
MISE À JOUR 4:
Le futur chancelier allemand Friedrich Merz obtient un accord avec les Verts pour son plan d’investissements géant
TITRE FRANCE INFO 14/03/2025
Ce plan prévoit plusieurs centaines de milliards d’euros pour les dépenses militaires, les régions et pour rénover les infrastructures en Allemagne. Le vote aura lieu mardi 18 mars.
Un changement majeur à venir pour l’Allemagne ? Le futur chancelier Friedrich Merz a trouvé un accord avec les députés écologistes, pour qu’ils acceptent de lever leur veto à son plan d’investissements géant destiné à réarmer et moderniser l’Allemagne, ont confirmé les Verts dans un communiqué publié vendredi 14 mars.
Un « accord sur le fonds spécial » a été trouvé, ont déclaré les Verts. Le dirigeant conservateur peut désormais obtenir l’accord d’une majorité des deux tiers de députés, soit le seuil nécessaire pour faire adopter les changements constitutionnels permettant ce programme de dépenses sans précédent. « L’Allemagne est de retour », s’est félicité Friedrich Merz lors d’une conférence de presse, ajoutant qu’« il s’agit d’un message clair à nos opposants : il n’y aura pas de pénurie de ressources financières pour défendre la liberté et la paix sur le continent », selon un journaliste de Politico(Nouvelle fenêtre).
Plus de 500 milliards d’euros d’investissements sur dix ans
Tournant le dos à des décennies d’orthodoxie budgétaire, les conservateurs et les sociaux-démocrates, probables partenaires dans le prochain gouvernement, proposent un assouplissement des règles d’endettement pour les dépenses militaires et les régions ainsi qu’un fonds spécial de 500 milliards d’euros sur dix ans pour rénover les infrastructures. Mais les Verts, dont les voix sont indispensables, déploraient jusque-là l’absence d’une révision globale du « frein à l’endettement » et de réformes plus structurelles sur la sécurité et la transition climatique.
Le vote aura lieu mardi 18 mars à la chambre basse des députés, le Bundestag. Puis le Bundesrat, qui représente les régions, devra aussi l’adopter. Le futur chancelier est sous pression pour faire adopter son plan par le Parlement actuel, car lorsque les nouveaux élus du Bundestag se réuniront le 25 mars, les partis des extrêmes de droite et de gauche disposeront d’une minorité de blocage.
MISE À JOUR 3 :
« Le courage à géométrie variable de Macron le décidophobe »
Par Franz-Olivier Giesbert 12/03/2025. LE POINT
Si le président dénonce fermement le mini-tsar russe, lorsqu’il s’agit de tenir tête à l’Algérie ou de désendetter la France, il est le roi du déni.
Les poutinolâtres sont d’accord avec les trumpolâtres – c’est quasi la même engeance – pour condamner la charge d’Emmanuel Macron contre la « menace russe ». Ils l’accusent, ce qui n’est sans doute pas faux, de jouer les « va-t-en-guerre » pour se refaire une santé sondagière – et ça marche, tel est l’effet drapeau ! …
MISE À JOUR 2:
Guerre : la démocratie n’est pas une option
par Pablo Pillaud-Vivien REGARDS
Emmanuel Macron veut préparer la France et l’Europe à son autonomie de défense. Mais pour cela, il faut de l’argent. On ne sait ni combien, ni comment il compte s’y prendre.
Les dépenses militaires, comme toutes nos dépenses d’ailleurs, ne sont pas du ressort du président de la République mais du Parlement.
La dernière loi de programmation militaire a été votée en 2023 et court sur la période 2024-2030. Elle prévoit une augmentation substantielle (de 32 à 69 milliards par an). Si l’on comprend bien le président, il entend encore augmenter cette enveloppe. Seulement, Emmanuel Macron est chef des armées, pas législateur suprême. La démocratie a ses règles, même le président de la République doit les respecter.
Plus problématique encore : Emmanuel Macron veut accroître les dépenses militaires mais « sans que les impôts ne soient augmentés ». Il veut « des réformes, des choix, du courage » en la matière. Le courage, dans la langue néolibérale, cela signifie couper dans des services publics ou supprimer des investissements de l’État (comme le plan vélo, selon le ministre des armées Sébastien Lecornu). Évidemment, partis de gauche comme syndicats s’y opposent fermement. Car si certains à gauche discutent l’effort en matière de dépenses militaires, tous refusent qu’elles soient financées par la protection sociale ou l’écologie.
Si Emmanuel Macron s’affranchit une nouvelle fois de tout débat démocratique comment imagine-t-il que le peuple français puisse estimer ces choix et ces efforts justifiés voire justes ? Emmanuel Macron dit vouloir défendre l’humanisme et la démocratie. Peut-il, pour ce faire, passer outre le fonctionnement normal de nos institutions démocratiques et réduire ce qui est la traduction de notre humanisme, de notre solidarité et de notre sécurité sociale. Si Emmanuel Macron passe outre, il risque d’être incompris. Les sondages montrent déjà une faible adhésion à son propos : 48% contre 52% sur le fait que son allocution télévisée ait convaincu.
Emmanuel Macron veut que nous nous dotions de moyens de défendre la patrie et ses valeurs. Les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité qui sont pourtant inscrites sur les frontons de nos bâtiments publics, ne peuvent être des concepts abstraits convoquer uniquement pour mener à bien des politiques mortifères. Avant de dire « nous devons défendre par les armes la démocratie », il faut s’assurer que ce dernier mot résonne comme une réalité, une expérience tangible. Trop en doutent. La perspective de la guerre peut même être l’occasion d’encore davantage d’autoritarisme. Et l’extrême droite s’en frotte déjà les mains.
MISE À JOUR 1
ARTICLE – « Le fossé entre le discours sur la souveraineté européenne porté par Emmanuel Macron et sa difficulté à maîtriser les finances de son pays restera comme un grand paradoxe »
Françoise Fressozb éditorialiste au « Monde »
La France, nation surendettée, peut-elle durablement se placer à l’avant-garde du combat pour la souveraineté ? La question concerne le président de la République, mais aussi tous les partis politiques et chaque citoyen, note, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Plus de quinze millions de téléspectateurs ont suivi, mercredi 5 mars, l’allocution solennelle du chef de l’Etat. L’alerte d’Emmanuel Macron sur le grand basculement géopolitique provoqué par le rapprochement de Donald Trump et de Vladimir Poutine aux dépens de l’Ukraine et de l’Europe a été entendue. Les sondages réalisés dans les jours qui ont suivi convergent : les Français sont inquiets, ils ont intégré la menace russe, compris qu’ils ne pourraient plus compter sur les Etats-Unis pour les protéger et soutiennent le réarmement qui s’engage ou s’accélère en Europe.
Dans une interview à La Tribune Dimanche du 9 mars, le ministre de la défense, Sébastien Lecornu, a fixé l’horizon souhaitable des dépenses militaires françaises à 100 milliards d’euros annuels en 2030 contre 50 milliards d’euros aujourd’hui. En situation budgétaire normale, le doublement du budget militaire constituerait un défi.
Dans le contexte actuel, il met le pays au pied du mur : la France a accusé à la fin de l’année 2024 un déficit public de 6 % du produit intérieur brut (PIB) que le gouvernement espère tout juste contenir à 5,4 % cette année sans garantie d’y parvenir. Le pays est aussi lesté par une dette publique qui atteint 3 300 milliards d’euros (113,7 % du PIB). Son remboursement pèse de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat en raison de la remontée des taux d’intérêt : 59 milliards d’euros prévus cette année, plus de 70 milliards en 2027. L’accumulation de ces mauvais chiffres vaut à la France d’être classée parmi les plus mauvais élèves de la zone euro.
La souveraineté, selon le dictionnaire Le Robert, définit le caractère d’un Etat « qui n’est soumis à aucun autre Etat ». Le fossé entre le discours sur la souveraineté européenne porté avec lucidité et de façon avant-gardiste depuis 2017 par Emmanuel Macron et la difficulté du dirigeant français à maîtriser les finances de son pays restera comme le grand paradoxe de la période. L’homme du réveil européen aura été en même temps le héraut en France du « quoi qu’il en coûte », celui qui aura mêlé dans un même mouvement la bonne et la mauvaise dette, l’indispensable financement des grands investissements d’avenir et la préservation d’un modèle français qui ne parvient plus depuis des décennies à s’autofinancer…
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NOTRE PRÉCÉDENTE PUBLICATION :
APRÈS LA FABLE DES « EFFORTS » POUR LE BUDGET, LE FEUILLETON DES « EFFORTS » POUR LA GUERRE
ARTICLE – L’Allemagne s’apprête à engager 1 000 milliards d’euros pour la défense et ses infrastructures
Par : Matthew Karnitschnig et Nick Alipour | EURACTIV 5 mars 2025
Craignant un effondrement de l’alliance occidentale sous Donald Trump, la classe politique allemande s’est provisoirement mise d’accord pour quasiment démanteler le « frein à l’endettement » du pays. Une frénésie de dépenses sans précédent pour la défense et ses infrastructures pourrait totaliser jusqu’à 1 000 milliards d’euros au cours de la décennie à venir.
Ces plans, s’ils sont approuvés, marqueraient un tournant décisif pour un pays réputé pour sa culture de la pondération, soulignant le degré de nervosité en Allemagne et ailleurs en Europe à l’égard du président américain. Ce dernier a suspendu l’aide militaire à l’Ukraine et imposé de nouveaux droits de douane aux alliés des États-Unis.
Les partis politiques ont convenu que les décisions visant à renforcer les infrastructures de défense de l’Allemagne et de l’Europe « ne peuvent plus être reportées après les dernières décisions du gouvernement américain », a rapporté Friedrich Merz, chef de file des chrétiens-démocrates de centre-droit, lors d’une conférence de presse à Berlin.
Les dirigeants des chrétiens-démocrates (CDU) et des sociaux-démocrates (SPD) se sont mis d’accord sur la proposition de dépenses mardi en fin de journée, dix jours seulement après que les Allemands ont choisi un nouveau parlement.
Les deux mouvements devraient former une coalition dans les semaines à venir, sous la houlette de Friedrich Merz, dont le parti a remporté les élections avec une nette avance.
L’ancre s’éloigne
Bien que le frein à l’endettement de l’Allemagne, ancré dans sa constitution, soit maintenu, il serait effectivement aboli pour les dépenses militaires. En effet, les dépenses de défense dépassant plus de 1 % du produit intérieur brut de l’Allemagne ne seraient pas prises en compte dans le calcul de la dette. Le gouvernement aurait ainsi carte blanche pour investir dans les forces armées allemandes.
Afin d’obtenir le soutien du SPD à leur proposition, les chrétiens-démocrates ont également accepté de créer un fonds de 500 milliards d’euros pour investir dans les infrastructures de défense au cours de la prochaine décennie, ce qui équivaudrait à un programme de relance économique massif pour l’économie allemande, qui vit sa troisième année de récession.
Ces mesures sont surprenantes, tant par leur ampleur que par la rapidité avec laquelle la CDU et le SPD sont parvenus à un consensus. Pour les chrétiens-démocrates, qui ont fait campagne en promettant de maintenir le frein à l’endettement, la proposition ne représente rien de moins qu’une rupture totale avec la position antérieure du parti sur les dépenses déficitaires.
Cela dit, l’adoption des nouvelles lois relatives à la dette est loin d’être acquise. Les partis politiques auront besoin d’une majorité des deux tiers au parlement pour obtenir l’approbation des modifications du frein à l’endettement.
La montée de l’extrême droite et de l’extrême gauche (toutes deux opposées aux dépenses de défense supplémentaires et à l’aide militaire à l’Ukraine) lors des dernières élections, montre que les partis centristes pourraient ne pas disposer d’un nombre suffisant de voix au sein du prochain parlement pour entreprendre des réformes constitutionnelles.
Au lieu d’attendre, la CDU et le SPD ont donc décidé de faire passer les réformes via le Bundestag actuel, où ils conserveront les majorités nécessaires jusqu’à la fin du mois.
Objections constitutionnelles
Cette stratégie est risquée, notamment parce que la Cour constitutionnelle allemande pourrait l’annuler au motif que les partis politiques ignorent la volonté du peuple et mettent le prochain Bundestag devant le fait accompli.
Le parti des Verts pourrait représenter un autre joker, dont les voix pourraient s’avérer nécessaires pour obtenir une majorité des deux tiers. Les Verts ne se sont pas encore engagés à soutenir le projet.
Mardi soir, les négociateurs ont déclaré qu’ils avaient décidé d’aller de l’avant avec les projets de mise à disposition de fonds supplémentaires avant même la conclusion des négociations de coalition.
Friedrich Merz a expliqué que son bloc de centre-droit et le SPD convoqueraient une session extraordinaire du Bundestag la semaine prochaine pour présenter les motions.
Le plan
Le plan présenté par les dirigeants de la CDU et du SPD comporte trois grands volets.
Premièrement, ils proposent de réformer la limite constitutionnelle de déficit du pays, le « frein à l’endettement », qui restreint le déficit structurel de l’Allemagne à 0,35 % du PIB, afin d’exempter les dépenses de défense dépassant le niveau de 1 % du PIB.
Deuxièmement, Friedrich Merz a annoncé son intention de créer un nouveau fonds spécial extrabudgétaire, qui ne serait pas soumis au frein à l’endettement et qui injecterait 500 milliards d’euros supplémentaires dans les investissements d’infrastructure au cours des dix prochaines années, afin de rendre l’Allemagne plus productive.
« Les dépenses supplémentaires en matière de défense ne pourront être absorbées que si notre économie retrouve une croissance stable dans les plus brefs délais », a détaillé Friedrich Merz. « Outre une amélioration radicale des conditions de concurrence, cela nécessite d’investir rapidement et durablement dans nos équipements. »
Troisièmement, les partis souhaitent assouplir les règles particulièrement strictes en matière d’endettement des Länder allemands. En outre, les négociateurs se sont « fermement » mis d’accord pour réformer fondamentalement le frein à l’endettement afin de donner aux États une plus grande marge de manœuvre après le début officiel de la nouvelle législature, a abondé le coprésident du SPD, Lars Klingbeil.
La vitesse tue
Les partis centristes ont l’intention d’aller de l’avant rapidement. Ils devront encore convaincre d’autres partis — les Verts et les Libéraux démocrates — pour obtenir une majorité des deux tiers.
Parallèlement, les négociations de coalition se poursuivront jeudi et vendredi dans le but de les conclure « dans les meilleurs délais », a annoncé Friedrich Merz.
Ce dernier a aussi indiqué que les discussions auraient lieu en concertation avec le chancelier sortant, Olaf Scholz, afin qu’il débloque immédiatement un soutien militaire supplémentaire de 3 milliards d’euros pour l’Ukraine via le budget actuel. Pour rappel, Olaf Scholz l’avait précédemment bloqué en raison de problèmes de financement.
« Nous sommes tout aussi déstabilisés et inquiets qu’une grande partie de notre population, car tout ce qui se passe ces jours-ci bouleverse complètement les anciennes certitudes », a réagi Markus Söder, premier ministre de l’État régional de Bavière et président des chrétiens-démocrates bavarois (CSU), les alliés de Friedrich Merz.
« Aujourd’hui, nous ne montrons pas seulement qu’un nouveau gouvernement peut agir avant que les postes ne soient attribués », a poursuivi Markus Söder. « Nous envoyons un signal à nos amis et à nos ennemis : l’Allemagne est là, l’Allemagne ne recule pas. »