ARTICLE – Alerte enlèvement: d’abord omniprésent, Elon Musk semble avoir disparu de la circulation, que s’est-il passé?
The Guardian, Thomas Messias – 26 mai 2025
Le patron de SpaceX et Tesla paraissait être devenu le meilleur ami de Donald Trump. Mais le vent n’a mis que quelques mois à tourner.
Début 2025, des individus mal informés auraient légitimement pu croire que Donald Trump avait choisi Elon Musk pour être le vice-président de son deuxième mandat. Le milliardaire était partout: sur chaque photographie, dans chaque dossier sensible, sur toutes les lèvres. Mais les choses semblent avoir évolué, relève The Guardian: en quelques mois, le boss de Tesla a quitté le devant de la scène, bien qu’il reste le bienvenu à la Maison-Blanche.
Politico, qui vient de publier une analyse intitulée «Pourquoi Elon Musk a-t-il disparu des projecteurs?», montre par exemple que parmi les nombreuses publications de Donald Trump sur sa plateforme Truth Social, celles qui concernent Elon Musk sont de moins en moins nombreuses. En février et mars, la moyenne hebdomadaire était de quatre… mais le score est passé à zéro en avril.
«J’adore Elon Musk», claironnait le président Trump il y a quelques mois, dans un des nombreux courriels destinés à ses soutiens et à ses mécènes potentiels. «Les médias veulent nous diviser, mais ça ne marche pas. Il est formidable.» Depuis, silence radio ou presque. Sur les différents réseaux sociaux, les cadres de la Maison-Blanche ont eux aussi cessé de parler du nabab. Lors des conférences de presse, les journalistes ne le citent plus, comme s’il avait perdu tout intérêt.
Loin d’essayer de donner le change, le PDG de Tesla a lui-même confirmé qu’il avait d’ores et déjà réduit la voilure sur le plan politique. Son rôle de responsable –officieux– du «département de l’Efficacité gouvernementale» (DOGE) ne lui prend plus que deux jours par semaine et il a également indiqué qu’il allait réduire considérablement ses dépenses politiques, ce qui confirme qu’il entend se recentrer sur son empire commercial.
Simple fusible…
Pour expliquer ce revirement fulgurant, The Guardian cite notamment un sondage national mené par la faculté de droit de la Marquette University. Ce dernier indique que 58% des membres de la population des États-Unis désapprouvent la façon dont Elon Musk gère sa mission au sein du DOGE. 60% ont même une opinion défavorable de l’individu. «À mesure que sa cote de popularité baissait, l’intérêt de Trump pour lui diminuait également», commente Ro Khanna, congressiste démocrate. «Trump se débarrasse des gens dont la cote de popularité chute, c’est très transactionnel.»
Il se trouve qu’Elon Musk a rencontré quelques désillusions, notamment en ce qui concerne ses objectifs de coupes budgétaires. Après avoir annoncé des objectifs aussi faramineux que terrifiants, le milliardaire a fini par se rendre à l’évidence: de nombreux obstacles infranchissables allaient se présenter devant lui. «Il a retenu la leçon que beaucoup de chefs d’entreprise prospères apprennent: la démocratie est bien plus dure qu’ils ne l’imaginent et elle ne se plie pas à leur volonté», commente Ro Khanna.
… et boulet pour le camp républicain
C’est ainsi que mercredi 21 mai, l’Institut américain pour la paix a repris le contrôle de son siège social après qu’un juge fédéral a déclaré illégal le licenciement de son conseil d’administration et de ses employés par le DOGE. Le lendemain, une juge fédérale de San Francisco déclarait que Donald Trump ne pouvait pas restructurer et réduire les effectifs du gouvernement américain sans le consentement du Congrès et qu’elle prolongerait probablement sa décision interdisant aux agences fédérales de procéder à des licenciements massifs.
Elon Musk et sa tronçonneuse sont rapidement devenus un boulet pour le camp républicain, qui songe déjà aux élections de mi-mandat 2026. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que les Démocrates fassent de lui un véritable épouvantail politique, dont les méfaits seront mis en avant dans de nombreux spots destinés à critiquer le bilan de leurs adversaires.
Explosion de Falcon 9: Elon Musk a vraiment cru qu’un sniper avait tiré sur sa fusée
Malgré cela, la pseudo «efficacité gouvernementale» est en marche. Des coupes sombres ont été réalisées dans certains effectifs et des agences entières ont été menacées de fermeture. Quant à la structure même du gouvernement, elle a connu des dommages incalculables et difficilement réversibles à court terme. «Nous allons vivre avec les conséquences pendant des années à venir», se lamente Ro Khanna, citant notamment la Food and Drug Administration (FDA), l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et les Instituts nationaux de la santé (NIH). «Il faudra une génération pour reconstruire.»
Celui qui dirige également SpaceX aura tout bonnement joué le rôle de fusible, ce qui semble assez mérité. «Les chiffres des sondages ont provoqué assez de conflits pour que je sois sûr que Donald Trump ait entendu suffisamment de membres dire “Pourrions-nous simplement ne plus parler d’Elon Musk?”», conclut l’expert en stratégie politique Rick Tyler.