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CONTROVERSE OU REFUS DE VOIR LA RÉALITÉ ? L’ÉTAT EMPRUNTE CHAQUE ANNÉE POUR FINANCER LE DÉSÉQUILIBRE DES RETRAITES DU PUBLIC – DOSSIER – MÀJ

« Retraites des fonctionnaires financées par la dette : le Sénat brise le tabou »

TITRE LE POINT QUI POURSUIT ( Par Géraldine Woessner le 07/11/2024 )

« Un tiers du déficit, et la moitié de la dette : c’est ce que représente le déficit chronique des retraites des fonctionnaires, calcule le Sénat, qui va bientôt entamer l’examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Explosif.

« C’est une bombe à retardement que seulement une poignée d’initiés connaissent, et qu’ils ont tenue soigneusement enterrée pendant des années. Alors que le déficit devrait dépasser cette année 166 milliards d’euros , plombant davantage encore une dette pharaonique de 3 300 milliards d’euros , le gouvernement cherche désespérément des sources d’économies… Quand la plus évidente s’étale sous ses yeux, sans que personne n’en parle. « C’est incompréhensible, scandaleux », fulmine le sénateur (UD… » …

L’urgence de réformer le système de retraites ne sera pas perçue de la même façon si le déficit est affiché à 10 Mds € en 2030 ou plutôt 40 Mds €

EXTRAIT DE L’ARTICLE DE METAHODOS :

RETRAITE : CES « CONTORSIONS » DES COMPTES PUBLICS QUI CRÉENT DE L’OPACITÉ ET DE L’IRRESPONSABILITÉ https://metahodos.fr/2025/02/18/retraite-ces-contorsions-des-comptes-publics-qui-creent-de-lopacite-et-de-lirresponsabilite/

« Il semblerait que la Cour des comptes ait fait son choix en adoptant la présentation du Conseil d’orientation des retraites (COR) et à laquelle les partenaires sociaux sont vivement attachés. Ces subventions seront intégralement considérées comme des cotisations conduisant à minimiser le déficit réel. Il est évident que l’urgence de réformer le système de retraites ne sera pas perçue de la même façon si le déficit est affiché à 10 Mds € en 2030 ou plutôt 40 Mds €[1]. En validant cette présentation, la Cour va ainsi sérieusement faire pencher le débat public : si le système de retraite est affiché à l’équilibre en 2024, ou proche de l’équilibre, avec un déficit limité en 2030, comment s’opposer à une annulation du report de l’âge de 62 à 64 ans ? On mesure donc la responsabilité immense que la Cour des comptes va endosser dans ce débat qui risque de rouvrir la boîte de Pandore de l’âge légal de départ à la retraite.

« On n’est cependant pas trop surpris de cette position : reconnaître que les subventions d’équilibre sont en fait un financement du déficit des régimes spéciaux, au lieu d’un « équilibre conventionnel » présenté année après année, serait un aveu de cécité de la Cour qui a fait l’impasse sur cette présentation dans tous ses rapports publics ces vingt dernières années. 

« Dans son rapport de 2016, sur le régime de la fonction publique, la Cour expliquait que « les deux régimes de la fonction publique se différencient surtout de leurs homologues du secteur privé par la part très prépondérante des cotisations sociales dans leur financement ». Comment ne pas remettre en cause la nature même de cotisations quand celles-ci s’élèvent à 85% du traitement brut pour les fonctionnaires civils d’État (cotisations employeur et employé), 42 % pour les fonctionnaires locaux et hospitaliers et même 137% pour les militaires ? Reconnaître la nature de subventions de ces cotisations, lorsqu’elles excèdent le niveau des cotisations du secteur privé, serait en particulier reconnaître la question du poids des retraites des fonctionnaires dans le déficit public.

« Cette présentation convient d’ailleurs aux partenaires sociaux, en particulier les représentants des syndicats de salariés, qui y voient l’occasion de nuancer le déficit de la branche retraite. Il est d’ailleurs notable que tous les représentants invités au conclave lancé par François Bayrou aient demandé que la question des retraites des fonctionnaires soit exclue du débat. »

Retraites des fonctionnaires : pas de «déficit caché» mais un tour de passe-passe budgétaire

TITRE LE FIGARO (Par  Jean Cittone. 25 février). QUI POURSUIT : « La Cour des comptes a conclu que le système des retraites n’était pas déficitaire en 2023. Pourtant, celui-ci contribue à l’aggravation de la dette publique. »

Retraites : les montants stratosphériques des pensions des fonctionnaires

En vingt ans, le budget consacré aux pensions de la fonction publique a augmenté de 20 milliards d’euros.

Barthélémy Philippe24/02/2025 JDD

«  François Bayrou, qui jugeait que le calcul du déficit devait intégrer les subventions d’équilibre de l’État pour les retraites de ses fonctionnaires, est désavoué. Pour autant, l’État consacre bien des montants stratosphériques aux pensions de ses agents… En vingt ans, le budget consacré aux 2 millions de pensionnés civils et militaires de la fonction publique d’État a augmenté de 20 milliards d’euros. Un dérapage vertigineux auquel on pourrait ajouter le déficit chronique de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL). … »

VOIR NOTRE DOSSIER EN FIN D’ARTICLES

NOS 4 ARTICLES CI CONTRE

1. ARTICLE – Provisionner les retraites des fonctionnaires pour restaurer les finances publiques

2. ARTICLE – L’État finance la retraite des fonctionnaires en endettant tous les Français

3. ARTICLE – Provisionner les retraites des fonctionnaires pour économiser 60 milliards d’euros par an

4. ARTICLE – Le déficit des retraites est de 53 milliards d’euros en 2023

1. ARTICLE – Provisionner les retraites des fonctionnaires pour restaurer les finances publiques

Photo de Institut économique Molinari

 Institut économique Molinari 16 janvier 2025

Redimensionner le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer les retraites des fonctionnaires permettrait à l’Etat d’économiser 60 milliards d’euros par an. Construite à partir de données officielles et des expériences de provisionnement des retraites des personnels publics en France (Banque de France, Sénat) ou à l’étranger (Québec), cette étude inédite quantifie les gains pour les contribuables et les fonctionnaires associés à un provisionnement d’ici à 2070.

* * *

REMEDIER AU DESEQUILIBRE STRUCTUREL LIE AUX ERREURS PASSEES

L’Etat central est l’administration publique la plus déficitaire en France (5,6 % du PIB en 2023). Depuis 1981, il n’a jamais été à l’équilibre ; ses déficits explosent en période de crise (6,2 % du PIB en 2009 et 6,7 % en 2020) et ne se résorbent jamais significativement en période d’embellie.

Une des raisons de l’incapacité à rétablir les finances publiques de l’Etat est l’envol des dépenses contraintes liées aux erreurs du passé. Les dépenses de retraite de l’Etat représentaient 62,3 milliards d’euros en 2023 selon le Compte général de l’Etat, soit 40 % du déficit public (154 milliards). Quand on ajoute ces dépenses à la charge d’intérêt associée à la dette publique (41,2 milliards en 2023), le coût du passé explique 67 % du déficit public en 2023.

Pour des raisons historiques, les retraites versées par l’Etat employeur ne sont pas provisionnées et sont à la charge du budget (Zoom 2 page 10). L’Etat gère en dehors de la répartition les retraites de ses fonctionnaires et ouvriers. Ces retraites représentent des masses significatives, l’Etat étant le troisième pourvoyeur de retraites de France (Figure 2 page 7). Ces retraites sont à prestations définies(1) – sans mécanisme permettant de prévenir l’envol des dépenses et sans réserve financière – et leur financement repose sur budget, c’est-à-dire au final sur le contribuable.

Avec la dégradation du ratio retraité par cotisant liée à l’arrivée à maturité de la taille de l’Etat, les retraites des fonctionnaires civils de l’Etat devraient représenter 89 % de leurs traitements indiciaires en 2025(2). Elles sont trois fois plus coûteuses que celles du secteur privé, financées avec 28 % de cotisations sur les salaires bruts, ce qui dégrade le rapport qualité prix des services publics. Ce phénomène, masqué dans les travaux du Conseil d’orientation des retraites(3), creuse le besoin de financement de l’Etat.

Nos calculs montrent que sur la période 1977-2023, les retraites expliquent 71 % de l’envol des dépenses de personnel de l’Etat (+59 milliards € de 2023). Les pensions ont progressé de 42 milliards d’euros (2,5 % an de plus que l’inflation), soit bien plus vite que la rémunération des employés de l’Etat (+17 milliards ou 0,4 % par an de plus que l’inflation cf. Figure 3).

Depuis plusieurs décennies, la stratégie publique a été de rapprocher le régime de retraite des fonctionnaires d’Etat de celui du secteur privé dans l’espoir de le fusionner avec celui des salariés du privé. Cette stratégie a échoué en 2020, la mise en place du régime universel de retraite étant ajournée sine die. Par conséquent, les comptes de l’Etat resteront structurellement déséquilibrés si rien n’est entrepris. En effet, les mesures traditionnelles visant à reculer l’âge de la retraite ou réduire les différences public/privé(4) ont un effet limité, l’essentiel des besoins de financement découlant du ratio retraité par cotisant dans la Fonction publique d’Etat.

Cette contrainte peut être transformée en opportunité. Provisionner les retraites des fonctionnaires – c’est-à-dire placer des capitaux pour financer leurs retraites – permettrait d’alléger significativement la facture pour les finances publiques. Au lieu d’être intégralement financées par des prélèvements obligatoires voire de la dette publique, les retraites des fonctionnaires seraient financées par des prélèvement obligatoires et par le rendement de l’épargne (dividendes et plusvalues).

A titre d’illustration, si l’Etat avait en partie provisionné ses retraites comme le Sénat(5), il aurait réduit son déficit de 30 % en moyenne depuis 2008 et économisé 35 milliards d’euros en 2023. Si l’Etat avait été encore plus prévoyant, et provisionné l’intégralité des retraites de ses personnels comme la Banque de France, il aurait économisé près de 60 milliards d’euros en 2023. La Banque de France a placé 14 milliards d’euros permettant de provisionner intégralement les retraites de ses personnels, mais aussi de restituer au gouvernement français 2,6 milliards d’euros correspondant aux excédents de provisionnement depuis 2020.

Selon le dernier compte général de l’Etat(6), les promesses de retraite faites par l’Etat à ses personnels représentent une dette hors bilan de 1 840 milliards d’euros. Cela représente 63 % du PIB, soit un niveau très significatif par rapport à la dette de l’Etat (92 % du PIB fin 2023) ou des administrations locales et de sécurité sociale (18 % du PIB).

Si l’Etat souhaitait provisionner les retraites de ses personnels au même niveau que le Sénat, il faudrait qu’il place près de 1 000 milliards d’euros dans un fonds souverain. S’il voulait les provisionner au même niveau que la Banque de France (100 %), il devrait placer 1 840 milliards.

Lire l’étude en français (version PDF)

Notes

  1. Dans un régime à prestations définies (Defined benefits ou DB en anglais), les prestations sont liées par une formule aux salaires et à la durée de période d’emploi, ou à d’autres facteurs. Le promoteur du régime prend un engagement sur le niveau de la prestation (cf. la fonction publique ou le régime général CNAV). Lorsque le promoteur est une entreprise pour le compte de ses salariés, cela engendre un engagement différé mentionné au bilan. Pour les Etats européens, cet engagement différé figure seulement en hors bilan. Par opposition, dans un régime à cotisations définies (Defined contributions ou DC en anglais) les cotisations sont fixes et le promoteur ne s’engage pas sur le niveau des prestations (cas des régimes en points).
  2. En 2024 le taux de cotisation retraite pour les fonctionnaires civils était de 85,38 % se décomposant en une retenue salariale est de 11,10 % et une contribution à la charge de l’État de 74,28 %. Il était prévu d’augmenter de 4 points la contribution à la charge de l’Etat pour équilibrer le CAS Pensions en 2025, mesure n’ayant pas été adoptée à ce stade.
  3. Nicolas Marques, « Retraites, mécomptes et déficits publics », Paris, Institut économique Molinari, juin 2024, p. 52, consulté le 28 juin 2023.
  4. Sur les différences de retraite public privé, voir Patrick Aubert et Corentin Plouhinec, « Les différences de retraite entre secteur public et secteur privé : une analyse par simulations sur carrières types », Economie et Statistique / Economics and Statistics, no 491-492, mars 2017, p. 25-42; Martin Chopard, Romain Guirriec, Serge Herbillon-Leprince, Anthony Marino et Clément Rousset, « Retraite : règles de la fonction publique et du privé – Comparaison du calcul des droits à la retraite à l’aide du modèle Trajectoire », Paris, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, DREES, novembre 2022, p. 60, consulté le 18 novembre 2022.
  5. Nicolas Marques, « Provisionner pour économiser sans rogner les retraites, l’exemple du Sénat », Paris, Institut économique Molinari, juin 2023, p. 33.
  6. République française, « Compte général de l’Etat 2023 », Paris, avril 2024, p. 216.

2. ARTICLE – L’État finance la retraite des fonctionnaires en endettant tous les Français

Écrit par Fabrice Durtal TOUSCONTRIBUABLES

Selon des informations rapportées par Le Point, le Sénat a calculé que le déficit chronique des retraites des fonctionnaires représente un tiers du déficit de l’Etat, et 50% de la dette française. Des informations qui avalisent celles déjà publiées par Contribuables Associés.

Afin de dégager 3 à 4 milliards d’euros d’économie en 2025, le gouvernement prévoit de demander un effort aux retraités.

Un effort oui, mais avec des bémols, puisqu’il continue à renflouer les retraites de la fonction publique, plus avantageuses que celles du privé, grâce à des artifices comptables plombant l’ensemble des actifs.

Retraites des fonctionnaires : plus 50 milliards d’euros de déficit en 2023

Résultat, le système de retraite enregistre chaque année plus de 50 milliards d’euros de déficit !

« Si l’État cotisait comme tout employeur au taux maximum de 28 %, il ne pourrait pas payer les retraites de ses fonctionnaires », explique le sénateur (UDI) Vincent Delahaye, rapporteur pour avis du budget de la sécurité sociale au Sénat, ce qui le contraint à « surcotiser ».

En clair, l’exécutif verse des « contributions d’équilibre » afin de boucher le trou financier qu’occasionne le déséquilibre entre actifs et retraités de la fonction publique.

Si on additionne ces « contributions », souligne Vincent Delahaye dans les colonnes du Point, elles représentent des centaines de milliards d’euros.

Autant de versements que l’État finance en s’endettant auprès des marchés financiers.

Pour la seule année 2023, le déficit réel des retraites du secteur public atteignait 56,5 milliards, soit un tiers du déficit de l’Etat.

Alors qu’il demande des efforts supplémentaires aux retraités du privé, le COR (Conseil d’orientation des retraites où siègent de nombreux syndicalistes) occulte le fait que les retraites des fonctionnaires sont largement financées par l’emprunt afin de ne pas les exposer.

Un retraité du public coûte 12 fois plus cher qu’un retraité du privé !

Dans le détail, analyse le Sénat, la dotation de complément de l’État et des subventions allouées (bonifications pour enfants, pensions de réversion, etc.), occasionnent un coût total de 72,5 milliards par an, dont 56,5 milliards pour les retraites publiques (4 millions de pensionnés) et de 16 milliards pour les retraites du privé (13 millions de pensionnés).

« En 2023, un retraité du secteur public aura donc coûté en moyenne 14 125 euros aux finances publiques, contre 1 230 euros pour un retraité du privé. Un rapport de 1 à 12 ! C’est profondément injuste, car nous payons tous les mêmes impôts ! » s’indigne Vincent Delahaye.

Cette analyse confirme celle de Jean-Pascal Beaufret, ancien directeur des impôts, qui dans une note sur les retraites publiée en février 2024 par Contribuables Associés démasquait déjà cette imposture comptable.

3. ARTICLE – Provisionner les retraites des fonctionnaires pour économiser 60 milliards d’euros par an

Cécile Philippe et Nicolas Marques : « Nous aurions économisé 35 milliards d’euros d’impôts ou de dettes en 2023 si l’Etat avait provisionné ses retraites comme le Sénat »

Publié le 19 janvier 2025 L’OPINION

Cécile Philippe et Nicolas Marques sont respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, un think tank libéral.

François Bayrou vient de briser un tabou, mais cherchera-t-il à aller plus loin et à traiter le problème à la racine ? On ne le répètera jamais assez, le vieillissement est la principale cause de la dégradation des finances publiques. Depuis la fin du baby-boom, la France enregistre un demi-siècle de déficits, contreperformance inédite depuis la Révolution. Et la situation empire, le retour au seuil maastrichtien de 3 % est sans cesse reporté, alors que l’idée d’équilibrer les comptes n’est quasiment plus défendue.

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Les retraites, qui représentent 24 % des dépenses publiques et expliquent 45 % de leur progression depuis 1977, jouent un rôle majeur dans cette spirale. Pour faire face à la hausse des pensions, les cotisations sociales ont augmenté, ce qui a nui à la compétitivité et au pouvoir d’achat, conduisant alors à la mise en place de dispositifs de baisses de charges que certains rêvent de raboter.

Dans le secteur public, le phénomène prend des formes différentes, mais il est aussi problématique. L’Etat gère ses retraites en dehors de la répartition du privé et sans respecter les règles de provisionnement imposées aux employeurs classiques. Ses dépenses de retraite ont triplé en euros constants depuis 1977. Elles représentent 62 milliards d’euros en 2023, ce qui représente une hausse du déficit structurel de 42 milliards d’euros par an.

Et c’est sans tenir compte des subventions versées aux autres régimes spéciaux (8 milliards d’euros). Cette dépense contrainte contribue à l’aggravation des déficits mais aussi à la dégradation du service public rendu aux contribuables. Les retraites consomment notamment 30 % du budget de l’Education nationale, plus que l’enseignement primaire ou le secondaire, ce qui explique la perte d’attractivité des métiers d’enseignants.

Au Québec, les pensions – au lieu d’être financées par le budget qui était lourdement déficitaire dans les années 1990 – sont désormais financées par un fonds souverain. La recette québécoise a été radicale

Sommes-nous condamnés aux remèdes amers, qu’il s’agisse d’augmenter les prélèvements obligatoires, de travailler bien plus longtemps que ce qui est prévu, ou aux déficits perpétuels ? Pas nécessairement, comme l’illustrent des exemples étrangers mais aussi français. En matière de retraite, il est possible de faire des économies substantielles sans réduire les prestations.

Provisionner même par endettement, cela rapporte gros

Québec a, par exemple, provisionné l’intégralité des retraites des employés publics sur une trentaine d’années. Les pensions – au lieu d’être financées par le budget qui était lourdement déficitaire dans les années 1990 – sont désormais financées par un fonds souverain. La recette québécoise a été radicale. Le gouvernement a emprunté sur les marchés financiers et placé les sommes levées à la Caisse des dépôts locale. Le rendement financier (7,4 % par an sur trente ans) a été bien supérieur au coût de la dette publique (4,5 % par an), ce qui a permis de constituer un fonds souverain représentant 20 % du PIB.

A LIRE AUSSI:Déficits, retraites, dette publique… : « Le coût financier des non-décisions peut vite grimper »

En France, quelques institutions publiques ont eu la sagesse de provisionner les retraites de leurs employés. Elles ont placé des capitaux pour autofinancer tout ou partie des pensions qu’elles versent, sans faire appel aux prélèvements obligatoires. Les contribuables bénéficient en retour de services publics présentant un meilleur rapport qualité/prix. Leurs impôts servent à rémunérer les personnels en activité, les retraites étant financées par le rendement de l’épargne.

Cette combinaison fonctionne au Sénat (1,7 milliard placé pour les retraites, ce qui couvre l’essentiel des besoins) comme à la Banque de France (14 milliards placés, ce qui couvre la totalité des retraites). Nous aurions économisé 35 milliards d’euros d’impôts ou de dettes en 2023 si l’Etat avait provisionné ses retraites comme le Sénat. Et c’est 60 milliards qui auraient été autofinancés si l’Etat avait provisionné intégralement les retraites de ses personnels comme la Banque de France.

Lorsque les salariés de la Banque de France sont descendus dans la rue en 2020 pour s’opposer à la mise en place du régime universel de retraites, c’était pour défendre leur capitalisation collective contre les volontés prédatrices de l’Etat

Banque de France. Ajoutons que la Banque de France, qui a trop d’argent au vu des retraites qu’elle verse, a restitué 2,6 milliards d’euros à l’Etat depuis 2020. Pour la banque centrale, les retraites ne sont pas un problème. Lorsque ses salariés sont descendus dans la rue en 2020 pour s’opposer à la mise en place du régime universel de retraites, c’était pour défendre leur capitalisation collective contre les volontés prédatrices de l’Etat. Une situation cocasse quand le déficit des retraites de l’Etat représente une cinquantaine de milliards par an.

Certains diront qu’il est trop tard pour provisionner. Il est vrai que le Sénat et la Banque de France ont commencé à mettre de l’argent de côté dès le XIXe siècle pour financer les retraites de leurs employés, mais l’exemple québécois illustre qu’il est possible de rattraper le retard. Il montre aussi qu’investir dans le provisionnement des retraites des personnels publics est un incontournable pour dégager des économies durables et redresser les finances publiques.

A LIRE AUSSI:Retraites: le fonds de réserve, solution pour redresser les comptes?

Attendre un éventuel rétablissement des finances publiques pour faire la même chose en France serait une erreur, car l’absence de provisionnement des retraites explique une part significative de nos déficits. Si l’on ne traite pas ce problème à la racine, la probabilité qu’il disparaisse par enchantement est nulle.

Redimensionner le Fonds de réserve pour financer 60 milliards de retraites par an

Par chance, nous disposons déjà d’un Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mis en place par Lionel Jospin au début 2000. Malheureusement, l’Etat a décidé de ne plus l’alimenter depuis 2010 et de consommer ses intérêts de façon prématurée. Le FRR français rapporte en moyenne 2,8 % par an depuis 2011 quand on tient compte des revenus et plus-values générés par l’épargne (3,9 % par an) et retranche le coût de la dette sociale française (1,1 % par an).

S’il avait été alimenté comme prévu, le FRR aurait atteint les 150 milliards d’euros en 2020. Surtout, sa performance aurait été meilleure et aurait généré 76 milliards d’euros de gains selon la dernière étude de l’Institut économique Molinari, au lieu des 13 milliards de richesse créés depuis 2011. Les réserves permettraient d’éviter que les déficits des retraites par répartition ne génèrent de l’endettement supplémentaire. Nous ne serions pas exténués par des mois de débats autour de réformes paramétriques des retraites qui ne permettent pas de redresser significativement les comptes.

Une vraie façon de réduire les dépenses de retraite de l’Etat et de protéger le FRR serait d’en faire un fonds souverain dédié au financement des retraites des fonctionnaires

Une vraie façon de réduire les dépenses de retraite de l’Etat et de protéger le FRR serait d’en faire un fonds souverain dédié au financement des retraites des fonctionnaires. Si le FRR se voyait confier le provisionnement des retraites de la fonction publique d’Etat, une montée en puissance sur une quarantaine d’années avec 1 % du PIB investi par an permettrait de créer un fonds représentant 88 % du PIB, puis de le maintenir à taille constante.

Cela enrichirait l’Etat à hauteur de 48 % du PIB quand on retire les 40 % d’endettement et de charge d’intérêt générés par l’opération. D’ici 2070, les intérêts dégagés permettraient de financer l’intégralité des retraites versées par l’Etat à ses personnels et les intérêts liés à la montée en puissance du fonds.

Bien sûr il faudrait emprunter, mais emprunter pour financer un investissement n’a rien à voir avec s’endetter pour payer des dépenses de consommation. Lorsqu’un individu emprunte pour acheter sa résidence principale, il crée un patrimoine et se met en position de diminuer ses dépenses futures. Si le même individu reste locataire, voire s’endette chaque année pour payer son loyer, il s’appauvrit. Pour économiser sur ses dépenses courantes et s’enrichir, il faut accepter d’investir. Le même raisonnement vaut pour l’Etat et les retraites. Il faut organiser l’emprunt qui rapporte pour ne plus subir la dette qui coûte.

Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne et l’Espagne ont des projets de fonds de réserve des retraites financés par l’endettement

Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne et l’Espagne ont des projets de fonds de réserve des retraites financés par l’endettement. Sur ce point clef pour le redressement des finances publiques, nous pourrions – une fois n’est pas coutume – ne pas être isolés. En Belgique, en Allemagne, en Espagne, les promesses de retraite des employés des administrations représentent comme en France près de 50 % du PIB. Au Luxembourg, en Autriche ou au Portugal elles dépassent même les 60 %. Provisionner les retraites des fonctionnaires, c’est à la fois assumer les promesses de l’Etat, restaurer le rapport qualité/prix des services publics, rééquilibrer les comptes publics et in fine soulager la facture pour les contribuables.

4. ARTICLE – Le déficit des retraites est de 53 milliards d’euros en 2023

Institut Economique Molinari CONTREPOINTS 13 06 24

L’Institut économique Molinari publie une étude chiffrant les déficits des retraites françaises en tenant compte des déséquilibres des retraites du secteur public occultés par le Conseil d’orientation des retraites (COR) depuis 2002 (943 milliards de déficits représentant en moyenne 2 % du PIB par an). Construite à partir de données officielles, cette étude quantifie les déséquilibres des retraites des fonctionnaires, qui sont un facteur explicatif du caractère systématique des déficits publics depuis le contre choc du baby-boom.

Nicolas Marques, Directeur général de l’Institut économique Molinari, affirme :

« Mesurer les déficits des retraites en refusant de prendre en compte les déficits liés aux retraites des employés du secteur public n’a aucun sens. Nous ne sommes pas dans un pays qui équilibre ses comptes publics et c’est justement parce que l’Etat a été imprévoyant en matière de retraite que ses comptes sont déséquilibrés depuis la fin du baby-boom ».

 

Les particularités du mode de calcul du COR 

Depuis 2002, le COR calcule le déficit des retraites de l’année précédente en omettant les subventions dont bénéficient les régimes de retraite des fonctionnaires et les régimes spéciaux subventionnés par l’État.

Le COR considère que « parmi les régimes de fonctionnaires, seule la CNRACL peut présenter un déficit ou un excédent », ce régime des collectivités locales n’étant pas subventionné par l’État.

Le COR ne tient pas compte dans son calcul de déficit :

  • des subventions dont bénéficient les régimes spéciaux du secteur public (SNCF, ouvriers d’État, RATP…) et dont les montants figurent pourtant dans de multiples sources officielles (Compte général de l’État…) ;
  • du caractère dérogatoire des taux de cotisation retraite en vigueur dans le secteur public. Pourtant, les cotisations retraite y sont beaucoup plus élevées que dans le privé (28 % du salaire brut), elles représentent 42 % dans la fonction publique territoriale, 85 % des traitements indiciaires bruts des fonctionnaires civils de l’État et 137 % pour les militaires.

 

Le déficit oublié par le COR et quantifié par l’Institut économique Molinari correspond à la subvention d’équilibre que les administrations auraient dû verser au Système universel de retraite (SUR), si la réforme de 2020 avait été menée à son terme. Les calculs ont été faits à partir de données officielles, dont le Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, le Compte général de l’État, et les comptes nationaux établis par l’INSEE.

 

Le COR a occulté 56 milliards d’euros en 2023 de déficit des retraites et 943 milliards depuis 2002

Dans son nouveau rapport de juin 2024, le COR occulte 56 milliards d’euros (ou 2 % du PIB) de déficits au titre de 2023.

Lorsqu’on corrige cette omission, les retraites étaient déficitaires de 53 milliards d’euros en 2023 (ou 1,9 % du PIB). Elles ne sont pas en excédent de 3,8 milliards, comme le COR le calcule dans son rapport à paraître ce jeudi.

Le COR n’a jamais pris en compte les déséquilibres des régimes de retraite publics subventionnés par l’État, alors qu’ils expliquent une part très significative du déficit public depuis un demi-siècle. Il considère qu’au sein du secteur public, seule la caisse des agents des collectivités locales (CNRACL) peut donner lieu à des déficits. Ce n’est pas fidèle à la réalité, puisque les régimes spéciaux publics bénéficient de subventions d’équilibres massives, ce qui creuse les déficits des administrations publiques depuis la fin du baby-boom.

De 2002 à 2023, le COR a occulté :

  • 943 milliards d’euros courants, soit 94 % du déficit des retraites sur la période ;
  • en moyenne 2 % du PIB chaque année de déficit des retraites.

 

Lorsqu’on corrige cette anomalie méthodologique, le déficit des retraites est 16 fois plus élevé que ce qu’a calculé le COR depuis 2002. Au lieu d’être de 0,13 % du PIB par an, il est de 2,1 % par an en moyenne et représente :

  • 47 % du déficit des administrations publiques (4,5 % du PIB par an depuis 2002) ;
  • 17 % des dépenses de retraite (12,6 % du PIB par an en moyenne depuis 2002).

 

 

Le COR a occulté 40 milliards d’euros de subventions aux retraites des fonctionnaires d’État en 2023 et 674 milliards depuis 2002

Pour 2023, le COR a omis de compter dans le déficit des retraites 40 milliards de subvention aux retraites des fonctionnaires d’État (ou 1,4 % du PIB ). Cette omission représente :

  • 57 % des traitements indiciaires des fonctionnaires civils de l’État pour lesquels les cotisations retraite représentent 85 % des traitements bruts, alors que les retraites des salariés sont financées avec des prélèvements représentant 28 % de leurs rémunérations ;
  • 109 % des traitements des militaires pour lesquels les cotisations retraite représentent 137 % des traitements bruts, contre 28 % pour les salariés.

 

Depuis 2002, le COR a occulté 674 milliards ou en moyenne 1,4 % du PIB par an de subventions aux retraites des fonctionnaires d’Etat.

Les retraites des anciens fonctionnaires d’État ont coûté trois fois plus cher que celles des salariés depuis 2002. Les cotisations retraite représentaient en moyenne 78 % des traitements bruts des fonctionnaires d’État contre 27 % des salaires dans le privé depuis 2002. Les deux tiers des retraites des fonctionnaires d’État ont été financées par une subvention que le COR n’a pas pris en compte dans son calcul du déficit des retraites.

 

 

Le COR a occulté 8 milliards d’euros de subventions aux régimes spéciaux (SNCF, ouvriers d’État, RATP…) en 2023 et 154 milliards depuis 2002

Pour 2023, le COR a omis de compter dans le déficit des retraites 8 milliards de subventions aux régimes spéciaux du public (ou 0,3 % du PIB). Il a notamment oublié de prendre en compte 3,2 milliards d’euros de subvention aux retraites de la SNCF, 1,8 milliard d’aides aux régimes des ouvriers d’État, et 800 millions de subvention aux retraites de la RATP.

Depuis 2002, le COR a occulté 154 milliards de subventions de l’État aux régimes spéciaux du public ou en moyenne 0,3 % du PIB chaque année. Il a, en particulier, oublié de prendre en compte 67 milliards d’euros de subventions aux retraites de la SNCF, 32 milliards d’aides aux régimes des ouvriers d’État, et 13 milliards de subventions aux retraites de la RATP.

 

Le COR a occulté 8 milliards d’euros de subventions aux retraites des fonctionnaires locaux en 2023 et 115 milliards depuis 2002 depuis 2002

Pour 2023, le COR a omis de compter dans le déficit des retraites 8 milliards de subventions aux retraites des fonctionnaires locaux (ou 0,3 % du PIB) . Cette omission représente 14 % des traitements des fonctionnaires locaux pour lesquels les cotisations retraite représentent 42 % des traitements, contre 28 % pour les salariés du secteur privé.

Depuis 2002, le COR a occulté 115 milliards ou en moyenne 0,2 % du PIB par an de subventions dont bénéficient les retraites des fonctionnaires locaux.

Les cotisations des fonctionnaires et hôpitaux ont représenté en moyenne 38 % des traitements bruts, contre 27 % des salaires bruts dans le privé depuis 2002. Un tiers des retraites des fonctionnaires locaux et hospitaliers a été financé par une subvention que le COR n’a pas pris en compte dans son calcul du déficit des retraites.

 

ÉTUDE

Lien vers l’étude (51 pages) : https://www.institutmolinari.org/wp-content/uploads/2024/06/etude-retraites-mecomptes-et-deficits-publics2024.pdf

Lien vers le graphique Datawrapper 1 : https://www.datawrapper.de/_/bUGav/
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DOSSIER : NOS RÉCENTES PUBLICATIONS :

ARRANGEMENTS COMPTABLES : L’EXÉCUTIF – AVEC LA COMPLICITÉ DE LA COUR DES COMPTES – RENONCE À TRAITER DU DÉFICIT DES RETRAITES PUBLIQUES ( 70 % DU DÉFICIT GLOBAL DES RETRAITES ). https://metahodos.fr/2025/02/23/hypocrisie-et-artifices-comptables-letat-comble-bien-le-deficit-des-retraites-publiques/

IRRESPONSABILITÉ ET DOGMATISME : LA COUR DES COMPTES NE RETIENT QUE LE DÉFICIT DES RETRAITES PRIVÉES ( 6 Mds ) ET PAS CELUI DU PUBLIC PAYÉ PAR L’EMPRUNT ( 42 Mds ). https://metahodos.fr/2025/02/21/87680/

RETRAITE DES FONCTIONNAIRES : SON DÉSÉQUILIBRE ACCROÎT LE DÉFICIT DE L’ÉTAT ET LA DETTE – DOSSIER. https://metahodos.fr/2025/02/20/retraite-des-fonctionnaires/

RETRAITE : DES REALITÉS SUI S’IMPOSENT, ET POURTANT …

RETRAITE : CES « CONTORSIONS » DES COMPTES PUBLICS QUI CRÉENT DE L’OPACITÉ ET DE L’IRRESPONSABILITÉ

RETRAITES : LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES CONTREDIRAIT L’EXÉCUTIF

RETRAITE : UN DIALOGUE MINÉ ?

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