
ÉMISSION – L’esprit critique à l’ère de la désinformation
Par Annabelle Grelier ⸱ 12 mars 2025 FRANCE CULTURE
L’esprit critique peut s’enseigner et s’apprendre estime Gérald Bronner. Le sociologue, professeur à l’université Paris Diderot, tient dans l’amphithéâtre de la Sorbonne une série de séminaires pour tous les publics afin de comprendre comment éviter de tomber dans le piège de la crédulité.
Avec
- Gérald Bronner, professeur de sociologie à Sorbonne Université
Sur les réseaux sociaux, 1 % des comptes génèrent à eux seuls 33 % du contenu, phénomène dit de super spreaders, super diffuseurs souvent marqué par une radicalité qui déforme le débat public. « Tout n’est pas forcément faux mais le flot d’informations et la vitesse à laquelle elles circulent tendent à favoriser le vraisemblable au vrai » remarque Gérald Bronner.
Pour lui, le premier reflexe serait de ne pas liker ou ne pas partager ces fausses informations sans auparavant avoir stimuler son système immunitaire intellectuel. Mais comment s’y prendre ? « Se méfier de nous même pourrait-on résumer » Gérald Bronner s’explique » Nous attendent au coin du bois toute une série d’intuitions qui sont fausses comme par exemple des biais cognitifs, des sophismes, des éléments de rhétorique qui vont faire que l’on va trouver une proposition crédible alors qu’elle n’est pas vrai d’un point de vue objectif. »
Si dans le premier séminaire le sociologue apprenait son auditoire à faire face aux syllogismes et raisonnements qui nourrissent les théories du complot en rappelant par exemple la différence entre un lien de causalité et un lien de corrélation, c’est sur notre désir de croire que cette soirée voulait insister.
Gérald Bronner nous propose d’apprivoiser le fonctionnement de notre propre cerveau social. C’est à dire analyser comment nous croyons des choses, comment parfois nous sélectionnons des facettes du réel seulement pour nous convaincre de quelque chose que l’on a envie de croire parce que l’on est porteur de telle variable politique ou religieuse par exemple.
Il s’agit aussi de comprendre les lestes qui pèsent sur notre jugement et les limites de notre rationalité car nos intuitions nous trompent souvent insiste t-il » Nous faisons sans cesse inconsciemment des calculs de probabilité mais nous sommes très peu compétents pour opérer certains calculs comme les très faibles probabilité de risque.
Nous avons tendance à les multiplier par un coefficient de 10 ou 15 intuitivement ce qui fait que si on exhibe un risque dans l’espace public notre attention va être hameçonnée. » Et les journalistes n’arrangent pas toujours notre affaire » poursuit-il puisqu’ils travaillent sur ce marché attentionnel donc « tout le monde se tient la main pour aboutir à ce qui est la vraie inquiétude du temps présent qui est la fracture de notre espace commun. »
Et pour comprendre les notions plus complexe de négligence de la taille d’échantillonnage, de la régression vers la moyenne qui faussent notre jugement, Gerald Bronner enchaîne les exercices avec le public. Signe encourageant pour le sociologue, quand on fait la preuve par l’exemple, il suffit de peu pour que les gens prennent le reflexe. » Preuve que ce que nous faisons ce soir n’est pas inutile ! » dit-il sous les applaudissements.
A la sortie, l’audience n’est pas mécontente d’être revenue sur les bancs de la fac pour l’occasion. Audrey pense même qu’il faudrait apprendre l’esprit critique à l’école. » Je pense qu’il faut l’apprendre de plus en plus jeune. Peut être que l’on en prend conscience trop tard aujourd’hui. L’esprit critique ne s’est peut être pas perdu mais il y des gens qui ne savent pas comment le trouver ou alors ils sont trop fainéants intellectuellement. »
Gratuit et retransmis en ligne, le séminaire a pour but de provoquer un « sursaut » collectif. « Faire ruisseler », en somme, « l’esprit critique » pour contrer fake news, ingérences, et manipulations. Message reçu pour Nadège ; » j’ai tout compris, j’ai pris des notes et je pense que je vais restituer ça à mon travail dans des réunions ou des séminaires. »
Les prochaines sessions, auront lieu, le 1ier avril et 13 mai à 19h à la Sorbonne. Les inscriptions se font en ligne. Les séminaires devraient reprendre à la rentrée prochaine.