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PRISONS INSUFFISANTES : L’INSPIRATION ALLEMANDE DU GARDE DES SCEAUX

ARTICLE – Comment Darmanin s’inspire de l’Allemagne pour désengorger les prisons

Le garde des Sceaux entend déjudiciariser certaines affaires ou accélérer, à défaut, leur traitement. Mais ces mesures ne convainquent pas totalement.

Par Thomas Graindorge. 12/05/2025 LE POINT

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Le ministre de la Justice veut être force de propositions, et n’hésite donc pas pour cela à aller s’inspirer du voisin allemand. Gérald Darmanin a en effet formulé plusieurs propositions, la semaine dernière, et l’une d’elles concerne notamment la surpopulation carcérale. Après s’être rendu dans le complexe pénitentiaire allemand de Meppen, à la frontière avec les Pays-Bas, il a évoqué la création de prisons modulaires, selon France Info .

Ces préfabriqués en béton armé, dont cette prison constitue le projet pilote, ont pour objectif de lutter contre la surpopulation carcérale en permettant de ne laisser passer qu’une dizaine de mois, de la planification à l’emménagement des détenus dans ces nouvelles cellules. Leur construction modulaire, tels des Lego, n’empêche cependant pas une sécurité maximale.

À lire aussi : Faire payer les prisonniers : une vraie bonne idéeLe ministre de la Justice, qui estime qu’il n’y a désormais « plus de lieux “safe” » en France , a semblé séduit par la proposition et a annoncé la construction de structures modulaires pour de courtes peines ou des détenus en semi-liberté. L’objectif est de lutter contre la surpopulation carcérale : actuellement, 82 000 personnes dorment dans les prisons françaises. Mais celles-ci n’ont une capacité que de 62 000 places. Cinq mille prisonniers dorment donc sur des matelas à même le sol.

Vers un plaider-coupable pour les crimes

Selon Gérald Darmanin, 3 000 places dans ces prisons modulaires pourraient être érigées en l’espace de dix-huit mois. La première devrait sortir de terre à Troyes, dans l’Aube, à l’automne 2026. Pour le ministre, cela permettrait à ces détenus aux peines faibles de vivre dans un régime moins coûteux : 200 000 euros par détenu et par an, contre 400 000 euros habituellement.

Ce n’est pas la seule initiative envisagée par l’ancien maire de Tourcoing. Dans une lettre aux magistrats, dimanche 11 mai, il a dit souhaiter « remettre du bon sens, de l’efficacité concrète et de la rapidité » dans le système judiciaire qui connaît « d’importants dysfonctionnements », rapporte BFMTV. Il souhaite notamment l’extension de la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité aux crimes.

À lire aussi : « Nous avons peur » : les agents pénitentiaires en alerte après les attaquesCette procédure, également qualifiée de plaider-coupable, permet de juger rapidement l’auteur d’une infraction qui a reconnu sa culpabilité. Elle s’applique pour une grande majorité des délits, mais pas pour les crimes et les contraventions. « Soixante pour cent reconnaissent être auteurs de faits criminels. Cela ferait gagner du temps à tout le monde », a justifié Gérald Darmanin, qui a usé de la métaphore de « l’autoroute avec des sorties possibles avant péage » et qui souhaite la mise en place d’une médiation obligatoire dans certaines affaires civiles, comme les contentieux, pour « déjudiciariser certains sujets ».

Autre sujet : les chefs de peine. De 235 actuellement, le ministre souhaiterait les limiter à 4 : prison, probation (respect de conditions particulières durant une période imposée), amende et interdiction/obligation. Pour lui, les peines de probation ou les amendes doivent être « privilégiées », la prison devant être réservée aux narcotrafiquants ou aux atteintes à la personne.

Des propositions qui divisent

Le garde des Sceaux, candidat potentiel en 2027 , a également expliqué ne pas être favorable aux « ultracourtes peines », de quelques jours ou de quelques semaines. « Il n’y a pas d’efficacité prouvée. Mais je suis favorable aux courtes peines, de plus de deux mois », a-t-il précisé. Enfin, il a dit envisager la mise en place de prisons « thématiques », où les détenus seraient catégorisés selon leur niveau de dangerosité.

Des propositions qui n’ont cependant pas entièrement convaincu Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui contrôle les conditions de prise en charge carcérale. « C’est beaucoup de déception », a-t-elle réagi sur France Info. Elle a par exemple regretté l’abandon de la proposition, préconisée par plusieurs magistrats, d’une « réduction de peine exceptionnelle » pour une majorité de détenus.

À lire aussi : Attaques de prisons : la qualification terroriste abandonnéeSi Dominique Simonnot s’est dite « tout à fait d’accord » avec l’idée des peines alternatives, elle a dénoncé l’insuffisance de la mesure au vu de la surpopulation carcérale. « Où est la recherche de la réinsertion ? » a-t-elle enfin affirmé, elle qui privilégie cette politique à « l’allongement des peines », affirmant que 75 % des détenus allemands ont une activité professionnelle, contre 28 % en France.

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