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« MÉCOMPTES PUBLICS » : OSER DIRE LA VÉRITÉ SUR LES FINANCES PUBLIQUES ET L’URGENCE ABSOLUE DE LES RÉÉQUILIBRER – DOSSIER

1. ARTICLE – « Mécomptes publics » : François Ecalle, le moine soldat des finances publiques

Au lendemain de la conférence pilotée par le Premier ministre François Bayrou, l’ancien magistrat de la Cour des comptes, devenu l’expert incontournable des finances publiques, publie un livre intitulé Mécomptes publics, dans lequel il déplore le manque de réformes.

DAVID BENSOUSSAN. 16 AVRIL 2025 CHALLENGES

Il fait figure de Sisyphe du déficit. Omniprésent sur les plateaux télés et dans les journaux, François Ecalle plaide sans relâche pour le redressement des comptes publics et l’efficacité de la dépense. Au lendemain de la conférence sur les finances publiques, pilotée par le Premier ministre François Bayrou, l’énarque publie un livre intitulé Mécomptes publicsaux éditions Odile Jacob. Il y revient sur son parcours, d’abord au sein de Bercy, à la direction du Trésor, puis à la Cour des comptes, dont il pilota le rapport annuel sur les finances publiques pendant sept ans. Depuis 2016, il se consacre à la tenue du site Fipeco, qui réunit fiches pédagogiques et commentaires d’actualité, devenu une référence incontournable.

François Ecalle explique avoir voulu combler un vide idéologique entre les macro-économistes keynésiens, qui n’accorderaient pas assez d’importance à la maîtrise du déficit, et les libéraux purs et durs, qui prônent souvent de coûteuses baisses d’impôts tout en restant bien timorés sur les économies à faire. Désormais à la retraite, l’ex-magistrat rappelle, au passage, qu’il n’a pas été soutenu par son ancienne maison. Bercy a, de manière incompréhensible, refusé de considérer que les dons versés à Fipeco puissent bénéficier d’une réduction d’impôt « au motif que ses activités ne seraient ni scientifiques ni pédagogiques ». Un comble. C’est donc un héritage personnel qui a longtemps permis à son association de fonctionner.

Ces réformes restées lettre morte

« J’ai souvent l’impression d’écrire aujourd’hui, notamment dans mes billets sur le site de Fipeco, la même chose qu’il y a trente ou quarante ans dans les notes de la Direction de la prévision sur les grands sujets de politique économique », se lamente l’auteur, au moment de dresser le bilan de sa carrière de haut fonctionnaire. Certaines de ses recommandations ont certes fini par être suivies d’effets au bout de longues années, comme la suppression des aides publiques aux préretraites, le renforcement de la régulation bancaire ou la fin du « verrou de Bercy », qui réservait au fisc le droit de porter plainte pour fraude et donc d’engager des poursuites pénales.

Droits de douane américains, trou budgétaire français… les patrons sur le pied de guerre face aux chocs à venir

Mais les rapports restés sans suite semblent bien plus nombreux. Les avantages fiscaux en faveur de l’investissement locatif ont persisté, les problèmes de ressources humaines au sein de la fonction publique sont encore légion et les évaluations socio-économiques des investissements publics sont toujours largement ignorées par les décideurs politiques. Certaines réformes majeures, défendues par l’expert, sont également restées lettre morte. C’est notamment le cas du « bouclier sanitaire », détaillé dans l’extrait ci-dessous. Ce dispositif pourrait toutefois revenir dans le débat public, alors que le déficit de la Sécurité sociale a atteint 15 milliards d’euros en 2024 et devrait dépasser les 20 milliards cette année.

Mécomptes publics par François Ecalle : extraits pages 114 à 115.

En avril 1994, quatre mois après avoir été chargé des fonctions de sous-directeur des finances publiques, j’étais déjà convaincu qu’il était nécessaire mais aussi très difficile d’améliorer l’efficacité du système de santé. En outre, les mesures proposées par la direction et conduisant à réduire les taux de remboursement, comme les franchises par consultation ou la déconnexion entre prix de vente et prix de remboursement des médicaments, me paraissaient difficilement acceptables. J’ai alors écrit une note interne à la Direction de la prévision (DP) dans laquelle je proposais de plafonner les sommes qui restaient à la charge des ménages en fonction de leur revenu. Si, par exemple, ce plafond était de 3 % des revenus, les ménages seraient remboursés à 100 % à partir du moment où leur reste à charge atteindrait 3 % de leurs revenus jusqu’à la fin de l’année.

La mise en place d’un tel plafonnement des restes à charge permettrait ensuite de réduire le déficit de l’assurance maladie en augmentant les tickets modérateurs ou les franchises tout en protégeant les plus modestes. Cette courte note (trois pages) n’approfondissait pas assez les caractéristiques du remboursement des dépenses de santé (exonération de ticket modérateur pour les affections de longue durée, interventions des assurances complémentaires), les difficultés techniques (échanges d’informations entre les services fiscaux et les caisses d’assurance maladie sur les revenus) mais aussi les avantages (simplification et réduction du coût de gestion des remboursements) d’une telle réforme, si bien que je n’ai pas convaincu mon équipe de creuser cette idée.

Considérant que je n’avais pas à la faire travailler sur ce qui était peut-être une lubie, je ne suis pas allé plus loin, mais cette idée m’est restée dans la tête. En 2006, alors que j’étais à la Cour des comptes, je l’ai reprise dans un court billet sur un blog de l’Institut de l’entreprise et, en avril 2007, je l’ai présentée avec une argumentation beaucoup plus solide dans un article publié par la revue Sociétal. Au même moment, Pierre-Louis Bras avec deux coauteurs ont publié un article dans la revue de droit social où ils proposaient de remplacer le dispositif des affections de longue durée par un plafonnement des restes à charge. Ils utilisaient le mot « bouclier », mais leur bouclier était en euros, ce qui est moins pertinent qu’un bouclier en pourcentage du revenu pour protéger les plus modestes.

En juin 2007, alors que le gouvernement de François Fillon venait d’annoncer l’instauration de forfaits et franchises sur le remboursement de certaines dépenses de santé (médicaments, consultations…), Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives, a proposé publiquement la mise en place d’un « bouclier sanitaire » sous la forme d’un plafonnement des restes à charge en fonction du revenu. Le gouvernement a demandé un rapport sur cette proposition à deux magistrats de la Cour des comptes, Raoul Briet et Bertrand Fragonard, qui l’ont soutenue. Ce projet de réforme a néanmoins été enterré en raison notamment du lobbying des mutuelles, qui avaient très peur que ce bouclier ne détourne les Français de la souscription d’assurances complémentaires. Il refait surface de temps en temps, de nombreuses études en ont démontré la pertinence, et je continue à le soutenir.

2. ARTICLE – Finances publiques : François Ecalle, l’expert qui prédit la catastrophe

Par  , pour Le Figaro Magazine

Il y a 2 joursSUIVRE

Sujets

PORTRAIT – François Bayrou veut un référendum sur les dépenses de l’État. Mais les Français ont-ils pris la mesure du problème ? L’ancien auditeur de la Cour des comptes ne se fait aucune illusion : les Français sont incorrigibles.

Avec ses copains, au lycée Carnot, dans le XVIIe arrondissement de Paris, il assurait, sous divers pseudos, la rédaction de tous les articles du journal de liaison de leur association, TiersMonde17. On était en 1974, et les cathos de gauche (mais pas trop) s’efforçaient, avec l’aumônier du lycée, de lever des fonds pour « trouver du pain à ceux qui n’en ont pas ». Malgré cette vocation précoce, François Ecalle a délaissé les rêves humanitaires pour devenir l’un des scrutateurs les plus respectés des comptes de la nation. Il l’a été pour la Cour des comptes et pour le ministère des Finances. Puis, mis à la retraite de la fonction publique, il a continué avec le site d’information Fipeco, qu’il a créé en 2016. Comme dans ses années de lycéen, il y rédige toutes les notes de synthèse, mais cette fois-ci sous son nom.

Son site est une référence obligatoire pour les hauts fonctionnaires de Bercy, les parlementaires et les journalistes. Cela lui vaut aujourd’hui une notoriété de circonstance…

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3. ARTICLE – François Ecalle : « Avec l’âge et l’expérience, j’ai de plus en plus de doutes sur la capacité de l’Etat à intervenir efficacement dans la vie économique »

Réformer les services et administrations de l’Etat, maîtriser des finances publiques qui n’ont cessé de déraper dans les grandes largeurs depuis des décennies, est-ce possible ? A la lecture du livre Mécomptes publics de François Ecalle, on peut en douter

Publié le 27 avril 2025 L’OPINION François Ecalle 

Les faits – 

François Ecalle a notamment travaillé à la Direction de la prévision de Bercy, puis à la Cour des comptes. Ancien rapporteur général du rapport annuel sur les « perspectives des finances publiques », il est désormais l’auteur du site de référence sur les finances publiques, fipeco.fr. Il a publié le 16 avril Mécomptes publics, Conception et contrôle des politiques économiques depuis 1980(Odile Jacob, 320 p., 24,90 euros).

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« Avec l’âge et l’expérience, j’ai de plus en plus de doutes sur la capacité de l’Etat à intervenir efficacement dans la vie économique. D’un côté, l’horizon des élus est très court (…) D’un autre côté, les administrations sont très inertes et prennent beaucoup de temps pour se redéployer (…). Il faut donc leur donner plus de moyens, et les dispositifs administratifs s’accumulent ». François Ecalle a hanté les couloirs de Bercy et de la Cour des comptes pendant plus de trente ans. Dans son livre, Mécomptes publics, il raconte ses enquêtes. Extraits édifiants.

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