
« Il venait de nulle part et avait peu de fidèles »: Macron raconté par… le dernier macroniste
Confidences
TITRE MARIANNE, Par Eve Szeftel et Jean-Marc Dumontet 08/02/2025
« Marianne » a demandé à plusieurs proches du président de lire la biographie d’Étienne Campion et de nous donner leur vision de l’homme Emmanuel Macron. Aucun n’a voulu jouer le jeu, sauf son ami le producteur de spectacles Jean-Marc Dumontet, 58 ans. S’il n’en restait qu’un, ce serait lui : fidèle de la première heure, celui qui est aussi propriétaire de plusieurs théâtres parisiens est sans doute le dernier des macronistes. S’il garde une fascination intacte pour celui que « personne n’attendait », cela ne l’empêche pas de faire preuve de lucidité sur ce président « trop gâté par la vie » et qui « ne s’attache pas ».
Personne ne l’attendait, personne ne le connaissait. Et surtout, personne n’y croyait. Sauf un carré d’adeptes fascinés, éblouis, aveuglés par tant d’audace. Quiconque a vécu ces moments ne peut que les ressasser ad vitam.
Il venait de nulle part, président à moins de 40 ans, il avait peu de fidèles, sauf des acharnés, qui ne pouvaient que déchanter. Car l’homme est mystérieux et le pouvoir bien ingrat. Ils connaissaient tous l’immense séducteur mais connaissaient-ils l’homme ? J’ai vu Gérard Collomb dans les salons pleurer, le jour du sacre. Il portait sur Emmanuel un regard énamouré. Les présidents sont rarement fidèles. Peu pouvaient le comprendre, tous en souffrirent.
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1. ARTICLE – Dissolution, loi immigration, Macron… Clément Beaune raconte les dessous du pouvoir
EXCLUSIF. Dans un récit intime, l’ex-ministre revient sur les succès et les échecs du macronisme. Jusqu’à « l’été du grand effondrement », celui de la dissolution.
Par Le Point.fr. 31/01/2025
Clément Beaune n’en a pas fini avec la politique. « Rentré un peu par hasard » dans ce monde si particulier, cette figure de la macronie veut continuer à jouer un rôle et à peser sur la suite. L’ex-conseiller d’Emmanuel Macron puis ministre et député (jusqu’à sa défaite aux législatives à l’été 2024) raconte de l’intérieur son expérience du pouvoir dans Je dirai malgré tout que la politique est belle (éditions Stock), à paraître le 5 février.
Un récit intime et sensible nourri d’anecdotes autant qu’un livre de propositions. Une sorte d’inventaire avant l’heure du macronisme, de ses succès comme de ses échecs. Clément Beaune éprouve d’ inévitables regrets. « J’en ai la conviction : si l’on avait fait la réforme de la proportionnelleavant la réélection d’Emmanuel Macron, comme le défendait notamment François Bayrou, on aurait formé une coalition gouvernementale en 2022 et on aurait évité le chaos qui nous bloque depuis », écrit l’ex-élu de Paris.
Pour le haut fonctionnaire, infatigable optimiste, si notre pays connaît « une perte de valeurs et de repères », la « France va bien », conclut-il malgré tout. En vue de 2027, l’ancien socialiste appelle à créer un « mouvement social-démocrate français », assumant ainsi de vouloir réactiver le clivage droite-gauche .
Le sujet de la crise démocratique se trouve au cœur de cet ouvrage, riche en pistes de réflexion visant à faire évoluer notre régime. L’ancien élu Renaissance suggère pêle-mêle : de « désaligner » le calendrier des élections législatives de celui de la présidentielle, de voter d’abord pour les députés avant d’élire le président, de revenir au septennat, d’introduire le scrutin proportionnel aux élections législatives (par département), d’instaurer un « 49.3 positif » qui obligerait les oppositions à proposer un projet alternatif à celui auquel elles s’opposent ou encore d’autoriser le cumul du mandat de parlementaire avec certaines fonctions exécutives.
Mais aussi de convoquer des référendums régulièrement, d’instaurer un « délai de décence » de quelques semaines entre l’élection du président et sa prise de fonction effective, de supprimer la mairie de Paris en fusionnant en une seule commune la capitale et les trois départements de la petite couronne et d’obliger les futurs directeurs d’administration centrale à travailler au moins trois ans dans une entreprise, une association ou une collectivité locale avant leur nomination. Enfin, Clément Beaune estime nécessaires la mise en place d’un plan Marshall des services publics , de créer un « ISF vert », l’interdiction de la publicité pour les SUV, la taxation des jetset l’instauration d’un moratoire sur les autoroutes.
L’énarque prône aussi une nouvelle initiative pour l’Europe, des réformes sociétales comme la légalisation du cannabis , le droit à mourir dans la dignité , l’inscription du mariage pour tous dans la Constitution, l’autorisation de la GPA. Il plaide pour aller plus loin dans la lutte contre les discriminations, promeut un service civique obligatoire et explore certains bienfaits qu’apporte, selon lui, le wokisme . Morceaux choisis.
Le choc de la dissolution
En février 2024, exclu du nouveau gouvernement, je découvre les bancs de l’Assemblée nationale : élu en 2022, je n’y avais pas siégé, remplacé par ma suppléante tant que j’étais ministre. Cette expérience parlementaire m’a terriblement déçu : le Parlement s’ennuie. Ou il s’occupe bêtement, abreuvé de propositions de loi qu’un législateur digne de ce nom trouverait grotesques, de la lutte contre les discriminations capillaires à la refonte des diplômes des professeurs de hip‑hop. Dès lors, comment faire respecter par les citoyens le travail parlementaire ?
Je n’eus pas le temps de philosopher sur mon avenir entre ces murs : quatre mois plus tard, le président a dissous l’Assemblée nationale . Je découvre cette décision en direct sur le plateau de BFM, où je représente la majorité sortante. Une double violence : celle du choc de la décision, à laquelle je refusais de croire jusqu’au bout, et celle des hurlements de mes adversaires politiques déchaînés en direct. Allant, comme souvent ces soirées‑là, de plateau en plateau, je dis, écœuré de ma propre parole, à mon collaborateur Alexandre qui m’accompagne : « Je me retrouve à expliquer un truc inexplicable, je ne veux pas devenir ce genre de politique. » […]
Il y avait un chaînon manquant entre le scrutin européen et ces législatives inattendues : il fallait, au lendemain des élections européennes, dire aux Français, en somme, par la voix du président : « La victoire de l’extrême droite est un séisme, le blocage parlementaire nous guette : je demande donc aux forces républicaines constructives – PS et LR – d’entrer dans un gouvernement d’union, et je mandate une personnalité éminente pour mener des consultations en ce sens. Rendez‑vous après les Jeux olympiques. En cas de blocage, je n’aurai d’autre choix que de dissoudre le Parlement et de vous rendre la parole. »
Cette étape aurait donné de la clarté et transféré la responsabilité du blocage aux partis et aux oppositions, au lieu de jeter la foudre sur le président seul. Une démocratie qui marche est fondée sur la compréhension et la considération. Quand les électeurs ne comprennent pas, ils se vengent ; c’est le point commun entre les dissolutions Chirac et Macron. Il serait intéressant d’inscrire dans la Constitution un délai obligatoire de consultation des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’au moins quinze jours, avant toute dissolution effective. Sauf crise majeure, une décision ne peut être solitaire et immédiate à la fois.
Cette explication a manqué, je l’ai mesuré chaque jour en campagne, même à Paris, ma terre d’élection, où les habitants sont largement politisés : « je ne dors plus », « c’est une folie », « pourquoi il nous fait ça ? », « j’en pleure »… Ces termes revenaient sans cesse dans les échanges et les interpellations.
Le traumatisme de la loi immigration
Le 19 décembre 2023, je termine mon discours sur les transports pour les Jeux olympiques, je monte dans la voiture, j’aperçois l’écran de mon téléphone saturé de messages et coups de fil en absence. Mes collègues du gouvernement Aurélien Rousseau , Rima Abdul‑Malak , Patrice Vergriete et quelques autres appellent, écrivent, s’inquiètent : la dernière version du projet de loi Immigration franchit les lignes rouges que notre majorité elle‑même avait fixées et que la Première ministre nous avait garanties […] Beaucoup de couleuvres ont été avalées, le boa est un peu gros.
Pour éviter que se multiplient les échanges bilatéraux et partager nos états d’âme, je crée une boucle sur le réseau Telegram entre les quelques ministres choqués. Nous convenons, à mon initiative, de nous retrouver le soir pour dîner au ministère des Transports : contrairement au récit fabriqué a posteriori, ce dîner de ministres de gauche ne visait pas à organiser je ne sais quel putsch, ou à scénariser une démission collective tel un Ordre du Temple solaire politique, mais à tirer les leçons d’un échec annoncé.
Notre échec, c’est de ne pas avoir vu venir le dérapage non contrôlé de ce texte et de n’avoir pas pesé dans sa confection, laissée au ministre de l’Intérieur, et dans la dernière ligne droite à Élisabeth Borne , qui en a objectivement limité la dérive droitière face aux parlementaires des Républicains dont le vote était indispensable. L’après‑midi, avant le vote final, nous sommes comme chaque mardi à l’Assemblée nationale pour les questions au gouvernement. […] Le baiser de la mort est donné : Marine Le Pen annonce que les députés du Rassemblement national voteront pour le texte, au nom d’une « victoire idéologique » revendiquée.
Ensuite, nous voyons apparaître sur nos téléphones la même alerte, le même article : trois ou quatre ministres auraient mis leur démission dans la balance si ce texte était ainsi adopté. Chacun se regarde, personne n’avait évoqué de démission dans notre boucle, à part le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, qui ne voulait pas porter une réforme brutale de l’aide médicale d’État. Quelques noms sont cités dans l’article, pas le mien. Connaissant mon orientation à gauche et mes doutes profonds sur ce texte, plusieurs journalistes m’interrogent directement : « Fais‑tu partie des démissionnaires potentiels ? » Je ne dis mot. Une démission est un acte grave qui ne se distille pas dans la presse mais se présente au chef de l’État.
Cependant, je ne souhaite pas donner le sentiment, en démentant, que je soutiens ce texte ou m’y résigne. Je me dis aussi que, vraie, fausse ou exagérée, l’idée que plusieurs ministres sont prêts à démissionner pèsera dans le choix final, que je défends auprès de Matignon et de l’Élysée : retirer le texte, compte tenu de sa dérive et du soutien affiché par l’extrême droite. […] Emmanuel Macron décide de maintenir le texte, d’aller au vote, prévu le soir même, annonçant toutefois que s’il n’y avait pas de majorité sans les voix du RN, il l’abandonnerait.
Je n’ai jamais acheté cet argument car, si le RN avait voté contre ce projet de loi, il n’aurait pas été adopté. Accaparé de nouveau par la préparation des Jeux tout au long de l’après‑midi, je ne me rends pas compte que le feuilleton s’emballe. Dans le flot de SMS reçus, je réponds à un journaliste en qui j’ai confiance et qui me titille : « Alors, cette démission ? »
« On ne dit pas cela à la légère. » Relance : « Mais nous, on peut dire que tu y songes. » Je laisse dire, sans bien réfléchir, et je reprends mes réunions olympiques. Cité dans la presse, mon nom apparaît bientôt en continu sur le bandeau bleu de BFM : « Clément Beaune menace de démissionner. » Honneur mortel. Pressé par mon équipe d’annuler le dîner de ministres ou de l’organiser ailleurs qu’au ministère pour ne pas m’exposer, j’assume et je maintiens. De démission il n’est toujours pas question, mais préparer une initiative collective pour la suite, endiguer une dérive mortifère vers la droite, cela devient impératif.
Élisabeth Borne m’appelle, peste contre ce dîner, mais propose de nous rejoindre dans la soirée, réceptive à mon argument : nous partageons la même sensibilité, on ne peut pas finir l’aventure sur un tel texte. Finalement, elle recevra quatre d’entre nous, Sylvie Retailleau, Patrice Vergriete, Roland Lescure et moi, autour d’un verre nocturne à Matignon. La réunion est triste, amicale, plusieurs ont les larmes aux yeux : on se dit que, bien au‑delà de ce texte, on a raté quelque chose. Je sais, ce soir‑là, que quelque chose s’est brisé.
Comment cette réforme sur l’immigration peut‑elle être notre seul projet visible depuis des semaines ? Comment a‑t‑on pu faire si peu dans la lutte contre les discriminations, y compris en refusant de parler franchement du rapport entre les jeunes et la police et, oui, des violences policières ? Comment repartir sur un autre agenda politique dès le mois de janvier ? Nous n’en aurons pas l’occasion. Le gouvernement de Gabriel Attal, où Élisabeth Borne et moi ne figurons pas, choisira d’aller plus à droite.
La visite d’État, le carrosse doré et Nicolas Hulot
La visite d’État, c’est le sommet du déplacement diplomatique, un délice de protocole : beaucoup de figures imposées, un temps sur place d’au moins deux jours, et dans une monarchie, même scandinave, un lot impressionnant de queues‑de‑pie et de robes de soirée, de chevaux, de cortèges, de discours et de palais. Le président a encore un peu de mal à admettre les contraintes imposées par ces déplacements, surtout chez un roi ou une reine, dont les services planifient plus d’un an à l’avance les détails de telles rencontres. Lui ne valide les programmes que quelques jours (ou heures !) avant l’échéance. Trois jours avant de partir pour Copenhague , le président découvre que l’accueil protocolaire, invariablement, prévoit un trajet en carrosse doré, tiré par seize chevaux.
L’image serait désastreuse, nous demandons à notre ambassadeur de retourner au palais royal faire part de cette petite difficulté : plusieurs heures de négociation plus tard, le carrosse est retiré du programme. Le mardi 28 août, je suis avec plusieurs autres conseillers dans la cour de l’Élysée, nous attendons que la voiture du président démarre pour l’aéroport afin de nous engouffrer dans les vans qui forment le reste du cortège. Le retard présidentiel reste acceptable, même rattrapable. Je reçois un texto d’un ami : « Putain, Hulot ! » Le ministre de l’Écologie vient de démissionner en direct sur France Inter.
Je pense alors que le voyage sera annulé, je m’imagine préparer notre ambassadeur à une énième mission royale , le voyant déjà expliquer respectueusement à un grand chambellan nordique que la vaisselle dorée doit être remisée. Le président sort tout sourire sur le perron, nous partons ; quelques blagues allusives mises à part, le sujet n’est pas abordé dans l’avion, personne n’ose briser le tabou. Une rapide question en conférence de presse, Macron salue en Hulot un homme attaché à sa liberté, circulez.
Nous voilà donc plongés dans Borgen, littéralement, le nom de la série étant celui du quartier des bâtiments officiels. Je connais un peu Copenhague, mais cette visite m’éclaire d’un seul coup. Les lieux de pouvoir sont modestes, regroupés. Le protocole de la visite d’État, défini par chaque pays, impose de commencer par un déjeuner avec le Premier ministre, véritable détenteur du pouvoir. Lars Løkke Rasmussen est le stéréotype du chef de gouvernement d’une démocratie parlementaire scandinave comme on l’imagine à Paris ; sérieux, affable, pragmatique, sans charisme particulier. Ce n’est d’ailleurs pas un critère.
Là où, même dans une simple conférence de presse, puis au cours d’un débat avec des étudiants de Copenhague, nous aimons et recherchons chez notre président de l’esprit, de l’humour, de la vision, on veut ici du concret bien ancré plus que le ciel des idées. L’avantage des affaires européennes, je l’atteste, est que tous les clichés sont vérifiés, y compris sur nous Français !
Entre les bureaux sobres du Premier ministre et le superbe amphithéâtre transparent de l’université, le programme nous fait passer par le Parlement, qui compte plus que tout : le président, entouré d’une large délégation, se retrouve dans une salle sombre, dépouillée, principalement meublée d’une table en bois sur laquelle sont posés un thermos de café et un de thé. On reste debout. Chaque président de groupe parlementaire salue notre président, l’un porte un jogging et une polaire, et cela n’a rien d’une provocation. C’est comme ça. On est au Parlement, on travaille, on échange calmement, on se respecte. Nous changeons ensuite brutalement de décor.
Avant le dîner d’État, nous nous rendons au palais royal , Emmanuel et Brigitte Macron se préparent ; nous aussi, conseillers et ministres, dans des dépendances du château. Je me souviens encore du superbe uniforme rouge du majordome qui attendait devant ma chambre, comme devant celle de chacun des membres de la délégation. « Je suis à votre service, que puis‑je vous offrir ? » a‑t‑il demandé en français. Un blanc, puis : « Un Coca Zéro, s’il vous plaît. » Le dîner a lieu dans un second palais royal, qui n’a rien de commun avec les salles de réunion parlementaires.
Uniformes, écharpes et médailles, tapisseries resplendissantes (des Gobelins), gardes à bonnets à poils ; chaque invité salue la reine et le président avant d’entrer, au son des trompettes, dans une salle des fêtes infinie. Le café qui suit le dîner est servi dans de splendides salons attenants. On ne peut s’approcher trop près de la reine, on doit attendre qu’une sorte de maréchal du palais vienne nous chercher, ou pas, pour avoir l’honneur de lui parler, quelques minutes, avant d’être éconduit d’un sourire délicat pour laisser la place aux suivants. Triste reine, dont les conversations sont sélectionnées, chronométrées !
La force des symboles
Après ma première campagne législative, au cœur de Paris et de ses quartiers délicieusement « bobos », je racontais mes échanges sur les marchés. On me disait : « Les macronistes, vous vous en foutez du climat. » Ce à quoi je répondais : « On a beaucoup fait au niveau européen, on a des résultats… Pourquoi vous dites ça ? » Réponse authentique, entendue des dizaines de fois chez les plus jeunes : « Nicolas Hulot a démissionné, vous n’êtes pas sortis du glyphosate, vous avez été condamnés pour inaction climatique. » Je n’entre pas dans la réponse de fond, à part pour souligner que ladite condamnation couvre une période qui s’achève en 2018, mais là n’est pas l’essentiel : tout ce qui est cité là relève du symbolique.
Ce n’est pas une critique, c’est une réalité. Je n’en tire pas un inutile sentiment de légèreté ou d’ingratitude, j’en retiens au contraire que les symboles sont indispensables, petits ou grands. Insuffisants mais nécessaires. Le responsable politique est comme l’attaquant au football : il faut marquer le but et lever les bras. Si vous levez les bras sans avoir marqué, cela finira par se voir. Mais si vous marquez le but sans lever les bras et courir vers le public, la joie du stade ne sera pas la même.
Pour revenir à Sandrine Rousseau : qu’on l’aime ou non, elle est aujourd’hui une figure de l’écologie politique que des millions de Français connaissent ; parce qu’elle a fait le buzz, utilisé les bons codes pour faire parler d’elle et de quelques idées. Dans un autre registre, qu’est‑ce qui a fait le succès de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale, dans l’opinion publique ? Pas le « choc des savoirs », mais l’interdiction de l’abaya. J’y suis favorable, mais reconnaissons que cette tenue ne résume pas la réforme en profondeur dont a besoin notre école.
La genèse du discours de la Sorbonne
J’ai un souvenir ému de ce grand discours‑programme sur l’Europe, auquel j’ai largement contribué, avec Sylvain Fort, alors plume du président. Emmanuel Macron, dans une grande réunion consacrée à son agenda des mois suivants, au début de l’été 2017, dit qu’il veut donner son cap sur la réforme de l’Europe le plus vite possible, fin août ou début septembre. Je proteste : il serait plus courtois et efficace d’attendre les élections allemandes, le 24 septembre. Réticences et grommellements, mais c’est vendu : « Juste après, alors ! » Va pour le 26.
Je dus ensuite annuler mes vacances d’été, car j’avais aussi vendu au président – quelle idée ! – une tournée à l’est de l’Europe fin août, en Roumanie et en Bulgarie. Je m’échappe toutefois un week‑end de trois jours à Lisbonne, quand je reçois un message du président : « Peux‑tu me passer la trame du discours sur l’Europe ? » Il était prévu un mois plus tard, nous n’étions jamais aussi en avance, et le lieu de ce discours n’était même pas fixé. Évidemment, je n’avais encore rien écrit. J’explique que ces quelques jours sont mes seules vacances, je gagne un peu de temps mais, saisi de mauvaise conscience, j’écris une bonne part de ce discours sur mon transat portugais.
Le discours prendra forme en cheminant dans les arcanes de l’Élysée pendant plusieurs semaines. Le 25 septembre, le président reçoit en dîner d’État le président libanais. Appel à 23h30 : « Viens, on va finir le discours ! » « Finir », cela arrive à 4 heures du matin, sous une pluie battante pour regagner mon bureau, à l’extérieur de l’Élysée, sans mouiller les feuilles annotées… et me voilà faisant un dernier tour de corrections, ajouts, relectures. Mais son impact, partout en Europe, en vaut la peine : contrairement à ce qu’on en a dit, ce n’est pas un discours classique, traçant une grande vision à la française ; c’est d’abord une liste précise de plus de cinquante propositions concrètes, d’un budget de défense commun à la création d’universités européennes d’excellence.
J’en résumerais ainsi l’esprit : l’Europe ne doit être ni un marché ni un musée. Garantir ses intérêts, forger ses propres règles (économiques, écologiques et sociales), protéger ses frontières, investir dans sa défense. Rompre avec l’idée naïve du doux commerce pacificateur, d’une sécurité déléguée aux États‑Unis, d’une nostalgie du passé glorieux. Innover, réguler, protéger.
2. ARTICLE – Les confessions de Clément Beaune disent tout de la désillusion des « macronistes de gauche »
08/02/2025 HUFFPOST
Dans un livre cash et très personnel, l’ancien ministre revient sur ses années auprès d’Emmanuel Macron et déplore une « droitisation » du pouvoir.
Dans un livre actuellement en librairie, Clément Beaune revient sur les coulisses du pouvoir.
POLITIQUE – Les confessions de Clément Beaune ne sont ni intimes ni nocturnes, mais elles valent le détour. Discret depuis sa défaite aux législatives, l’ancien ministre de l’Europe a débarqué cette semaine en librairie avec la publication de son premier livre, Je dirai malgré tout que la politique est belle (éditions Stocks). Un récit très cash de ses années passées aux côtés d’Emmanuel Macron, d’abord comme membre du cabinet à Bercy en 2016, puis comme conseiller spécial à l’Élysée, et enfin comme ministre et député.
De ces presque dix ans, Clément Beaune en tire beaucoup de positif. Il dit s’être forgé dans l’adversité, lui l’ancien grand timide qui, quelques années auparavant, n’osait pas prendre la parole en public sous peine de devenir rouge pivoine. Le regard lucide et sans concession qu’il porte sur l’évolution du macronisme est intéressant. On comprend que sur différents sujets, l’ancien énarque déplore une rupture avec l’esprit de la campagne de 2017. À commencer par la loi immigration, examinée à l’Assemblée en décembre 2023.
Sans prendre de gants sur la méthode qui, selon lui, « a pêché », il revient en longueur sur cet épisode révélateur des tiraillements au sein du camp présidentiel. « Compte tenu de nos histoires politiques diverses, dans la majorité, sur un tel sujet, un dialogue interne aurait dû être organisé autour du président. Le pilotage par le seul ministère de l’Intérieur, sans débat au sein du gouvernement, était la recette du désastre », écrit Clément Beaune.
« Tribune gratuite au RN »
Mieux : il reconnaît que ce texte de loi, vivement critiqué par la gauche qui y a vu l’instauration de la « préférence nationale » et salué par Marine Le Penqui a parlé de « victoire idéologique », n’a pas été posé dans les bons termes. « On ne fait jamais reculer l’extrême droite en jouant la partie sur son terrain. Nous avons offert plusieurs mois de tribune gratuite à la droite dure et au RN, appuie-t-il. Quand on est vaseux, on tombe dans les sables mouvant de l’extrême droite ». Un constat que bien peu dans son camp n’ont été capables de faire.
En désaccord avec plusieurs dispositions de la loi, Clément Beaune a été cité à l’époque parmi les potentiels ministres démissionnaires. Il dit être resté car il avait « le sentiment de n’avoir pas dévié par rapport à l’esprit de 2017 ». Mais reconnaît que « quelque chose s’est brisé » à ce moment-là. Pendant la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron défendait une approche bien différente du sujet, qualifiant même l’immigration de « chance ». Finalement, début 2024, au gré d’un chambardement qui voit Gabriel Attal arriver à Matignon, Clément Beaune n’est plus ministre. Il estime avoir été « renvoyé », voire « exclu du gouvernement », à cause de son opposition à la loi immigration ; le Président ayant notamment moqué ces « belles âmes » qui prennent des positions morales.
« On crève du 100 % communication »
Membre revendiqué de « l’aile gauche » de la macronie, Clément Beaune prend nettement ses distances avec les personnalités de son propre camp marquées à droite. « J’ai toujours combattu, m’opposant publiquement à Gérald Darmanin, l’emploi du mot de “terrorisme” à propos des écologistes radicaux », écrit-il ainsi. L’interdiction de l’abaya à l’école défendue par Gabriel Attal ? « Cette tenue ne résume pas la réforme en profondeur dont a besoin notre école », tranche l’ancien ministre, pour qui « le débat s’appauvrit quand le symbole prend toute sa place. On crève du 100 % communication ». L’ex-« sherpa » d’Emmanuel Macron regrette aussi l’absence de « ligne claire » et de « doctrine revendiquée » sur l’écologie. Élisabeth Borne avait bien porté un plan « massif » sur la planification écologique, mais « je regrette son large abandon, dans le discours comme dans le budget, à partir du gouvernement Attal », note Clément Beaune.
Il espérait représenter son parti aux élections européennes. Au printemps 2024, il en fait même la demande à Emmanuel Macron et Stéphane Séjourné, ex-patron du parti Renaissance. C’est finalement Valérie Hayer qui est choisie à sa place. « Je l’apprécie humainement mais elle est inconnue face aux poids lourds des autres listes », observe-t-il. La campagne, difficile, ne se déroule pas comme il l’aurait voulu. « Nos élus sont tout sauf motivés par cette campagne et nous prêchons dans le vide au mieux, face à la haine antimacroniste au pire », relève Clément Beaune, prophétisant alors « un échec annoncé, renforcé jour après jour par la droitisation du gouvernement (réforme de l’assurance chômage, stigmatisation de la fonction publique, massacre du budget de l’Écologie…) ». Des mots habituellement utilisés par l’opposition, rarement voire jamais par des membres du même bloc politique. Du moins pas en public. Aux élections législatives, il est éliminé au soir du premier tour par Emmanuel Grégoire (PS-NFP) et ne reçoit de message de soutien ni de Gabriel Attal ni de Stéphane Séjourné.
Vers un avenir à gauche ?
De la même façon, l’ex-ministre explique ne pas avoir bien compris la dissolution (et il n’est pas le seul). Une « décision solitaire », tranche-t-il. Surtout, il reproche aux macronistes d’avoir minimisé la possibilité pour la gauche de se réunir sous une bannière commune. « La mobilisation contre l’extrême droite renvoie tout le peuple de gauche à une histoire glorieuse, à une émotion intacte, que les stratèges de l’Élysée ont ignorées », écrit-il.
Au total, son livre ressemble autant à une catharsis personnelle qu’à un besoin de régler quelques comptes. Finalement, on se demande ce qui le différencie vraiment d’un Raphaël Glucksmann, d’un Bernard Cazeneuve ou d’une Carole Delga. Clément Beaune propose d’ailleurs de « consolider un espace social-démocrate », mais pour cela, insiste-t-il, il faut « rassembler, travailler et proposer ». En tout cas il en est convaincu : le « dépassement » a fait son temps. Le credo « et de droite et de gauche », à la mode en 2017, ne fait plus recette. Et on voit bien de quel côté Clément Beaune aimerait se raccrocher.
RETOUR SUR UN ARTICLE DE 2021
3. ARTICLE – Emmanuel Macron : qui est Clément Beaune, son « chouchou » au gouvernement ?
Stacie Arena
Publié le 28/10/2021 F ACTUELLE
Il est l’atout d’Emmanuel Macron pour la campagne présidentielle de 2022. Comme l’explique Paris Match le 28 octobre 2021, Clément Beaune est un bourreau de travail, dans l’ombre du Président depuis leur rencontre en 2019, qui place ses pions avec brio.
Un outsider. Dans son nouveau numéro paru jeudi 28 octobre 2021, le magazine Paris Match dédie quelques pages au secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, Clément Beaune. Plutôt discret depuis son arrivée au gouvernement le 26 juillet 2020, le quadragénaire n’avait toutefois pas hésité à prendre la parole durant l’été pour annoncer des nouvelles mesures sanitaires… avant de disparaître à nouveau. Il faut dire que, depuis sa prise de poste il y a plus d’un an, Clément Beaune a eu du pain sur la planche. Considéré comme « le cerveau européen »d’Emmanuel Macron, voire son « chouchou », écrivent nos confrères, le secrétaire d’État s’attelle à défendre son parti corps et âme. Et s’il faut laisser échapper quelques bribes de sa vie privée au passage, Clément Beaune ne dit pas non. Portrait.
Il révèle son orientation sexuelle en décembre 2020
Entre Emmanuel Macron, de trois ans son aîné, et lui, ce ne fut pas le coup de foudre immédiat mais plutôt une« reconnaissance tacite », précise Paris Match. Brigitte Macron, elle, l’adore ! À tel point qu’il est arrivé à Stéphane Bern de« croiser Clément Beaune dans les couloirs de l’aile Madame du palais présidentiel », explique le journaliste au magazine. La Première dame lui a même donné un surnom : le « Fiston », peut-on lire. En 2020, le « Fiston » de Brigitte Macron devient secrétaire d’État chargé des Affaires européennes dans le gouvernement de Jean Castex.
Le 9 décembre 2020, cinq mois après sa nomination, Clément Beaune assume son homosexualité dans le numéro spécial des 25 ans de Têtu. « Aujourd’hui cela paraît banal de le dire, mais ce n’est pas une évidence. Les coups, la violence, le rejet, ça existe en 2020. Dire aujourd’hui mon orientation sexuelle, ce n’est pas de l’indécence ou de la mise en scène de l’intimité », avait-il confié. Une confidence loin de l’avoir rendu vulnérable. Bien au contraire. En 14 mois, Clément Beaune a effectué 100 déplacements, dont 49 hors de France, visité 24 pays sur les 27 formant l’Union. Un « bourreau de travail »selon Paris Match. Un « travaillomane »selon sa consœur Sibeth Ndiaye. Ça promet !