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LES FRANÇAIS, INQUIETS POUR L’AVENIR, ÉPARGNENT – QUEL EST LEUR ÉTAT D’ESPRIT ?

ARTICLE – Épargne et retraite : ce que le 23e baromètre Ipsos nous révèle sur les comportements des Français

Publié: 23 février 2025, THE CONVERSATION Philippe Dupuy, Grenoble École de Management (GEM), Brice Teinturier

La grisaille hivernale, économique et géopolitique ne laisse pas les Français de marbre. Ils s’inquiètent du financement du système de retraite. En réponse, par précaution, ils épargnent de plus en plus. Cette épargne se porte sur les livrets et les assurances-vie. L’investissement socialement responsable (ISR) manque de notoriété, alors que les cryptoactifs gagnent en popularité.


Ce baromètre est commandé par le Cercle des épargnants. Le millésime 2025 a été réalisé au mois de janvier par Ipsos.

Les Français souhaitent épargner dans l’avenir une part plus importante de leurs revenus, pour près de 40 % d’entre eux. Ce chiffre en forte hausse par rapport à l’an dernier (+8 points) atteint un niveau record. Ils étaient 23 % en 2017 à nous dire vouloir épargner plus et 32 % juste avant la pandémie de Covid-19. Dans le même temps, le taux d’épargne est passé d’un peu moins de 16 % à environ 18 % actuellement. Cette hausse de la volonté d’épargner est sans aucun doute un signal défavorable pour la consommation et la croissance à venir.

La part de Français prévoyant d’épargner davantage augmente fortement, atteignant un record. Ipsos, Fourni par l’auteur

Malgré le ralentissement de l’inflation, la moitié des Français estime toujours que son pouvoir d’achat a baissé en 2024 : 54 %, -4 points par rapport à l’an passé. La tendance à vouloir épargner davantage semble donc traduire un réflexe de précaution, plus qu’une réelle amélioration de la situation financière des Français. Cette épargne de précaution semble se nourrir d’un sentiment d’anxiété lié à la politique nationale, internationale et à la conjoncture. Les Français ont de plus en plus le sentiment de vivre dans un monde de polycrises, caractérisé à la fois par leur simultanéité et la complexité des solutions à mettre en œuvre pour les résoudre.

Inquiétude généralisée

Sur le plan international, leurs angoisses sont alimentées par la peur de plus en plus prégnante de la mondialisation : 64 % des Français la considèrent comme une menace, en plus du réchauffement climatique et de la situation internationale – « guerre économique déclenchée par la nouvelle administration Trump, guerre en Ukraine, « importation du conflit israélo-palestinien en France », etc. Ces inquiétudes sont telles que, selon nos résultats, actuellement 65 % des Français envisagent même la possibilité d’une guerre mondiale dans les mois à venir.

Les raisons de détenir un produit d’épargne. Ipsos, Fourni par l’auteur

Sur le plan national, la baisse de la démographie, la révélation de l’ampleur de la dette et les craintes d’un choc fiscal de long terme alimentent une anxiété économique. Elle s’articule avec le sentiment pour de nombreux Français de vivre dans une société violente (89 %) et où la violence est en augmentation (92 %). Ces éléments accroissent un fort sentiment de vulnérabilité, dans un monde qui apparaît aux Français comme étant de plus en plus incertain. Un monde sur lequel ils n’auraient pas prise, générant une demande de protection particulièrement importante. L’épargne de précaution semble être dans ce contexte d’inquiétudes généralisé un moyen pour eux de constituer une protection supplémentaire.

Inquiétudes sur le système des retraites

Les Français questionnent aussi le financement du système de retraite. Après avoir baissé ces dernières années, notamment suite à la réforme de 2023, l’inquiétude pour l’avenir du régime général des retraites repart à la hausse. À nouveau, plus de trois Français sur quatre s’en disent inquiets : 77 %, + 11 points en un an, après une baisse de 12 points entre 2021 et 2024.

Après plusieurs années de baisses, l’inquiétude pour l’avenir du système de retraite repart à la hausse. Ipsos, Fourni par l’auteur

En réponse, les Français sont prêts à cotiser plus tout au long de la vie pour le régime général, mais aussi dans le cadre d’une retraite par capitalisation qui séduit de plus en plus. Pour assurer la viabilité du système, une majorité de Français estime désormais en effet qu’il faudrait développer les fonds de pension : 55 %, +9 points par rapport à 2017. Près d’un futur retraité sur deux se dit prêt à en souscrire un : 49 %, +12 points par rapport à 2017.

Pour assurer la viabilité du système de retraites, les deux options qui suscitent le plus d’adhésion restent le développement des fonds de pension et l’augmentation des cotisations. Ipsos, Fourni par l’auteur

À qui profite l’épargne ?

Si le besoin de protection se traduit par une volonté d’épargner plus, il se traduit aussi par la recherche de produits financiers de plus en plus sûrs. Actuellement, 49 % des Français déclarent préférer les produits sûrs et peu rémunérateurs aux produits risqués plus rémunérateurs (+4 points en un an), 18 % ne préfèrent ni l’un ni l’autre (stable), 33 % préfèrent les produits risqués (-4 points). Dans ce contexte, les placements sur livrets et les supports peu risqués des assurances-vie sont les grands gagnants de la hausse de l’épargne des Français.

La tendance à préférer des produits plus risqués s’inverse aussi cette année, les Français semblant globalement vouloir se montrer plus prudents. Ipsos, Fourni par l’auteur

Méconnaissance de l’investissement socialement responsable

En revanche, selon nos résultats, les placements socialement responsables semblent manquer de notoriété. Ainsi, si le label « investissement socialement responsable » (ISR) est connu de 35 % des Français, le concept de finance durable semble rester abstrait, voire peu crédible, pour une majorité d’entre eux. 

Dans le cadre de notre sondage, nous avons proposé aux Français deux fonds de rendements attendus comparables l’un ISR ou socialement responsable, l’autre classique. Face à ce choix, seuls 23 % d’entre eux (30 % chez les moins de 35 ans) se portent sur le fonds vert, 25 % penchent pour le fonds classique et 52 % déclarent rester indécis tant les deux fonds leur semblent pour finir similaires.

Seul un peu plus d’un tiers des Français connaît l’existence du label « investissement socialement responsable » (ISR). Ipsos, Fourni par l’auteur

Les répondants sont 74 % à voir d’ailleurs dans la commercialisation de ces fonds verts une démarche d’écoblanchiment ou greenwashing de la part des institutions financières. Ils ne sont qu’un peu plus de la moitié (52 %) à estimer que ce type de fonds peut avoir un impact positif sur l’environnement. La simplification du vocabulaire de l’ISR et une bonne dose d’éducation financière semblent donc nécessaires pour renforcer la notoriété de ces produits.

Les cryptoactifs gagnent en popularité

L’année 2024 serait-elle celle du point de bascule pour les cryptoactifs ? Si 30 % des moins de 35 ans choisissaient le fonds ISR dans notre question précédente, ils seraient près du quart à avoir aussi une bonne image des cryptoactifs qu’ils voient même, pour une part non négligeable d’entre eux, comme un futur possible de la finance mondiale !

Les cryptomonnaies sont vues avant tout comme un risque pour les investisseurs, y compris chez les plus jeunes. Ipsos

Cet article a été co-rédigé avec Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos.

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