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1. ARTICLE – Retraites : avec ou sans « déficit caché », la situation est critique, selon la Cour des comptes
2. ARTICLE – 6 milliards de déficit : le rapport de la Cour des comptes contredit l’estimation de Bayrou
3. COMMUNIQUÉ DE LA COUR DES COMPTES – Situation financière et perspectives du système de retraites
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1. ARTICLE – Retraites : avec ou sans « déficit caché », la situation est critique, selon la Cour des comptes
Dans la bataille des chiffres, la Cour des comptes a choisi de se baser sur la convention comptable officielle. Ce qui ne l’empêche pas de décrire une situation préoccupante…
Par Philippine Robert LE POINT 20/02/2025
Quelle est la situation financière réelle de notre système de retraites ? C’est à cette question que la Cour des comptes a dû répondre en un peu plus de trois semaines. Une mission qui n’était pas impossible, mais qui a contraint les magistrats à travailler jour et nuit sept jours sur sept. « Mission accomplie ! » s’est félicité le premier président de l’institution, Pierre Moscovici, qui a remis ce jeudi 20 février à 8 h 30 le rapport sur la situation financière et les perspectives du système de retraite au Premier ministre, François Bayrou. Ce dernier avait exigé un constat et des chiffres indiscutables afin de le présenter aux partenaires sociaux qui vont remettre sur le métier le chantier des retraites pendant les prochains mois.
L’institution était notamment attendue sur un point précis : le déficit des retraites est-il plus important que celui affiché par le Conseil d’orientation des retraites (COR), comme le pense François Bayrou, inspiré par les travaux de l’ancien inspecteur des finances Jean-Pascal Beaufret ? Pour comprendre ce débat, un petit point technique s’impose.
Le déficit affiché par le COR est le déficit stricto sensu des retraites, c’est-à-dire la différence entre les dépenses et les ressources du système. Le problème, c’est qu’en plus des cotisations sociales et des taxes et impôts affectés l’État (mais aussi les autres branches de la Sécurité sociale) vient compléter la partie ressources via divers transferts et subventions (surcotisations pour équilibrer le régime de retraite de la fonction publique, subventions d’équilibre pour les régimes spéciaux, transferts de la Cnaf, de l’Unédic, etc.). Sans ce coup de pouce, le déficit affiché serait plus important.
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Cette différence de définition n’est pas qu’une ennuyeuse affaire de comptables, car ce sont des deniers publics sonnants et trébuchants en moins pour le budget de l’État, et en plus pour le régime des retraites. Comme le soulignait dans Le Point , récemment et de manière très limpide, l’économiste Charles Dennery, auteur de Réformer (vraiment) les retraites (PUF), « On déshabille Pierre (l’État) pour habiller Paul (les retraites). L’État s’endette donc pour donner l’impression que les retraites… ne sont pas en déficit ».
45 milliards de contribution de l’État
Sans surprise, la Cour des comptes, dont Pierre Moscovici a rappelé avec malice l’indépendance , n’a pas choisi de suivre le point de vue de François Bayrou. Les magistrats ont, en effet, décidé de s’aligner sur la convention comptable officielle. L’ancien ministre de l’Économie de François Hollande est tout de même convenu que les deux comptabilités étaient « justifiées, l’une comme l’autre », mais qu’il n’était pas pertinent, selon la Cour des comptes, de remettre en cause la présentation officielle des chiffres pour un « débat technique qui ne permettrait pas de réduire le déficit ».
Cela dit, le sujet n’a pas été passé sous silence. Dans leur rapport, les magistrats de la Cour des comptes présentent le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État comme bénéficiant d’une « forte contribution de l’État », d’environ 45 milliards d’euros, qui garantit automatiquement l’absence de déficit. Ils confirment également le niveau élevé des taux de cotisations employeurs dans la fonction publique par rapport au régime général (ce qui pourrait permettre d’isoler une surcotisation de 42 milliards d’euros pour les trois versants de la fonction publique), mais ils le justifient par « des différences structurelles qui ne permettent pas la comparaison avec le régime général ». Pour les régimes spéciaux, les contributions de l’État relevées par la Cour des comptes s’élèvent à 7,6 milliards.
À lire aussi : Retraite des fonctionnaires : le grand tabou et l’énorme trouSi la convention officielle adoptée par la Cour des comptes ne fait pas état d’un déficit de 55 milliards, comme estimé par François Bayrou, la situation n’est, cependant, pas reluisante. Un excédent existait, certes, en 2023 (grâce aux réformes que les gouvernements successifs ont eu tant de mal à faire passer ces dernières années), mais il masquait des situations hétérogènes : une situation « précaire » pour le régime général, « critique » pour la caisse de retraites des fonctionnaires territoriaux, mais excédentaire pour les non-salariés et les retraites complémentaires obligatoires (et les autres sont à l’équilibre grâce à la perfusion de l’État, comme nous l’avons vu plus haut).
Mais l’avenir est encore plus sombre. En 2025, le déficit devrait se creuser (moins 6,6 milliards d’euros), avant de s’enfoncer de plus en plus profondément (15 milliards en 2035, puis 30 milliards en 2045). Si la réforme Borne a permis de limiter la casse, elle n’empêchera pas la rechute…
Un système toujours généreux
Au passage, les magistrats de la Cour des comptes rappellent à quel point le système de retraite français est généreux , avec des dépenses qui s’élèvent à 14 % du produit intérieur brut (PIB) et une pension moyenne de 1 626 euros brut, qui permet aux retraités d’avoir un niveau de vie similaire à celui des actifs, contrairement à ce qui est observé en Allemagne ou en moyenne dans les pays de l’OCDE. Cela dit, à l’avenir, le niveau de vie des retraités devrait devenir inférieur à celui des actifs, sans pour autant rejoindre l’écart observé outre-Rhin ou en moyenne dans l’OCDE.
Dernier « ingrédient » déposé sur la table des partenaires sociaux par les Sages de la rue Cambon : les principaux leviers de réforme et leurs effets sur l’équilibre financier du système de retraite. Avancer d’un an l’âge de départ à la retraite coûterait 5,8 milliards d’euros au système en 2030, tandis qu’un recul d’un an permettrait d’économiser 8,4 milliards. L’effet serait « puissant à court terme ».
À lire aussi : Retraites : vers la fin des déficits occultés ?Diminuer la durée des cotisations d’un an aurait un impact négatif de 3,9 milliards d’euros, tandis que l’augmenter d’un an rapporterait 5,2 milliards, et l’effet serait « de moindre ampleur mais mieux étalé dans la durée ». Une augmentation des cotisations d’un point permettrait de récolter entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros, mais pourrait « avoir des effets négatifs sur l’économie », tandis que la sous-indexation d’un point des pensions permettrait de récupérer 2,9 milliards. Reste à savoir si les partenaires sociaux feront bon usage de ce petit fascicule de 95 pages.
2. ARTICLE – 6 milliards de déficit : le rapport de la Cour des comptes contredit l’estimation de Bayrou
Le déficit du système des retraites est de 6 milliards d’euros et « il dérivera vers 30 milliards dans les années qui viennent », a affirmé jeudi François Bayrou, se référant au rapport de la Cour des comptes qui venait de lui être remis, loin des 55 milliards qu’il avait auparavant avancés.
MIDI LIBRE
Le rapport de la Cour des comptes était attendu, les partenaires sociaux ont désormais toutes les données de l’équation en main : le déficit « immédiat » du système des retraites est de 6 milliards d’euros et « il dérivera vers 30 milliards dans les années qui viennent », a affirmé jeudi François Bayrou.
Le Premier ministre, qui s’est exprimé à Matignon aux côtés du premier président de la Cour Pierre Moscovici avant la publication officielle des conclusions du rapport et leur présentation aux partenaires sociaux, a indiqué que ces dernières pourraient faire l’objet d’un débat sans vote au Parlement « pour qu’on sache définitivement de quelle situation on part et quelles sont les perspectives ».
« De quoi nourrir le débat »
« C’est la mission de la Cour des comptes de fournir au pays les éléments les plus indiscutables », a déclaré François Bayrou, évoquant « un déficit immédiat de six milliards qui, dans les années qui viennent, si on ne fait rien, dérivera vers 30 milliards ». Sur « l’effort de l’État » pour équilibrer le système de retraites, « les chiffres sont en cohérence avec ce que la toute petite équipe du Plan (Haut Commissariat au Plan, dirigé à l’époque par François Bayrou) avait dit », a-t-il jugé.
Dans la mesure où les cotisations salariales et patronales ne suffisent pas à financer le système, cet « apport de l’État », ou « surcotisation », s’établit « autour de 40 milliards, plus que ce que les collectivités locales apportent », a-t-il dit. « Disons que dans ce rapport, cette question (de la contribution de l’État) est traitée et qu’il y a de quoi nourrir le débat et permettre toutes les interprétations. Nous avons retenu une interprétation particulière, mais je vous renvoie au dit rapport », a nuancé, à ses côtés, Pierre Moscovici.
Pas de déficit caché
Mi-janvier, le chef du gouvernement avait évoqué devant l’Assemblée un déficit de 55 milliards d’euros à horizon 2030. Dans son calcul, il n’intégrait pas aux recettes du système les contributions (impôts affectés, subventions) versées par l’État pour équilibrer le régime de la fonction publique. Dans son sillage, certains experts, minoritaires, avaient pointé ces dernières semaines un « déficit caché ». Le rapport de la Cour des Comptes « ne retient pas l’hypothèse d’un déficit caché », a assuré Pierre Moscovici un peu plus tard.
3. COMMUNIQUÉ DE LA COUR DES COMPTES – Situation financière et perspectives du système de retraites
COUR DES COMPTES 20.02.2025
À la suite de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier, le Premier ministre a confié à la Cour une « mission flash » portant sur la situation financière et les perspectives du système de retraites, à rendre le 20 février.
Selon la lettre de mission adressée à la Cour le 20 janvier, ce rapport a vocation à servir de base indiscutable à la délégation permanente des partenaires sociaux, qui aura dès lors pour mission de proposer des solutions pour améliorer le système de retraites, dans un objectif de justice et d’équilibre financier.
À compter de la remise du rapport, les partenaires sociaux auront trois mois pour trouver un accord en ce sens. Si ce rapport au caractère inédit s’adresse aux partenaires sociaux, il est également destiné à l’ensemble des citoyens, afin de leur offrir la vision la plus claire possible de ce sujet complexe, sur la base de constats et de chiffres objectivés.
En 2023, un système de retraites légèrement excédentaire mais des situations hétérogènes selon les régimes
Alors que l’équilibre financier du système de retraites s’était dégradé de 2002 à 2010, il s’est depuis progressivement rétabli malgré l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom. En 2023, le système de retraites a été excédentaire de 8,5 Md€, ce qui peut s’expliquer par deux facteurs principaux. D’abord, les nombreuses réformes intervenues depuis 2003 ont permis, entre 2010 et 2023, un recul de 2 ans et 2 mois de l’âge réel auquel les actifs partent en retraite.
Ensuite, l’accélération de l’inflation, qui s’est répercutée plus rapidement sur les recettes que sur les dépenses de pension, a amélioré provisoirement la situation financière de 4 Md€ en 2023 et dégrade d’autant celle de 2024.
Six groupes de régimes de retraites ont été identifiés par la Cour, avec des situations financières très différentes.
Le régime général et celui des salariés agricoles sont dans une situation financière précaire et constituent l’enjeu principal de l’équilibre financier du système. Bien que le déficit de ces deux régimes et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) soit faible en 2023 (0,2 Md€), il s’accroît dès 2024.
La caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers se trouve, quant à elle, d’ores et déjà dans une situation critique, avec un déficit de 2,5 Md€ en 2023. D’autres régimes bénéficient d’une situation plus favorable, comme ceux des professions libérales et des avocats ou les régimes complémentaires obligatoires. L’excédent total de ces derniers a atteint 9,9 Md€ en 2023.
Une nette dégradation de la situation financière en cours et à l’horizon 2045, malgré la réforme de 2023
La Cour a examiné la projection de l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2045, les incertitudes devenant trop importantes au-delà. Les perspectives sont préoccupantes malgré la réforme de 2023. Dès 2025, le déficit (tous régimes compris) devrait atteindre 6,6 Md€.
Il devrait se stabiliser autour de ce montant jusque vers 2030, grâce notamment à la montée en puissance de la réforme de 2023. Le déficit devrait ensuite se dégrader continûment et atteindre près de 15 Md€ (hors inflation) en 2035, puis autour de 30 Md€ en 2045.
L’hypothèse de progression de la productivité du travail retenue n’a pas une influence significative sur les projections : moins de 1 Md€ d’écart entre les deux scénarios en 2035 et autour de 7 Md€ en 2045.
La Cour a examiné les effets à venir des dernières réformes des retraites, notamment celle de 2023. Elles devraient permettre un recul notable de l’âge réel auquel les actifs partent à la retraite.
En conséquence, le nombre de retraités devrait se réduire, ce qui améliorerait l’équilibre du système. S’agissant de la réforme de 2023, les effets sur l’équilibre financier du seul système de retraites, tous régimes inclus, ont été estimés autour de 10 Md€ à horizon 2030, avant de se réduire. Les déficits futurs seraient augmentés d’autant en l’absence de la réforme.
La réforme de 2023 aurait également un effet positif sur les recettes des autres administrations publiques, d’une ampleur comparable à celui sur le système des retraites à l’horizon 2030, mais il se réduirait également avec le temps.
Enfin, la durée moyenne passée à la retraite, après une phase de diminution, redeviendrait équivalente à celle avant réforme, grâce aux gains d’espérance de vie.
Le montant des pensions et les conditions de vie des retraités seraient meilleurs (hors inflation) en 2045 qu’en 2023, malgré un écart croissant avec les revenus perçus par les actifs.
Les principaux leviers de réforme et leurs effets sur l’équilibre financier du système de retraites obligatoires
La solidarité intergénérationnelle d’un système par répartition exige d’en assurer l’équilibre financier sur le long terme. La Cour présente une revue des principaux leviers à la disposition des pouvoirs publics et analyse leurs effets sur l’équilibre financier du système de retraites.
À ce titre, elle a choisi d’examiner quatre leviers dont l’impact budgétaire sur le système est direct : âge d’ouverture des droits, durée d’assurance requise, taux de cotisation, indexation des pensions.
Des variations à la hausse ou à la baisse de ces différents leviers ont été réalisées et leurs effets estimés pour l’année 2035. L’avancée d’un an de l’âge d’ouverture des droits (63 ans au lieu de 64) représenterait une dépense supplémentaire pour le système des retraites de 5,8 Md€ en 2035.
Son recul d’un an (65 ans au lieu de 64) rapporterait jusqu’à 8,4 Md€. La diminution d’un an de la durée d’assurance requise (42 ans au lieu de 43 ans) coûterait 3,9 Md€ au système de retraite en 2035 alors que son augmentation (44 ans au lieu de 43 ans) rapporterait 5,2 Md€. Une augmentation d’un point du taux de cotisation apporterait des recettes supplémentaires comprises entre 4,8 et 7,6 Md€ selon les modalités retenues. Enfin, une sous indexation d’un point des pensions sur la base des dépenses de retraites prévues en 2025 représenterait une économie de 2,9 Md€ cette même année.
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