eu / en effet – une parole de compassion pour les victimes.
Le Premier ministre l’indéfendable ? Il y a qqs jours, encore, devant les députés : « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais ». Puis mercredi, à nouveau. Il persiste. Sous pression, il finit par exprimer sa « sympathie », pour des garçons qui ont été, je cite « en souffrance ». Il ne prononce jamais le mot « victimes ».
15. UN ÉTABLISSEMENT, MALGRÉ LES FAITS, JAMAIS CONTRÔLÉ EN 30 ANS . NI PAR BAYROU, NI PAR LES MINISTRES SUCCESSIFS. L’Etat, l’Education nationale. en trente ans, cet établissement privé sous contrat n’a jamais été véritablement contrôlé, malgré les signalements, les plaintes. Scandale d’Etat ?
L’OPPOSITION APPELLE À LA DEMISSION
LE FIGARO : « Si François Bayrou «a participé d’une manière ou d’une autre à la loi du silence pour protéger l’institution» de Notre-Dame de Bétharram, où des violences sexuelles ont été perpétrées, «alors en conscience, il doit démissionner», a estimé dimanche le premier secrétaire du PS Olivier Faure.
Le premier ministre est soupçonné d’avoir couvert des faits de violences sexuelles à l’égard des élèves de l’établissement catholique sous contrat avec l’État alors qu’il était ministre de l’Éducation, puis président du Conseil général et député des Pyrénées-Atlantiques, et que trois de ses six enfants y étaient scolarisés.
La semaine dernière, interrogé à trois reprises lors des questions au gouvernement à l’Assemblée, François Bayrou a assuré n’avoir «jamais été informé» des événements en cours dans l’établissement. Le parquet de Pau enquête depuis un an sur une centaine de plaintes visant des faits présumés de violences, agressions sexuelles et viols commis au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, entre les années 1970 et 1990 »
MISE À JOUR 2 DU 17 02 2025
ARTICLE 5. – Affaire Bétharram : les victimes évoquent «un jour historique», Bayrou espère une accalmie
Après une réunion avec le collectif des victimes de violences dans l’établissement catholique et dans un contexte politique éruptif, le Premier ministre s’est longuement défendu ce samedi 15 février. Il a une nouvelle fois assuré ne pas avoir eu connaissance de ces agissements.
par Lucas Biosca LIBERATION 15 février 2025
Après avoir évité la bombe budgétaire, François Bayrou est désormais en opération déminage pour éviter de sauter sur l’affaire Bétharram. Sous pression des oppositions depuis plusieurs jours car accusé d’avoir menti dans ce dossier, le Premier ministre a rencontré le collectif des victimes de violences au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram ce samedi 15 février à Pau (Pyrénées-Atlantiques).
A la sortie d’une réunion de plus de trois heures dans la mairie de la ville béarnaise dont il est encore maire, François Bayrou s’est longuement défendu dans une conférence de presse. Les représentants des victimes présents dans son dos, comme en soutien, le chef du gouvernement a avancé quelques mesures, reprenant la majorité des demandes des victimes. Il s’est ensuite justifié en détail – de façon plus ou moins claire – sur plusieurs points qui lui sont reprochés.
Il a surtout répété à plusieurs reprises «ne pas avoir été au courant» des accusations de violences sexuelles, un «continent inconnu», selon lui… tout en soutenant avoir commandé un rapport d’inspection sur l’établissement en 1996, et en reconnaissant avoir rencontré en 1998 un juge – «mon voisin» – chargé d’une plainte d’un élève. «J’ai fait tout ce que je devais faire quand j’étais ministre»de l’Education, a-t-il martelé, avant de mettre en cause ses successeurs : «Depuis que j’ai quitté le ministère en 1997, il y a eu nombre de ministres de l’Education et de la Justice, aux opinions différentes. Et l’affaire est quand même restée sous les radars», a-t-il fait remarquer.
François Bayrou encore rejeté les accusations de mensonge et assuré avoir dit «les mots de la vérité» devant l’Assemblée nationale en début de semaine.
Le locataire de Matignon, qui a affirmé «ne suivre en aucune manière en des considérations politiciennes», semble pouvoir tabler sur le soutien des représentants des victimes de Bétharram. Leur porte-parole, Alain Esquerre, a parlé d’un «jour historique» et d’une «immense victoire» après sa réunion avec le Premier ministre. De quoi espérer pour ce dernier une accalmie dans cette crise qui menace de se transformer en affaire d’Etat, avant de repasser sur le gril d’une motion de censure la semaine prochaine.
«Bayrou a menti. La démonstration est faite par lui-même»
La gauche n’a toutefois pas manqué de relevé les contradictions dans cette conférence de presse du chef du gouvernement. «Mardi dernier à l’Assemblee nationale, François Bayrou a déclaré n’avoir ‘‘jamais été informé’’ de violences à Bétharram. Aujourd’hui à Pau il dit avoir commandé et reçu un rapport sur ces violences en 1996. Bayrou a menti. La démonstration est faite par lui-même», a pointé l’insoumis Paul Vannier, qui appelle dans la foulée à sa démission.
La France insoumise met la pression depuis plusieurs jours sur le locataire de Matignon, en demandant à la ministre de l’Education Elisabeth Borne de «diligenter une mission de l’Inspection générale» ainsi que la création d’une commission d’enquête parlementairesur le contrôle des établissements scolaires privés sera examinée mercredi. Ils ont aussi saisi la justice pour «non-dénonciation» de mauvais traitements ou d’agressions sexuelles sur mineurs.
Les communistes ont pour leur part dénoncé ce samedi «le silence et l’inaction des institutions», dont «la Conférence des évêques de France et la direction de l’enseignement catholique». Mais ils ont aussi estimé que cette réception des victimes par François Bayrou «ne peut suffire». «Il ne peut échapper à l’exigence de justice et de vérité […] Il doit dire de manière claire les informations portées à sa connaissance», a exhorté le PCF. Quant aux écologistes, leur groupe à l’Assemblée avait demandé vendredi l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la «lumière» sur les violences commises au sein du lycée et l’absence de traitement des signalements.
Sans même attendre la réunion entre son chef de gouvernement et les victimes, le ministre de la Justice Gérald Darmanin avait d’ores et déjà annoncé ce samedi matin depuis Aix-en-Provence une «augmentation des moyens de tous les parquets, dont celui de Pau», et ce, «grâce à l’adoption du budget». Celui qui annonce à demi-mot sa candidature pour la présidentielle 2027dénonce la récupération politique de cette affaire, estimant que François Bayrou subit «un procès tout à fait politicien».
Le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, avait accusé vendredi La France insoumise de monter l’affaire en épingle «en mélangeant les dates et en expliquant que, puisqu’il aurait pu savoir plus tard, il devait savoir avant».
L’entretien avec les victimes se tient quelques jours avant une motion de censure spontanée des socialistes pour dénoncer la «trumpisation» du gouvernement Bayrou, à la suite de ses propos sur la «submersion migratoire».Si insoumis, écologistes et communistes devraient la voter, le RN menace d’y ajouter ses voix pour faire tomber le palois en difficulté.
«Renforcer les contrôles» des établissements privés
Le parquet de Pau mène l’enquête depuis un an sur plus d’une centaine de plaintes visant des violences physiques, agressions sexuelles et viols qui auraient été commis au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram entre les années 1970 et 1990.
En dépit des révélations de la presse, François avait affirmé mardi qu’il n’avait «jamais à cette époque, été averti […] des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements». Le lendemain, il a«récusé» tout mensonge, parlant de «polémiques artificielles».
Le ministère de l’Education nationale, qui n’a «à ce stade» pas retrouvé de traces de contrôle de cet établissement dans le passé malgré de nombreuses plaintes, a ordonné vendredi soir au rectorat de Bordeaux de mener une inspection de Betharram. Dans un communiqué, le ministère «rappelle qu’une circulaire datant de juin 2024 demande aux recteurs de renforcer les contrôles» des établissements privés sous contrat «dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle», adoptée après un rapport parlementaire sur le financement public, qui pointait l’opacité du dispositif.
MISE À JOUR 3 DU 17 02 2025
ARTICLE 6 – Embarrassé par Bétharram, François Bayrou change la forme mais pas le fond de sa ligne de défense
Le Premier ministre a rencontré ce samedi une association de victimes de Bétharram. Redisant qu’il ne savait rien à l’époque, il s’est dit bouleversé par cet échange.
Par Lucie Oriol HUFFPOST
Cette fois, il a pris le temps de répondre longuement aux questions des journalistes. Accusé d’avoir menti et entretenu le silence sur l’affaire Bétharram (Le HuffPost vous en résumait les enjeux ici),François Bayrou a longuement pris la parole ce samedi 15 février, après avoir rencontré pendant plusieurs heures un collectif de victimes.
Outre des annonces en matière de justice, cette prise de parole a été l’occasion pour le Premier ministre de répondre à plusieurs éléments dévoilés dans des enquêtes de presseet de muscler au passage sa défense. Laquelle demeure néanmoins identique sur le fond.
Un rapport d’inspection aux oubliettes
Jusqu’à maintenant le Béarnais a dit « qu’il ne savait rien » de violences sexuelles et évoquait « des rumeurs de claques ». La preuve, il avait lui-même scolarisé son fils dans l’établissement. Pas question ce samedi d’avoir des « regrets » ou de faire un « mea culpa » : « J’ai fait tout ce que je devais faire quand j’étais ministre. »
Il revendique à cet égard d’avoir demandé en 1996 – quand il était ministre de l’Éducation nationale – un rapport d’inspection sur Bétharram, après les accusations de violences à l’encontre d’un surveillant qui sera par la suite condamné.
« J’ai fait organiser une inspection générale de l’établissement, qui a donné lieu à un rapport que vous avez lu hier, un rapport qui était au bout du compte rassurant », a notamment fait valoir le Premier ministre. Dans ce document que BFMTV a pu se procurer, l’inspecteur académique confirme un problème de « discipline » mais souligne que « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés » mais
Ce que n’a pas manqué de rappeler François Bayrou ce samedi, tout en traçant une ligne entre « l’univers » des élèves qui étaient internes et ceux qui étaient externes.
Un échange avec le juge Mirande, mais…
Sur le fond, François Bayrou a également répondu à plusieurs éléments mis en avant par Mediapart, et notamment sa rencontre avec le juge Mirande. En 1998, le magistrat est chargé d’instruire une plainte pour viol contre le père Carricart. Celui-ci est mis en examen, puis placé en détention avant finalement de sortir sous contrôle judiciaire.
Christian Mirande assure au journal d’investigation qu’à cette époque-là, François Bayrou vient le voir pour le questionner sur cette affaire en tant que « père de famille inquiet ». Interrogé sur cette rencontre, le Premier ministre reconnaît désormais à mots ouverts qu’il a bien été question de cette affaire, mais évoque un cadre plutôt informel et insiste sur la libération du mis en cause. Était-il au courant néanmoins que le père Carricart restait mis en examen ? Sur ce point, le locataire de Matignon a plutôt éludé.
« C’était il y a 30 ans, le juge Mirande est mon voisin. Nous nous sommes croisés sur le chemin, et je le répète cette personne avait été libérée par la justice (…). Le juge m’avait parlé de cette plainte, c’est tout à fait juste. Mais encore une fois, je ne rencontrais pas le juge, le juge est mon voisin (…). Et puis, il [le père Carricart, ndlr] s’est suicidé et l’affaire a été éteinte », a-t-il insisté.
« Je ne connais pas tous ceux que ma femme connaît »
Interrogé également sur son épouse, qui enseignait le catéchisme à Bétharram et était présente aux obsèques du prêtre Carricart, François Bayrou a réfuté tout lien : « Pour les sévices sexuels je n’en ai jamais entendu parler, ma femme n’en avait jamais entendu parler non plus (…). Ma femme connaissait le père Carricart, mais je ne connais pas tous ceux que ma femme connaît ».
Le Monde avait relevé cette semaine que l’avocat qui a défendu le père Carricart et le surveillant condamné pour violences, n’était autre que Serge Legrand. Ce dernier figurait sur une liste UDF de la région, le parti de Bayrou, lors des élections cantonales de 1985. Un élément qui n’a pas été évoqué lors de la séance de questions-réponses.
Enfin, alors qu’une ancienne professeur a assuré auprès de plusieurs médias qu’elle avait tenté d’alerter François Bayrou de vive voix, notamment lors d’une remise de décoration, ou par courrier, le Premier ministre a botté en touche en assurant qu’il ne l’« avait jamais rencontrée » : « Je ne connais pas cette dame. »
Prenant à témoin que même les victimes « entre elles » ne savaient pas et se pensaient seules à subir des violences sexuelles, François Bayrou a promis de continuer de leur apporter tout son soutien.
DOSSIER METAHODOS : Vers un « scandale d’État » ?
1. ÉMISSION – Affaire Bétharram : François Bayrou continue de nier
2. ARTICLE – « Un ami de la famille », « mensonges »… Que reproche-t-on à Bayrou dans l’affaire d’agressions sexuelles à Bétharram ?
3. ARTICLE – « C’est le goulag des Pyrénées » : d’anciens élèves de Bétharram, victimes de violences physiques et sexuelles, témoignent
4. ÉMISSION – Bétharram : François Bayrou a-t-il la mémoire courte ?
1. ÉMISSION – Affaire Bétharram : François Bayrou continue de nier
Publié le jeudi 13 février 2025 FRANCE CULTURE
François Bayrou continue de nier, alors que les témoignages s’accumulent, déclarant qu’il était au courant de violences physiques et sexuelles à Notre-Dame-de-Bétharram, établissement scolaire de Pau. Ce mercredi une manifestation de victimes étaient organisée devant l’école.
Cela fait des mois que les associations de victimes l’interpellent et un an que le parquet de Pau mène l’enquête sur plus d’une centaine de plaintes pour violences physiques, agressions sexuelles et viols qui auraient été commis au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram de Pau entre les années 1970 et 1990. Un collège où plusieurs des enfants de François Bayrou ont été scolarisés et où sa femme a enseigné. Ce mercredi, interpellé par plusieurs députés de gauche, le premier ministre a du s’expliquer à l’Assemblée nationale et il assuré, a nouveau, n’avoir jamais eu connaissance du scandale. « Polémiques artificielle », selon lui, il annonce déposer une plainte en diffamation.
Pourtant ces derniers jours, une enquête de Mediapart donne la parole à plusieurs personnes qui affirment que François Bayrou avait connaissance dès la fin des années 1990 d’accusations d’agressions sexuelles dans cet établissement scolaire privé, avant qu’il ne devienne ensuite, ministre de l’éducation nationale.
Ce jeudi matin, Mediapart, publie l’interview du juge d’instruction de l’époque, qui confirme avoir rencontré l’élu et lui avoir tout dit des viols mis au jour par son enquête. Ce déni du Premier ministre met en colère les victimes, qui organisaient ce mercredi, devant l’école de Bétharram à Pau, une manifestation à l’initiative du collectif Mouv’Enfant.
2. ARTICLE – « Un ami de la famille », « mensonges »… Que reproche-t-on à Bayrou dans l’affaire d’agressions sexuelles à Bétharram ?
Vers un « scandale d’État » ?
Par Marianne 13/02/2025
Derrière la polémique politique que suscite l’attitude de François Bayrou dans l’affaire des accusations d’agressions sexuelles au sein d’un établissement catholique béarnais, des témoins et l’opposition de gauche mettent en cause la proximité de l’actuel Premier ministre avec cette institution et ses incidences.
Jusqu’où iront les répercussions de cette affaire ? Depuis les révélations de Mediapartdu 5 février, François Bayrou est dans la tourmente, alors qu’une partie de la gauche appelle à sa démission. Et pour cause, le Premier ministre est accusé d’avoir mentipour couvrir l’institution catholique Notre-Dame-de-Bétharram, située dans son département des Pyrénées-Atlantiques, où ses enfants ont été scolarisés et son épouse a enseigné le catéchisme.
« Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet », a déclaré le locataire de Matignon devant l’Assemblée nationale ce mercredi 13 février. Le parquet de Pau mène l’enquête depuis un an sur plus d’une centaine de plaintes visant des violences physiques, agressions sexuelles et viols qui auraient été commis au collège lycée Notre-Dame-de-Bétharram entre les années 1970 et 1990… Que savait François Bayrou, qui était ministre de l’Éducation nationale de 1993 à 1997 ? Retour sur cette affaire en quatre questions.
QUELS SONT SES LIENS AVEC NOTRE-DAME-DE-BÉTHARRAM ?
Plusieurs enfants du Premier ministre ont été scolarisés dans cet établissement catholique sous contrat « qui a la réputation d’être strict», comme il l’a rappelé mardi 11 février devant l’Assemblée nationale. L’un de ses fils était notamment dans la classe d’un élève à l’origine de la première plainte déposée contre un surveillant, pour une violente claque qui avait percé le tympan du garçon, en avril 1996.
Sa femme Élisabeth Bayrou y a également enseigné le catéchisme. Ces liens ont valu à François Bayrou d’être interrogé, depuis un an, sur l’enquête du parquet de Pau sur plus d’une centaine de plaintes dénonçant des faits de violences physiques, agressions sexuelles et viols à Bétharram dans les années 1970 à 1990.
QU’A-T-IL DIT, DEPUIS UN AN, SUR CETTE AFFAIRE ?
Au Monde, à La République des Pyrénées et au Parisien, François Bayrou répète en mars 2024 n’avoir « jamais entendu parler » des accusations de viols. « Seule l’une de mes filles se souvient d’une affaire de claques données par un surveillant », déclare-t-il. « Je ne connaissais pas le père Carricart, si ce n’est peut-être de vue. Jamais je n’ai été au courant de cette histoire à ce moment-là », ajoute-t-il au sujet de cet ancien directeur de Notre-Dame-de-Bétharram, mis en examen et placé en détention provisoire pour viol en mai 1998.
Remis en liberté le mois suivant, ce religieux rejoindra Rome où son corps sera retrouvé dans le Tibre deux ans plus tard. « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences a fortiori sexuelles», a déclaré le chef du gouvernement ce mardi 11 février à l’Assemblée nationale. « Jamais je n’ai été, à cette époque, averti (…) des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements », a-t-il répété le lendemain devant les députés.
François Bayrou assure que « lorsque la première plainte est déposée », selon lui « en décembre 1997 », il avait « quitté déjà le ministère de l’Éducation nationale depuis des mois », et qu’il n’aurait pas scolarisé ses enfants dans un établissement visé par de « tels soupçons ». En avril 1996, une plainte avait déjà dénoncé les violences physiques d’un surveillant – qui a été condamné – sur un enfant de la classe d’un des fils du Premier ministre. Puis en mai 1998, alors que François Bayrou était redevenu député des Pyrénées-Atlantiques et président du Conseil général, un ancien directeur de l’institution avait été mis en examen et écroué pour viol.
QUE LUI OPPOSENT DES TÉMOINS ?
Françoise Gullung, professeure de mathématiques à Bétharram de 1994 à 1996, a porté plainte à l’époque pour y dénoncer un climat violent. « J’en ai parlé de vive voix à François Bayrou pour lui dire qu’il fallait être vigilant parce qu’il se passait des choses anormales », affirme-t-elle aujourd’hui, ajoutant avoir alors également écrit, avec l’infirmière du collège-lycée, au conseil général des Pyrénées-Atlantiques où il siégeait. Pour le père du garçon victime de la violente claque en 1996, François Bayrou « était absolument au courant » et « n’a eu aucune réaction ».
Le juge qui enquête sur le viol en 1998 a relaté dans plusieurs médias que « François Bayrou a fait la démarche de venir (l)e voir lorsque le prêtre était en détention ». « Il était inquiet au regard du fait qu’un de ses fils était scolarisé » à Bétharram et « disait qu’il ne pouvait pas croire que le père Carricart avait fait ce qu’on lui reprochait ». Cet ancien magistrat affirme qu’ils avaient évoqué l’affaire et a dit à Mediapart ne pas comprendre pourquoi l’actuel Premier ministre le « dément aujourd’hui ».
Selon Alain Esquerre, plaignant à l’origine de la dénonciation collective des faits l’an dernier, ce religieux était en réalité « un ami de la famille Bayrou ». « Sa femme était aux obsèques » du prêtre en 2000, ajoute une autre victime, Jean-Marie Delbos. Mediapart a aussi dévoilé ce mardi 11 février la lettre d’un ancien élève adressée en mars 2024 à François Bayrou qui raconte des faits d’attouchements subis à la fin des années 1950, restée sans réponse. Selon le procureur de Pau, interrogé ce mercredi 12 février, les auditions de victimes sont terminées et le parquet doit décider désormais des suites judiciaires à donner.
QUE DÉNONCENT OPPOSITION ET VICTIMES ?
La France insoumise (LFI) dénonce un « scandale d’État » et réclame une commission d’enquête, en accusant le Premier ministre de « mensonges », ce qu’il réfute. Ministre de l’Éducation jusqu’en mai 1997, redevenu ensuite député et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, François Bayrou aurait dû, pour certains, déclencher l’article 40 du code de procédure pénale qui lui imposait de signaler à la justice des faits criminels ou délictueux dont il aurait eu connaissance avant elle.
Mais « savait-il ? », a interrogé ce jeudi 13 février sur France Info Me Thierry Sagardoytho, l’avocat qui représentait la victime de viol en 1998. « Il savait, à mon sens, ce que tout le monde savait en lisant la presse », estime le conseil. De même pour les « châtiments corporels » qui faisaient partie de « la charte éducative de l’établissement », ajoute Me Sagardoytho. « C’était connu », résume-t-il.
En mai 1996, un mois après le dépôt de la plainte pour violence, François Bayrou s’était rendu à Notre-Dame-de-Bétharram, en tant que ministre de l’Éducation, à l’occasion de la réception de travaux. Il avait alors pris la défense de l’établissement face aux « attaques» ayant suscité « un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice » chez de nombreux Béarnais, avait relaté Sud-Ouest à l’époque.
3. ARTICLE – « C’est le goulag des Pyrénées » : d’anciens élèves de Bétharram, victimes de violences physiques et sexuelles, témoignent
L’établissement catholique est visé par 112 plaintes pour des violences physiques et sexuelles subies entre les années 1970 et 2010. Le Premier ministre François Bayrou est aujourd’hui accusé d’avoir couvert ces agissements, ce qu’il dément.Par Manon Aublanc
Le 14 février 2025 LE PARISIEN
Des violences physiques, des humiliations, des agressions sexuelles et des viols. Depuis plus d’un an, le parquet de Pau enquête sur le collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques. Et pour cause, au moins 112 plaintes ont été déposées pour des violences physiques et sexuelles subies entre les années 1970 et 2010 au sein de cet établissement catholique réputé pour son extrême sévérité. Le Premier ministre François Bayrou est aujourd’hui accusé d’avoir couvert ces agissements, ce qu’il dément.
Mais « un nouveau corpus de plaintes, notamment pour viol » devrait être déposé prochainement. « 5 000 élèves y sont passés, dans un environnement de terreur, d’abus sexuels, de perversité absolue de la part d’une multitude d’agresseurs laïcs ou religieux… » expliquait au Parisien Alain Esquerre, le porte-parole des plaignants, scolarisé dans l’établissement de ses 10 à 16 ans, lors d’un rassemblement devant l’établissement ce mercredi.
« Ça ne m’a rien appris, sauf à briser l’enfant que j’étais »
Concernant les violences physiques, « beaucoup s’apparentent à des actes de tortures ou de barbarie », expliquait-il en avril dernier, citant des élèves privés de se rendre aux toilettes, tabassés ou contraints de passer de longues heures en slip, de nuit et en plein hiver, sur le « perron », l’espace dédié aux brimades publiques. « Bétharram, c’est le goulag des Pyrénées. Ça ne m’a rien appris, sauf à briser l’enfant que j’étais à force de passage à tabac », poursuivait le quinquagénaire.
« Au moindre chuchotement, le surveillant nous mettait à la porte et, derrière, on se faisait massacrer par le préfet de discipline. On était tétanisés en attendant qu’il passe, ça pouvait durer longtemps. Certains se pissaient dessus », témoigne Thierry, un commercial, qui a fait sa scolarité dans l’établissement, citant lui aussi le perron comme « punition suprême ».
L’une des victimes, Benoît, a confié avoir reçu, parmi les sévices, des piqûres d’eau dans les fesses. « Pour moi c’est de la torture, on ne fait pas ça à un enfant de huit ans. C’était de la violence gratuite, pas à la mesure des bêtises qu’on pouvait faire », a-t-il raconté à nos confrères de Franceinfo.
À lire aussiScandale à Notre-Dame de Bétharram : en 1998 déjà, une affaire de viol avait entaché l’école
Évoquant également des « énormes gifles, des coups de poing sur la tête », il s’est rappelé « d’un prof qui prend un élève par la ceinture et le col de sa chemise et le balance dans les escaliers », d’une « nuit sur le palier pour avoir demandé du papier toilette » ou « des heures passées – faute d’avoir chuchoté – dehors en pleine nuit sur le perron ». L’homme a également porté plainte en février 2024 contre deux anciens adultes de l’établissement pour viols.
« Il nous masturbait et nous faisait des fellations »
Mais il est aussi question de nombreux faits de nature sexuelle. C’est le cas de Jacques, qui nous avait détaillé les attouchements subis pendant deux ans de la part de l’ancien surveillant général, surnommé le « Cheval », entre 1981 et 1983. « Il me mettait la main dans le pyjama. Ça a duré deux ans. Je ne pouvais me confier à personne », avait expliqué cet employé de 52 ans.
« J’ai fait du sport pour me vider la tête, mais impossible d’oublier. Je me suis mis à boire, mais ce n’était pas la bonne solution. Puis on explose, on raconte aux copains qui conseillent de se faire suivre. Mais on n’ose pas, on a honte, on se sent coupable. Les relations sentimentales sont chaotiques. J’ai plusieurs fois pensé à me foutre en l’air », avait-il confié.
Un même surveillant général, cité par plusieurs victimes, qui se sont confiées au Parisien. C’est le cas de Simon, un ancien élève qui le compare à un « prédateur ». L’homme lui aurait imposé une fellation lors d’un séjour à l’étranger chez sa tante, où le surveillant, qui s’était rapproché de la famille, avait été invité. Laurent, qui a effectué tout son collège à l’internat entre 1984 et 1990, cible le même homme et raconte avoir été violé lors d’un voyage scolaire au Maroc en fin de 5e.
Mais le « Cheval » n’est pas le seul adulte mis en cause. Jean-Marie Delbos, aujourd’hui âgé de 78 ans, scolarisé à l’âge de 10 ans à l’apostolicat de Bétharram, lui, a été violé par le père Henri Lamasse, un prêtre de l’établissement. L’homme se rendait, « soutane ouverte », la nuit dans son dortoir. « Il nous masturbait et nous faisait des fellations. On était terrorisés. Ça a duré cinq ans. Quand je les ai dénoncés, on m’a envoyé dans un hôpital psychiatrique militaire. Voilà ce qu’est Bétharram », a raconté le septuagénaire. S’il a été reconnu coupable, son violeur n’a pas été poursuivi par la justice, les faits étant prescrits.
4. ÉMISSION – Bétharram : François Bayrou a-t-il la mémoire courte ?
Publié le vendredi 14 février 2025 FRANCE CULTURE
Le Premier ministre se défend. Attaqué par la gauche, il répète qu’il ignorait les violences commises au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, un établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques. La pression monte.
François Bayrou a-t-il couvert des agressions physiques et sexuelles sur des enfants, dans un établissement catholique ? La question vous paraît brutale ? Elle l’est. Pour la France insoumise, ce n’est même plus une question, d’ailleurs, c’est une accusation. Un « scandale d’Etat », même.
Notre-Dame de Bétharram, donc. Un collège et un lycée. Une institution pour des familles aisées et catholiques, qui ont fait bloc derrière l’établissement. Nous sommes tout près du sanctuaire de Lourdes, tout près de Pau, aussi, sur les terres de François Bayrou. Derrière ces portes, que s’est-il passé ?
Au tribunal de Pau, des dizaines de plaintes convergent, surtout depuis quelques mois. Progressivement, la vérité apparaît. A Bétharram, pendant des décennies, des enfants ont été frappés, humiliés, et pour certains agressés sexuellement, violés. Derrière l’image d’un établissement « à la dure » – c’est comme ça qu’on disait -, un vrai « régime de terreur ». Si vous voulez comprendre ce système, allez lire les enquêtes de mon confrère Robin Richardot, dans Le Monde. Elles sont précises, terribles.
Sur la défensive
François Bayrou a-t-il joué un rôle dans cette affaire ? Aurait-il dû jouer un rôle, pour stopper cet engrenage ? Et aurait-il pu le faire, plus que d’autres ? Il connaît bien cet établissement. Plusieurs de ses enfants y ont été scolarisés, son épouse y a enseigné le catéchisme, et des témoins affirment qu’ils ont alerté l’élu sur la face cachée de Bétharram.
Le Premier ministre se défend. Mal. Il y a trois jours, encore, devant les députés : « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais ». Puis mercredi, à nouveau. Il persiste. Sous pression, il finit par exprimer sa « sympathie », pour des garçons qui ont été, je cite « en souffrance ». Il ne prononce jamais le mot « victimes ».
Des faits précis
Que sait-il, et que savait-il ? Il faut chercher des traces, et être précis. 1996, première grosse alerte à Betharram. Une famille porte plainte. Un surveillant a giflé un élève si fort qu’il lui a crevé le tympan. Les médias s’y intéressent. A l’époque, François Bayrou n’est pas seulement le grand élu de la région ; il est aussi ministre de l’Education nationale, et premier défenseur de l’enseignement privé. Il se rend à Bétharram. Dans les colonnes du journal Sud-Ouest, il soutient l’établissement. Mediapart a exhumé cette archive : « Nombreux sont les Bearnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice « . Le ministre annonce que « des vérifications » ont eu lieu, et qu’elles sont « favorables et positives ».
Une autre date : 1998, et une autre affaire, plus grave encore. Une plainte pour viol. Un prêtre mis en examen : le père Carricart, ancien directeur de Bétharram, qui s’est suicidé plus tard. Affaire médiatisée, là aussi. Un juge est chargé de l’enquête. Aujourd’hui, cet ancien magistrat affirme que François Bayrou était venu le voir à l’époque. Pas pour faire pression sur lui, mais pour évoquer ces accusations. Le Béarnais n’était plus ministre, mais toujours élu local, et parent d’élève. Vingt-sept ans après, le Premier ministre assure qu’il n’a aucun souvenir de cet échange. Mémoire courte ? Malaise ? Comment peut-il dire qu’il ignorait jusqu’aux éléments publiés dans les journaux ? Où commence le déni ? Et l’omerta ?
Une institution hors contrôle
Le Premier ministre doit s’expliquer, et rapidement. Devant l’Assemblée, ses mots très vagues, ses explications aussitôt contredites, ne passent pas, ne passent plus. Pour les victimes, c’est insupportable.
Mais dans l’emballement politique, attention à garder la tête froide, avec deux mots-clés : le calendrier et la responsabilité. Quand la société a-t-elle pris conscience des violences sexuelles systémiques, en particulier au sein de l’Eglise, dans des établissements religieux ? Il y a une dizaine d’années, pas plus. Tout ressort maintenant, mais il a fallu du temps. Ne l’oublions pas.
Quant aux responsabilités, là aussi, il faut être précis. Dans le journal Libération, ce matin, Alain Esquerre, le porte-parole de victimes, critique le Premier ministre, mais rappelle un point important : « Le procès de Bétharram, ce n’est pas le procès de Bayrou ». Qui est responsable ? D’abord les auteurs de ces délits ou de ces crimes. Ensuite, l’Eglise qui a laissé faire et qui a étouffé les signalements. Sa responsabilité est écrasante. Enfin, l’Etat, l’Education nationale. D’après Mediapart, en trente ans, cet établissement privé sous contrat n’a jamais été contrôlé, malgré les signalements, les plaintes. S’il y a un scandale d’Etat, pour l’instant, il est là.