
À LA FIN C’EST LE CONTRIBUABLE QUI PAYE
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ARTICLE – Défense : « L’illusion des financements indolores »
Ni un emprunt européen ni le recours à l’épargne ne suffiront pour financer l’effort de défense. La France doit être réaliste et commencer par réduire ses propres dépenses publiques, souligne Patrick Careil, inspecteur général des finances.
Par Patrick Careil (inspecteur général des Finances) LES ÉCHOS 16 mars 2025
Contrairement à certaines déclarations, nous ne sommes pas passés en économie de guerre, faute de commandes massives passées à l’industrie : les industriels ne peuvent investir que s’ils sont assurés de leur carnet de commandes. Après qu’il a été annoncé que le budget défense devait passer à 5 % du PIB, le ministre des Armées a ramené l’objectif à un montant plus réaliste de 3 % du PIB en 2030, ce qui représente néanmoins un effort considérable.
Mais le dernier rapport de la Cour des comptes a démontré que les précédents « quoi qu’il en coûte », « boucliers » anti-inflation et procrastinations sur les budgets pour les années 2023, 2024 et 2025, sont en train de nous conduire vers une très grave crise financière – sans précédente depuis 1958 – et le contexte politique ne permet pas d’annoncer des augmentations d’impôts ou des réductions d’allégement fiscaux ou des diminutions de dépenses. On recourt donc à la magie du financement indolore.
Les trois illusions
Il y a trois illusions du financement indolore de l’augmentation de l’effort de défense :
1. L’illusion de sortir des contraintes de Maastricht : selon la plupart des commentateurs, la France a rencontré une grande victoire en convainquant la Commission de sortir l’effort de guerre du calcul du plafond, pour le déficit, de 3 % du PIB ; mais la nécessité absolue de réduire notre déficit, rappelée avec force par la Cour des comptes, n’est pas liée au dépassement des critères mais à l’explosion de la charge de la dette – plus de 100 milliards en 2030 – avec une dette atteignant 120 % du PIB, qui compromettra notre capacité à mener nos grandes politiques publiques.
2. L’illusion de faire payer l’Allemagne et les pays dits « frugaux » avec un emprunt européen : c’est oublier qu’un emprunt, cela se rembourse et que notre part dans le financement du budget européen, 17 %, nous conduit à rembourser plus qu’on ne reçoit : ainsi pour le grand emprunt Covid, nous avons reçu 45 milliards d’euros (alors que l’Italie a perçu, elle, 190 milliards), et nous allons devoir, à partir de 2028, en amortir 120 ; même à supposer que pour la défense, la clé de répartition du remboursement d’un emprunt, affecté exclusivement à des acquisitions de matériels militaires, soit plus égalitaire, il n’en reste pas moins que la charge de notre dette nationale serait augmentée de l’amortissement du nouvel emprunt européen.
3. L’illusion d’un financement indolore par appel à l’épargne : cette méthode ne présente aucune utilité par rapport à l’émission habituelle des OAT par France Trésor. En effet, non seulement l’augmentation de la charge de la dette serait la même, mais surtout, c’est une méthode très coûteuse, comme l’ont montré l’emprunt Pinay de 1952 avec son indexation sur l’or et son exonération de droits de succession, le Giscard 1983 avec capital et intérêts indexés sur le lingot, le Barre 1977, avec capital indexé sur l’unité de compte européenne et exonération des plus-values et le Balladur 1993 avec un taux d’intérêt et des commissions de placement très élevés.
Il n’y a pas de finance magique : il existe une multitude de techniques financières permettant de dissimuler la dette. Mais in fine, que la charge de celle-ci s’appelle intérêts ou loyers, il faut toujours payer !
Transparence
Ayons enfin le courage de dire à nos concitoyens quels efforts, en termes de réductions de dépenses, ou d’accroissement des impôts, il faudra qu’ils consentent pour donner à nos armées les moyens nécessaires pour mener leur mission dans un conflit de haute intensité.
Au-delà de cet indispensable effort national, si la menace devenait imminente, alors il reviendrait à la BCE la responsabilité de recourir à des moyens non conventionnels…
Mais la France ne serait audible pour faire des propositions en ce sens que si elle avait préalablement remis en ordre ses finances.
Patrick Careil est inspecteur général des finances.