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VIVRE EN POÉSIE AVEC METAHODOS : « LA MACHINE À FABRIQUER DES SONNETS » – RAYMOND QUENEAU

« Cent mille milliards de poèmes » de Raymond Queneau, la poésie en partage

12 mars 2025 FRANCE CULTURE

Raymond Queneau, qu’Arthur Teboul met ici à l’honneur, propose à son lecteur de s’approprier le geste poétique grâce à ce recueil expérimental qui permet de composer un nombre incalculable de sonnets réguliers.

Peut-on imaginer un recueil de poésie qui n’aurait pas de fin ? C’est le pari que réussit Raymond Queneau avec cet étrange objet qu’il crée, cette « machine à fabriquer des poèmes » et que chacun peut s’emparer pour constituer le sien. Véritable pionnier dans l’exploration des limites du langage en littérature, ses oeuvres ont eu un impact sur d’autres disciplines, comme les mathématiques combinatoires. Poèmes lus par Arthur Teboul.

Réalisation : Juliette Heymann

« On est tous, en puissance, poète de quelque chose. Il y a des visions qui attendent nos yeux. »

Raymond Queneau (1903-1976) n’était pas seulement écrivain, traducteur, essayiste ou poète, il était aussi un véritable inventeur de formes littéraires. Sa passion pour les mathématiques et les jeux de langage, illustrée par son implication dans l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), fait de lui une figure clé de la littérature expérimentale du 20e siècle. Dans le recueil Cent mille milliards de poèmes, publié chez Gallimard en 1961, la poésie se réinvente à travers un principe ludique et expérimental.

Composé de dix sonnets, le recueil prend une forme inédite : chaque sonnet est divisé en 14 vers, répartis sur dix bandes de papier. Chacune de ces bandes, pouvant être tournées indépendamment, permet au lecteur de choisir un vers parmi les dix proposés, créant ainsi une infinité de combinaisons possibles.

Arthur Teboul est captivé par ce recueil qui permet à chacun de renouer avec une joie ludique de créer. La poésie, selon lui, ne se limite pas à la littérature et se vit dans des expériences variées et insoupçonnées, comme c’est le cas ici. Ce qui le touche profondément, c’est la générosité avec laquelle Raymond Queneau communique à son lecteur sa passion pour la poésie, dans un geste à la fois fraternel et rassembleur.

Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau avec Arthur Teboul

1/

Le roi de la pampa retourne sa chemise
Snob un peu sur les bords des bords fondamentaux
La critique lucide aperçoit ce qu’il vise
Des narcisses on cueille ou bien on est des veaux
On vous fait devenir une orde marchandise
D’où Galilée jadis jeta ses petits pots
Nous avions aussi froid que nus sur la banquise
Lorsqu’on voyait au loin flamber les arbrisseaux
Le loup est amateur de coqs et de cocottes
Une langue suffit pour remplir sa cagnotte
Le chemin vicinal se nourrit de crottins
On a bu du pinard à toutes les époques
On s’excuse il n’y a ni baleines ni phoques
Mais on n’aurait pas vu le métropolitain

2/

Le roi de la pampa retourne sa chemise
Se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux
La critique lucide aperçoit ce qu’il vise
Et tout vient signifier la fin des haricots
L’un et l’autre a raison non la foule insoumise
Quand se carbonisait la fureur des châteaux
Nous avions aussi froid que nus sur la banquise
A tous n’est pas donné d’aimer les chocs verbaux
L’esprit souffle et resouffle au-dessous de la botte
On comptait les esprits acérés à la hotte
Le chemin vicinal se nourrit de crottins
On a bu du pinard à toutes les époques
Comptant tes abattis lecteur tu te disloques
Si l’Europe le veut l’Europe ou son destin

LIEN VERS L’ÉMISSION

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