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Un déficit budgétaire de l’Etat de 155,9 Md € en 2024, supérieur de 9,0 Md € à l’objectif
La Cour des comptes a publié son rapport annuel sur l’exécution et les résultats du budget de l’Etat en 2024. Le déficit budgétaire de l’Etat a atteint 155,9 Md € en 2024, supérieur de 9,0 Md € à l’objectif de la loi de finances.
L’amélioration du solde budgétaire de 17,1 Md € par rapport à 2023 correspond à un effort minimal qui repose sur l’extinction, en 2024, de mesures de soutien massives (notamment les boucliers tarifaires) décidées en 2022 pour faire face aux prix de l’énergie. Ce niveau toujours très élevé de déficit tient aux faiblesses de la loi de finances initiale : dans sa partie « recettes », celle-ci reposait sur des prévisions trop optimistes …
1. ARTICLE – Budget 2024 : entre mauvais résultat et écart substantiel aux prévisions selon la Cour des comptes
Publié le 17 avril 2025 VIE PUBLIQUE
La Cour des comptes a rendu son rapport annuel sur l’exécution et les résultats du budget de l’État en 2024. La Cour pointe un déficit budgétaire supérieur à l’objectif de la loi de finances, reposant entre autres sur des « prévisions trop optimistes ». Le Haut Conseil des finances publiques souligne cet optimisme dans deux avis.
Le 16 avril 2025 ont été publiés le rapport annuel sur l’exécution et les résultats du budget de l’État en 2024et la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2024 de la Cour des comptes. Le même jour, l’avis sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion 2024 et l’avis sur le rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ont été rendus publics. Le rapport de la Cour des comptes porte sur les seules finances de l’État, quand les avis du HCFP portent aussi sur celles concernant la sécurité sociale ou des collectivités territoriales.
Lors de la présentation du rapport et des avis à l’Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes et président du HCFP, Pierre Moscovici, a souligné une « gestion erratique » et un « pilotage à vue en matière de crédits budgétaires« .
La Cour des comptes constate que le déficit budgétaire de l’État, toujours plus élevé, atteint 155,9 milliards d’euros (Md€) en 2024, supérieur de 9 Md€ à l’objectif de 146,9 Md€ de la loi de finances initiale (LFI). L’exercice 2024 est « heurté et difficilement lisible« .
L’objectif était de réduire le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, il s’est finalement établi à 5,8 points de PIB. Le HCFP souligne « un écart particulièrement élevé en l’absence de crise« , quand « cette dégradation n’était pas inéluctable« .
La loi de finances en cause dans les mauvais résultats ?
La Cour des comptes trouve les raisons du mauvais résultat des finances de l’État dans le projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024). Le PLF 2024 « présentait de sérieuses faiblesses et était établi sur des bases peu réalistes« , entre autres une prévision de croissance de 1,4%, jugée élevée par le HCFP. Une partie « recettes » trop optimiste et une partie « dépenses » manquant d’ambition ont conduit in fine à un écart de 22,5 Md€ entre prévisions et réalisations.
Lors de son audition à l’Assemblée nationale, Pierre Moscovici, a jugé que les objectifs de la LFI 2024 étaient inatteignables avant même que l’exercice ne commence. Des décisions contradictoires ont été prises par la suite, comme annuler 10 Md€ de crédits en février 2024 et mettre en réserve quasi simultanément, en mars 2024, 16 Md€ de crédits.
En ne déposant pas de projet de loi de finances rectificative, le gouvernements’est privé du seul vecteur qui aurait permis un ajustement des recettes. Cependant, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot a donné des résultats en matière de maîtrise des dépenses, qui toutefois ne sont pas pérennes. Ce « pilotage peu lisible« , avec 17,8 Md€ d’annulation de crédits, a permis de limiter la dégradation du déficit budgétaire.
Le HCFP relève que le déficit publiccontinue de se creuser (+0,4 point) et la dette publique augmente de 3 points (113 points de PIB). Le rendement des prélèvements obligatoires a été bien moindre qu’escompté et les dépenses des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale plus élevées qu’attendu. Le HCFP avait pourtant averti sur un risque de dérapage de l’assurance maladie et pointé l’absence de mécanisme contraignant sur la dépense des collectivités.
Le HCFP souligne que la dégradation n’était pas inéluctable : « Elle traduit avant tout les fragilités de la construction de la loi de finances et l’insuffisance des mécanismes de rappel. »
Augmentation des recettes fiscales, diminution des dépenses et « bonnes surprises »
En conséquence, le besoin de financement (305,6 Md€) et la dette de l’État (2 602 Md€) augmentent. Les recettes fiscales (325,7 Md€) ont aussi augmenté, légèrement, du fait de hausses d’impôts. Mais cette augmentation reste très nettement inférieure, de 22,8 Md€, aux prévisionsde la LFI, ce qui est « inhabituel et considérable » (-5,3 Md€ en 2023) selon la Cour des comptes.
Les dépenses sont en diminution (-11,3 Md€) du fait de l’extinction de dispositifs exceptionnels (boucliers tarifaires pour l’énergie, par exemple). Les « bonnes surprises » se manifestent dans une baisse de 4,2 Md€ de dépenses non pilotables (dépenses sur lesquelles l’État n’a pas de levier d’action en cours d’année. Par exemple : charge de la dette). Mais dans le même temps les dépenses pilotables ont augmenté de 10,6 Md€.
Ces éléments appellent à engager rapidement des études pour consolider les modèles de prévision, selon la Cour des comptes. Les analyses sur les 443,4 Md€ de dépenses du budget général, au-delà des reports de dépenses et des coups de rabot, montrent que l’exercice des revues des dépenses engagé en 2023 doit conduire à une réelle inflexion des dépenses de l’État.
Certification des comptes de l’État et mécanisme de correction
Pierre Moscovici souligne que pour la 19e année consécutive, les comptes de l’État, avec une situation nette de -1 987,2 Md€, ne peuvent être certifiés sans des réserves très significatives.
Dans la certification des comptes de l’État pour 2024, la Cour des comptes relève :
- cinq anomalies significatives(surévaluation des matériels militaires et de la participation de l’État dans EDF et la Caisse des dépôts, omission de la mention de certains engagements hors bilan sur plusieurs milliards d’euros) ;
- l’absence d’éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son opinion sur onze postes des états financiers.
Le HCFP relève dans un des avis que « la composante structurelle du déficit, supérieure à 5 points de PIB, en représente l’essentiel » et qu’il se révèle supérieur de 1,5 point à celui inscrit dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de 2023.
En conséquence de cet « écart important » entre les résultats de l’exécution et les orientations pluriannuelles du solde structurel, le HCFP déclenche le mécanisme de correction, invitant le gouvernement à présenter :
- les mesures permettant de retourner aux orientations de la LPFP ; ou
- une nouvelle LPFP conforme à la trajectoire du plan budgétaire et structurel de moyen terme entériné par le Conseil en janvier 2025.
L’État ne tient pas compte des réserves émises par la Cour, année après année, souligne Pierre Moscovici dans son audition. Ainsi, en l’absence de mesures significatives en 2025, la Cour des comptes pourrait être amenée à refuser de certifier les comptes de l’État et de la sécurité sociale.
2. PRÉSENTATION PAR LA COUR DES COMPTES : Le budget de l’État en 2024 – Résultats et gestion
COUR DES COMPTES 16.04.2025
La Cour des comptes publie son rapport annuel sur l’exécution et les résultats du budget de l’État en 2024. Son champ est plus étroit que celui des rapports consacrés aux finances publiques dans leur ensemble, qui intègrent, outre les finances de l’État, celles de de la sécurité sociale et des collectivités locales.
Le déficit budgétaire de l’État a atteint 155,9 Md€ en 2024, supérieur de 9,0 Md€ à l’objectif de la loi de finances. Il s’agit d’un mauvais résultat et d’un écart substantiel à la prévision. L’amélioration du solde budgétaire de 17,1 Md€ par rapport à 2023 correspond à un effort minimal qui repose sur l’extinction, en 2024, de mesures de soutien massives – et notamment les boucliers tarifaires – décidées en 2022 pour faire face aux prix de l’énergie. Ce niveau toujours très élevé de déficit tient d’abord aux faiblesses de la loi de finances initiale : dans sa partie « recettes », celle-ci, reposait sur des prévisions trop optimistes, avec in fine un écart majeur de 22,5 Md€ entre prévisions et réalisations, tandis que dans sa partie « dépenses », elle manquait d’ambition, aucune économie structurelle n’étant programmée.
Un besoin de financement et une dette toujours croissants
Le besoin de financement de l’État s’est élevé à 305,6 Md€, en baisse de 9,0 Md€ par rapport à 2023 mais supérieur de 85 Md€ à son niveau de 2019, avant la crise sanitaire. L’encours de dette continue d’augmenter pour atteindre, fin 2024, 2 602 Md€. L’encours total a donc augmenté de 1 075 Md€ en 10 ans et de 780 Md€ depuis 2019.
Cette dégradation de la situation financière de l’État intervient dans un contexte de taux d’emprunt élevés, notamment au second semestre de l’année qui a vu l’instabilité gouvernementale sanctionnée par une prime de risque facturée par les acheteurs de titres français. La charge de la dette totale a atteint 50,1 Md€ en 2024, avec un poids des intérêts fortement croissant puisqu’il est passé de 41,5 Md€ à 46,5 Md€ en 2024.
Des recettes fiscales en légère augmentation par rapport à 2023 du fait de hausses d’impôts mais très inférieures aux prévisions
Les recettes fiscales nettes ont atteint 325,7 Md€ en 2024, en légère augmentation (+ 2,8 Md€, soit + 0,9 %) par rapport à 2023. Il s’agit toutefois d’une progression très modeste, inférieure à celle du PIB, de surcroît tirée par des hausses d’impôt (+6,4 Md€) et non par une dynamique d’ensemble des grands impôts. Surtout, ces recettes fiscales nettes sont inférieures de 22,8 Md€ aux prévisions de la loi de finances initiale, ce qui est inhabituel et considérable pusique cet écart dépasse celui observé en 2023 (- 5,3 Md€). Il s’explique à hauteur de – 9,2 Md€ par l’héritage des moins values de 2023, et à hauteur de – 13,6 Md€ par des effets supplémentaires observés en 2024.
Ces éléments appellent, a minima, à engager rapidement des études pour consolider les modèles de prévisions, principalement en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de TVA. Ils suggèrent aussi que des prévisions plus prudentes exposeraient moins l’État aux mauvaises surprises, notamment lorsque la conjoncture économique n’est pas orientée favorablement comme c’était le cas au moment de l’adoption de la LFI 2024.
Des dépenses en diminution grâce au reflux des dispositifs exceptionnels et à quelques « bonnes surprises », à défaut d’économies pérennes
Les dépenses de l’État ont diminué de 11,3 Md€ par rapport à 2023 pour s’établir à 443,4 Md€. Cette baisse s’explique par l’extinction de dispositifs exceptionnels, pour un total de 17,3 Md€, et par une baisse des dépenses non pilotables (donc par de « bonnes surprises »), pour 4,2 Md€. En parallèle, les dépenses ordinaires dites « pilotables » ont augmenté de 10,6 Md€, l’année 2024 ne marquant donc pas de rupture franche par rapport aux années passées sur ce plan. La Cour relève en particulier l’augmentation marquée des dépenses de personnel avec + 8,0 Md€, sous l’effet des mesures salariales décidées en 2023 mais aussi, plus modestement, du fait de la poursuite de la hausse des effectifs, à hauteur de + 6 719 ETP sur le budget général.
L’année 2024 a de plus été caractérisée par une gestion serrée des crédits des ministères, marquée par des annulations, reports et surgels successifs, arbitrés sans analyse des marges de manœuvre réellement disponibles et aux prix de décisions parfois contradictoires. Ce pilotage erratique et peu lisible a permis d’annuler 17,8 Md€ de crédits sur l’année et de couvrir ainsi des dépassements sur plusieurs postes de dépenses, à hauteur de 8,0 Md€, la différence, soit près de 9,8 Md€, permettant de limiter la dégradation du déficit budgétaire.
Les analyses de la Cour sur les 443,4 Md€ de dépenses du budget général convergent vers un impératif : au-delà des expédients que constituent certains reports de dépense et autres coups de rabot, il est indispensable que l’exercice des revues de dépenses, engagé début 2023, prenne enfin l’ampleur et la portée nécessaires à une réelle inflexion des dépenses de l’État et étayent de manière crédible le projet de loi de finances pour 2026.