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LE LIBÉRALISME RESTE UN MOTEUR POUR LA DÉMOCRATIE – POINT DE VUE

ÉMISSION – Le libéralisme peut-il encore sauver la démocratie ? 

Publié le jeudi 3 avril 2025 FRANCE CULTURE

Monique Canto-Sperber propose une défense du libéralisme dans son dernier livre « La liberté cherchant son peuple ». Alors qu’un illibéralisme d’atmosphère se répand, cette revalorisation offre des perspectives nouvelles et permettent d’imaginer un modèle de démocratie libérale résilient. 

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L’inéligibilité provisoire prononcée à l’encontre de Marine Le Pen a provoqué une avalanche de réactions. En accusant la justice d’être trop politisée, un certain nombre de responsables politiques ont renforcé le sentiment que la démocratie française était en péril, sentiment déjà partagé par une partie de nos concitoyens. Monique Canto-Sperber tente, dans son dernier livre La liberté cherchant son peuple (Calmann Lévy), de proposer des perspectives d’amélioration de la démocratie libérale en France.

La perte de confiance dans les institutions

Face aux secousses de cette affaire, l’universitaire revient sur le fondement juridique de la condamnation de Marine Le Pen : « L’État de droit permet de remédier à l’arbitraire et au gouvernement discrétionnaire. On ne peut pas s’en passer, même si certaines lois peuvent sembler inadaptées. La question de la séparation entre justice et politique est tout autre. […] Dire que Marine Le Pen est une justiciable comme les autres serait une évidence trompeuse : 35 % des voix aux élections européennes, la proximité de la présidentielle dans deux ans, cela change la donne.

Dans cette affaire, il s’agit certes de l’application des lois, mais aussi de deux libertés fondamentales d’ordre politique : celle de l’électeur de choisir ses représentants et celle de tout individu de se présenter aux suffrages. Le juge doit donc les pondérer avec son obligation d’appliquer la loi, et c’est là que le principe de proportionnalité aurait pu jouer davantage. » Elle souligne que « les juges appliquent la loi, votée par le législateur, c’est-à-dire par le peuple » et rappelle que « le libéralisme, attaché à l’indépendance de la justice, rejette par essence le discrétionnaire et l’arbitraire ».

L’État de droit au cœur de la démocratie

Monique Canto-Sperber profite de la polémique suscitée par cette décision de justice pour réaffirmer l’importance de l’État de droit : « Il constitue le socle même d’une communauté politique. Les individus s’organisent autour de règles, une structure normative qui stabilise les sociétés et garantit ce que l’on appelait, au XVIIe siècle, la paix civile. Autrement dit, il assure aux membres d’une communauté la possibilité d’être libres ensemble : chacun exerce sa liberté sans empiéter sur celle des autres ni menacer la cohésion sociale.

L’État de droit repose ainsi sur un cadre juridique qui sécurise et protège ces libertés, c’est là sa raison d’être fondamentale. Concrètement, dans le monde contemporain, cela implique avant tout la séparation des pouvoirs : les lois ne sont pas soumises aux fluctuations de la politique ou du vote populaire et ne changent pas du jour au lendemain sous l’effet d’une simple décision majoritaire. »

Défendre le libéralisme

Dans son analyse de la politique de Donald Trump, Monique Canto-Sperber dessine en creux son idéal libéral : « Ce n’est pas du tout du libéralisme, puisque ses fondements reposent sur la défense de la liberté personnelle, l’intégrité individuelle, la séparation des pouvoirs et, surtout, la non-intervention de l’État dans l’économie ainsi que la libre circulation des biens et des personnes. » Elle ajoute que « la notion d’échange libre est véritablement au cœur du libéralisme » et qu’« un État de plus en plus autoritaire, qui impose des droits de douane et bouleverse le système d’échange international, est en totale contradiction avec cette doctrine. »

Son livre propose une réforme du libéralisme qu’elle qualifie de populaire : « Ce n’est pas un libéralisme social-démocrate que je prône, mais un libéralisme qui s’occupe des plus modestes. Il s’agit de montrer précisément comment une politique de la liberté et des politiques sociales responsabilisant les individus, les infantilisant moins, leur offrant des capacités d’action et de décision, permettent d’affirmer que le libéralisme n’est pas réservé aux diplômés ou aux fortunés.

Au contraire, il touche à ce que les êtres humains Le libéralisme peut-il encore sauver la démocratie ? chérissent le plus : leur possibilité d’agir, leur liberté, le droit de choisir leur mode de vie et d’exprimer leurs opinions. […] Cette ressource fondamentale de l’individualité, avec toute sa force créatrice et son potentiel d’innovation, doit désormais être prise en compte par le libéralisme. D’où l’idée d’un libéralisme populaire, qui transforme d’abord la vie des plus pauvres et l’améliore. »

À ses yeux, il est temps de redécouvrir le potentiel émancipateur du libéralisme : « Plus que jamais, car l’ordre et la sécurité imposés aux citoyens doivent être perçus comme légitimes. Sans cette légitimité, la sécurité devient un facteur de désordre. Et c’est là la grande force du libéralisme : il est la seule pensée capable de légitimer à la fois le pouvoir et l’obéissance. » Elle affirme que « la pensée libérale a de nouveau une chance […] car elle revient à l’essentiel, cette affirmation de la liberté individuelle que Raymond Aron résumait par son « laissez-moi libre ». »

LIEN VERS L’ÉMISSION

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