
ÉMISSION – L’État consacre 1 % de son budget à la politique de la ville alors que ces quartiers rassemblent 10 % de la population
Par Ouafia Kheniche ⸱ Publié le vendredi 7 février 2025 FRANCE CULTURE
La politique de la ville est quasiment sortie des radars politiques depuis des années. Le Journal de l’éco est consacré aujourd’hui à son financement.
La politique de la ville est quasiment sortie des radars politiques depuis des années… La question des 1 500 quartiers prioritaires, quand elle est abordée, l’est quasiment uniquement sous l’angle sécuritaire. Mais alors que le budget vient d’être adopté et que quelques jours auparavant l’État a annoncé son intention de supprimer l’enveloppe destinée au financement de 5 000 postes « d’adulte-relais « , les empois dits « aidés« , le Journal de l’éco est consacré aujourd’hui au financement de la politique de la ville.
Ce financement se fait via deux volets : l’un consacré à la rénovation urbaine et l’autre à la cohésion sociale.
La rénovation urbaine, c’est le volet le plus lourd, un vaste et long programme… Dix milliards d’euros sur 5 à 7 ans… financés à 95% non pas par l’État mais par le 1% patronal d’abord, puis par les bailleurs, c’est-à-dire par le paiement des loyers, donc par les habitants de ces quartiers. L’autre volet, consacré à la cohésion sociale, représente 500 millions d’euros effectivement payés par l’État, à répartir dans des territoires situés en zones urbaines et rurales, qu’il s’agisse de grandes ou de petites villes… ayant en commun des taux de pauvreté et de chômage élevés.
Et finalement l’État consacre moins de 1% de son budget à la politique de la ville… alors que ces quartiers rassemblent 10% de la population.
Pour Renaud Epstein professeur de sociologie à sciences Po Saint-Germain-en-Laye la question du financement de la politique de la ville va au-delà des crédits qui lui sont directement consacrés :
« Le gros de la dépense publique dans ces quartiers, comme d’autres territoires, ce sont les politiques de l’Éducation nationale, de la police, globalement des services publics. La question qui est vraiment posée, ce n’est pas « est-ce qu’on met plus ou moins 1 million, 10 millions, 100 millions pour la politique de la ville ? Est-ce que ces politiques qu’on dit ordinaire de droit commun traitent de façon égale les quartiers les plus pauvres visées par la politique de la ville ? Non. La réalité, c’est que les politiques ordinaires traitent de façon inégalitaire ces quartiers et que le petit plus qui est apporté par la politique de la ville ne vient pas compenser les inégalités de traitement des politiques ordinaires ».
Outre ce manque d’équité territoriale, l’état doit faire un effort pour mesurer les effets de ces politiques publiques :
« On a choisi de ne pas se donner les moyens budgétaires, notamment de suivre où va l’argent, pour pouvoir évaluer, pour pouvoir juger si ces quartiers bénéficient de plus ou moins d’inégalité de traitement. L’État ne s’est jamais doté des moyens permettant de l’État et les collectivités locales non plus. Parce que se pose aussi la question à l’échelle d’une ville, est-ce qu’on traite de façon égale les quartiers populaires et les quartiers de centre-ville ou d’autres quartiers ? On n’a pas aujourd’hui les moyens de répondre, malheureusement, à cette question. »
Fin mars, un comité interministériel est convoqué par la ministre déléguée à la ville, Juliette Méadel. Les élus des quartiers concernés espèrent justement qu’une véritable méthode d’évaluation sera enfin mise en place, une sorte de géolocalisation des budgets publics pour savoir ce qui est réellement efficace.