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BETHARRAM : MAISON DE « CORRECTION » ET DE «  NON DROIT »

BETHARRAM VALORISÉ POUR LA DURETÉ APPLIQUÉE AUX ENFANTS ET SOUHAITÉE DES PARENTS ? – « REDRESSEMENT » ET « CORRECTION  » –

« Bétharram, … valorisé pour sa dureté dans la région : on disait volontiers aux enfants turbulents qu’ils allaient être redressés à Bétharram et les familles s’attendaient souvent à ce que leurs enfants subissent une forme de violence physique banalisée (ce que l’on appelait une « correction »). « 
( extrait de l’émission)

UNE ZONE DE NON DROIT ?

« Bétharram est un très bon exemple d’espace qui échappe aux lois de la République »  « Il y a, me semble-t-il, dans l’Église catholique une idée profondément ancrée : celle qu’il existerait des lois supérieures à celles de la République. L’institution ecclésiale, voire sa doctrine, se place au-dessus du droit commun. »

Notre précédente publication

AFFAIRE BETHARRAM : ENTRE RÉFLEXE DU MENSONGE ET TACTIQUE DE COM – LES 12 RÉFUTATIONS

https://metahodos.fr/2025/04/26/affaire-betharram-entre-reflexe-du-mensonge-et-tactique-de-com-les-12-refutations/

ÉMISSION – Abus sur mineurs : de Bétharram à François Bayrou, une même loi du silence 

Publié le mercredi 30 avril 2025 FRANCE CULTURE

Les révélations des violences qui ont sévi dans l’établissement privé catholique ont non seulement mis en cause la responsabilité de François Bayrou, mais ont aussi créé un électrochoc pour les victimes de violences et d’abus sexuels dans ces établissements soumis à une implacable loi du silence. 

Avec

  • Laurence Devillairs, philosophe, enseignante à Paris 1 Panthéon Sorbonne
  • Clémence Badault, journaliste et productrice

La publication, la semaine dernière, du livre Le silence de Bétharram — récit percutant du lanceur d’alerte et ancien élève Alain Esquerre, coécrit avec Clémence Badault — a apporté de nouveaux éléments au déjà très lourd dossier Bétharram. Le témoignage de la fille de l’actuel Premier ministre, elle aussi victime de violences, s’ajoute à des centaines d’autres, confortant l’image d’enfer associée à cet établissement privé des Pyrénées-Atlantiques. Ce matin, Clémence Badault est avec nous pour mesurer l’ampleur du scandale et tenter de restituer l’historicité de ces abus. En deuxième partie, la philosophe Laurence Devillairs, professeure de philosophie du droit à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, nous aide à comprendre comment des structures opaques comme Bétharram instaurent et entretiennent une loi du silence propice à toutes les dérives.

Sortir de Bétharram

L’ouvrage Le silence de Bétharram raconte l’enfermement des victimes de l’institution et le parcours d’Alain Esquerre vers le dévoilement des crimes commis sur lui et ses camarades. Pendant quarante ans, il dit être resté mentalement prisonnier de l’institution, arpentant en pensée ses couloirs et ses pièces, incapable d’en détacher son esprit. Il raconte avoir longtemps cru être seul dans cette errance silencieuse, avant de comprendre, bien plus tard, qu’ils étaient en réalité nombreux à partager ce même enfermement intérieur. Chacun, isolé dans sa souffrance, formait une communauté invisible d’enfants oubliés. Ce livre, dit-il, vise à faire exister leur histoire collective.

À l’antenne, Clémence Badault rappelle immédiatement l’ampleur et la dimension systémique de l’enfer de Bétharram, c’est le plus grand scandale de pédocriminalité dévoilée à ce jour en France. Sur cinquante ans, dit-elle, le nombre de victimes s’élève à 203 élèves et on compte 30 agresseurs : à Bétharram la pédocriminalité et les violences sur les enfants font système, elles sont perpétuées et sont perpétrées sur plusieurs générations. Bétharram, en plus d’être un établissement dirigé par une succession de directeurs eux-mêmes agresseurs, est également valorisé pour sa dureté dans la région : on disait volontiers aux enfants turbulents qu’ils allaient être redressés à Bétharram et les familles s’attendaient souvent à ce que leurs enfants subissent une forme de violence physique banalisée (ce que l’on appelait une « correction »). Ainsi faut-il comprendre Bétharram comme l’émanation d’une culture de la violence à l’encontre des enfants que Clémence Badault explique en ces termes : « Souvenez-vous qu’en 1996, François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale, se fait voler par un gamin pendant une interview : il lui met une claque, et sa cote de popularité grimpe de dix points. On est dans cet état d’esprit-là en 1996. Une claque. Les châtiments corporels infligés aux enfants ne sont d’ailleurs pas interdits par la loi à cette époque ; ce ne sera le cas qu’en 2019. On les accepte, voire on les recherche. Je pense que certains parents ont sciemment placé leurs enfants dans cet établissement pour qu’ils soient cadrés, pour qu’ils deviennent des hommes forts, virils — et peut-être aussi parce qu’ils n’avaient pas envie de s’occuper eux-mêmes de cette part-là de l’éducation. »

Sortir de Bétharram ne relève donc pas seulement d’un travail de mémoire : c’est aussi affirmer la nécessité d’un autre modèle éducatif, en rappelant que ce qu’on appelait autrefois redressement ou correction n’était, en réalité, rien d’autre que des passages à tabac.

Omerta ecclésiale

Laurence Devillairs interroge la permanence de ce qu’elle appelle des « zones de non-droit », c’est-à-dire des régimes d’exception et Bétharram est un très bon exemple d’espace qui échappe aux lois de la République. La philosophe étend ce constat à l’institution catholique en général : « Il y a, me semble-t-il, dans l’Église catholique une idée profondément ancrée : celle qu’il existerait des lois supérieures à celles de la République. L’institution ecclésiale, voire sa doctrine, se place au-dessus du droit commun. C’est précisément cette croyance qu’il faut déconstruire et condamner. » Elle explique le mécanisme d’enfermement dans cet espace de violence sourde : « Ces institutions fonctionnent en vase clos, dans un entre-soi étanche. Lorsqu’on y est plongé, tout ce qui existe en dehors semble s’effacer : en théorie, on sait qu’il y a un monde extérieur, qu’il y a les lois de la République — mais concrètement, elles n’ont plus cours. Tout est verrouillé. »

C’est aussi cet espace liminaire, dans lequel ne s’exerce plus le droit public, qui instaure la loi du silence. Clémence Badault explique ainsi le mutisme des professeurs : « On peut légitimement s’interroger sur le silence des professeurs. Ils étaient nombreux, et il est difficile d’imaginer qu’ils ignoraient les violences physiques : des enfants revenaient avec le nez cassé, en sang, ou les cheveux arrachés. Pourtant, à l’exception d’une professeure de mathématiques, aucun n’a donné l’alerteLors de l’affaire de 1996, le père Carricart les réunit : d’ordinaire vêtu en laïc, il se présente cette fois en soutane et leur intime de garder le silence, au nom de la protection de l’institution.« 

LIEN VERS L’ÉMISSION

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