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TRUMP ABANDONNERA-T-IL TAÏWAN À LA CHINE ?

WASHINGTON, DC - 03 MARS : Le président américain Donald Trump, accompagné du secrétaire au commerce Howard Lutnick (à gauche) et du PDG de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) C.C. Wei (à droite), s'exprime dans la salle Roosevelt de la Maison Blanche le 3 mars 2025 à Washington, DC. Donald Trump a annoncé que Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, l'un des plus grands fabricants de puces à semi-conducteurs, prévoyait d'investir 100 milliards de dollars dans de nouvelles installations de production aux États-Unis.   Andrew Harnik/Getty Images/AFP (Photo by Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

ARTICLE – Comme l’Ukraine à la Russie, Donald Trump pourrait-il aussi abandonner Taïwan à la Chine ?

RTBF BELGIQUE 10 mars 2025

Les mots sont choisis, acérés. Et peuvent difficilement être perçus autrement que sous la double forme d’un rappel et d’une menace : « Plus les séparatistes pour ‘l’indépendance de Taïwan’ deviendront envahissants, plus le noeud coulant autour de leur cou se resserra et plus l’épée au-dessus de leur tête sera tranchante ». Prononcés par Wu Qian, le porte-parole de l’armée chinoise, ces mots s’adressent aux Taiwanais qui pourraient être tentés par une velléité d’indépendance.

Taïwan a beau être doté de son propre gouvernement depuis 1949, Pékin n’en considère pas moins l’île comme une partie de son territoire et le régime chinois n’a cessé d’accroître, ces dernières années, la pression militaire en déployant presque tous les jours autour de l’île des avions de combat et des navires de guerre.

Jusqu’ici, Taïwan a toujours pu bénéficier du soutien politique, financier et militaire des Etats-Unis, bien décidés à contenir l’influence chinoise dans la région. Mais dans le contexte de l’abandon de l’Ukraine par les Etats-Unis au profit de Moscou, Pékin pourrait-il envisager de reprendre par la force le contrôle de Taïwan ?

Le 20 février dernier, le secrétaire général du Conseil de sécurité nationale de Taiwan Joseph Wu s’était voulu pour le moins rassurant : « Les États-Unis nous ont été d’une grande aide, en nous fournissant des équipements défensifs, en nous aidant à former nos soldats et en essayant également de nous intégrer davantage dans la communauté internationale.

Je dirais que ces dernières années, nos relations avec des partenaires partageant les mêmes idées se sont renforcées, grâce au gouvernement américain. Et je constate que cette tendance se poursuit. Notre soutien au Congrès, celui des personnes qui pourraient être, qui ont déjà été nommées ou qui seront nommées et qui ont servi dans l’administration sera toujours là. Je pense donc que le soutien de l’administration Trump à Taiwan restera très fort ».

La très précieuse aide américaine de ces dernières années

Il faut rappeler que la précédente administration américaine, dirigée par Joe Biden, n’a jamais dissimulé son soutien à Taïwan. A la question posée en septembre 2022 par un journaliste de CBS « Des Américains défendraient-ils Taiwan en cas d’invasion chinoise ? », le président, sans chercher à se dérober, avait répondu : « Oui, si une attaque sans précédent venait à se produire », avant de préciser qu’il n’était pas là en train d’ »encourager » l’île à déclarer son indépendance. « C’est sa décision », avait tout de même ajouté Joe Biden. De quoi susciter la « sincère gratitude » exprimée dans la foulée par le ministère taïwanais des Affaires étrangères, qui avait ensuite souligné la volonté du gouvernement de Taïwan « de continuer à renforcer ses capacités d’autodéfense ».

Si les États-Unis persistent à vouloir recourir aux armes pour soutenir ceux qui militent pour l’indépendance, cela se retournera contre eux et ils subiront les conséquences de leurs propres actes.

Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères

Et pour concrétiser ce renforcement face à une Chine qui multiplie les exercices militaires à proximité de leur espace marin ou aérien, c’est bien sûr vers les Etats-Unis que Taiwan se tourne. En juillet 2023, une enveloppe de 345 millions de dollars est approuvée par Joe Biden pour aider la défense de Taïwan. Et en septembre 2024, Joe Biden demande à son secrétaire d’Etat Anthony Blinken de permettre l’envoi de « de jusqu’à 567 millions de dollars de matériel et services du ministère de la Défense, ainsi que de formations militaires, pour fournir une aide à Taïwan », ce qui va passablement irriter le pouvoir chinois. Dans la foulée de cette annonce, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères avait lancé ce qui peut difficilement être vu autrement qu’une forme d’avertissement : « Si les États-Unis persistent à vouloir recourir aux armes pour soutenir ceux qui militent pour l’indépendance, cela se retournera contre eux et ils subiront les conséquences de leurs propres actes. »

L’arrivée de Donald Trump change-t-elle la donne ?

Cela n’échappe à personne, le changement de locataire à la Maison-Blanche se traduit aussi par un changement de cap parfois radical sur toute une série de dossiers, le plus récent – et sans aucun doute le plus dramatique – étant la fin du soutien américain à l’Ukraine, non seulement au niveau des armes mais aussi au niveau du renseignement. Une mise à l’arrêt du partage du renseignement dont profite allègrement Vladimir Poutine pour intensifier les attaques, « comme n’importe qui à sa place le ferait », répondait vendredi Donald Trump à un journaliste qui demandait si le président russe pourrait précisément se saisir de cette opportunité.

Pendant qu’il était en campagne en vue d’un second mandat présidentiel, Donald Trump avait été interrogé à propos de Taiwan. « Défendriez-vous Taïwan contre la Chine ?, avait demandé un journaliste. « Je pense que Taïwan devrait nous payer pour sa défense. Nous ne sommes pas différents d’une compagnie d’assurances », avait simplement répondu le futur président des Etats-Unis.

J’ai une excellente relation avec le président Xi. Nous voulons que les Chinois viennent investir.

Donald Trump, président des Etats-Unis en février 2025

Fin février, alors entré en fonction et entouré de sa nouvelle équipe, le nouveau président américain avait alors esquivé les questions des journalistes sur l’attitude qu’adopteraient les Etats-Unis en cas d’attaque de Taïwan par la Chine. « Je ne fais jamais de commentaire à ce sujet, je ne veux absolument pas me mettre dans une telle situation », avant d’ajouter, quelques minutes plus tard ces quelques mots à propos du président chinois : « J’ai une excellente relation avec le président Xi. Nous voulons que les Chinois viennent investir. Je vois tellement de choses qui disent que nous ne voulons pas de la Chine dans ce pays. Ce n’est pas juste. Nous voulons qu’ils investissent aux États-Unis. Ce serait bien. Il y a beaucoup d’argent qui peut rentrer et nous allons investir en Chine. Nous ferons des choses avec la Chine. La relation que nous aurons avec la Chine sera très bonne ».

En prenant tout cela en considération, les récentes déclarations du porte-parole de l’armée chinoise dont on peut rappeler qu’il avait déjà fait savoir, fin février dernier, qu’il ne fallait pas exclure l’éventualité du recours à la force pour reprendre le contrôle de Taiwan, prennent peut-être une dimension différente. Ce dimanche, il a aussi déclaré que plus les partisans de l’indépendance se feront entendre, « plus l’épée au-dessus de leur tête sera tranchante ». Des propos qu’il faut entendre en repensant à ceux exprimés il y a quelques jours par Wang Yi, le chef de la diplomatie chinoise : « Réaliser l’unification complète de la patrie est l’aspiration commune de tous les Chinois. C’est la tendance de l’histoire et c’est une juste cause ».

Cela n’équivaut évidemment pas à une déclaration officielle de reprise du contrôle de Taïwan par la force. Mais ce sont autant de signaux qu’il serait imprudent d‘ignorer.

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