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LES VIOLENCES URBAINES : ACCEPTER CE RITUEL CONTRE L’ORDRE RÉPUBLICAIN ?

DÉJÀ PUBLIÉ PAR METAHODOS :

PARIS-SAINT-GERMAIN : DU « SACRE » À LA « MISE À SAC »

https://metahodos.fr/2025/06/04/paris-saint-germain-du-sacre-a-la-mise-a-sac/

« On assiste à un effondrement de toutes les références qui faisaient encore tenir debout la société »

Indique Thibault Tellier dans Marianne (3 6 25)

Auteur d’une « Histoire de la banlieue de France », Thibault Tellier alerte au sein de cette tribune sur la déshumanisation de la jeunesse et la violence devenant une banalité, après les scènes de violence qui ont accompagné la victoire du PSG.

« Les émeutes urbaines qui ont eu lieu tout le week-end à Paris mais aussi en province en marge du match du PSG ont confirmé ce que l’on savait depuis celles de 2023. À savoir qu’il s’agit désormais d’un phénomène endémique qui dépasse le cadre traditionnel d’affrontements entre des populations issues des quartiers dits sensibles et les forces de police. Des villes comme Coutances en Normandie ont, elles aussi, subi des violences fortes. Ce type de commune est pourtant sans lien direct avec les villes connues pour être des lieux d’exercice des violences urbaines. »

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ARTICLE – Violences après la victoire du PSG : « Le désordre est en train de devenir la norme »

Par  Éric Delbecque  03/06/2025 MARIANNE

Eric Delbecque, ancien directeur sûreté de « Charlie Hebdo » après l’attentat de 2015, auteur de « Les Irresponsables. Dix ans après Charlie Hebdo » (Plon, 2015) revient sur la violence urbaine survenue après la finale de la Ligue des champions et propose des pistes pour éviter que le scénario se reproduise.

Les événements survenus après la victoire du Paris Saint-Germain ne relèvent ni de l’improvisation ni du folklore festif débordant. Ils illustrent un phénomène plus grave : la mutation progressive de la violence urbaine en un rituel déstructurant, un acte de défi permanent contre l’ordre républicain. Ce n’est pas d’un excès de liesse populaire dont il est question ici, mais de l’affirmation d’un nouveau régime de la brutalité, désormais banalisé.

Nous vivons une véritable crise de la sûreté publique, qui n’a rien à voir avec les compétences des forces de sécurité intérieure, lesquelles donnent le meilleur d’elles-mêmes pour faire face à la situation. La perte du monopole symbolique et opérationnel de la violence légitime par l’État s’accompagne d’une forme de décivilisation, pour reprendre un mot contesté mais tout à fait adapté à l’insécurité permanente dans laquelle nous baignons maintenant depuis une vingtaine d’années, chaque jour un peu plus.

En effet, l’espace public n’est plus, en certaines circonstances, un lieu d’expression civique ou de célébration collective, mais une compétition d’exactions. Les pillages et attaques ciblées qui ont émaillé cette soirée relèvent d’un répertoire d’action préétabli. Ce sont des actes répétitifs, insérés dans une logique d’habitude où la violence gratuite devient outil d’affirmation sociale pour ceux qui font de la destruction un langage.

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De ce point de vue, souligner que la plupart n’étaient pas préalablement connus par la justice n’a pas une portée déterminante. L’effet d’entraînement a ses limites lorsque l’on reste attaché à être un citoyen un minimum responsable. Ce qui importe, c’est le rapport de ces fauteurs de troubles à la loi, à l’éthique de responsabilité, à leurs concitoyens. Une partie de la jeunesse s’est déconnectée du contrat social. Elle choisit de le saboter. Cette violence n’est pas revendiquée comme politique, mais elle est politiquement signifiante : elle désigne une régression de la figure du citoyen, remplacée par celle du prédateur urbain. C’est un défi à l’État, à l’autorité publique, à la civilité et à l’ensemble de ses compatriotes.

IMPUNITÉ DU CASSEUR, INVISIBILITÉ DE LA VICTIME.

Ce que révèle l’après-PSG, c’est le besoin d’une stratégie globale de sûreté. Il faut arrêter de penser l’ordre public, la sécurité publique, comme une simple question de mobilisation policière ponctuelle et de sanctuarisation de certains périmètres urbains. Ces dernières s’avèrent bien évidemment nécessaires mais il convient d’aller au-delà et de vraiment élaborer une stratégie pérenne de sécurité intérieure intégrant l’idée que les forces de l’ordre ne peuvent être les seules réponses opérationnelles aux malveillances. Elles sont épuisées, démobilisées par des consignes politiques manquant régulièrement de robustesse et de cohérence et submergées par des missions multiples sans véritable priorisation sérieuse

Il est temps de penser l’architecture d’une « capacité de protection » en milieu urbain, répartie entre prévention, dissuasion, et action rapide, incluant de multiples acteurs, publics et parfois privés, voire associatifs. À l’image de ce que nous devons faire dans les établissements scolaires, nous devons concevoir des systèmes hybrides de sécurité intérieure, mêlant anticipation (parfois même renseignement au sens technique), présence humaine qualifiée (pas seulement des policiers ou des gendarmes) et dispositifs techniques. Il ne s’agit pas de militariser l’espace public, mais de le rendre de nouveau praticable sans appréhension par le citoyen.

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Les émeutes contemporaines, quelles qu’en soient les sources, reposent sur une double dynamique : la quasi-certitude de l’impunité et l’invisibilité de la victime. Lorsqu’on attaque des commerces, on s’en prend à des individus souvent modestes, entrepreneurs de quartier. Lorsqu’on incendie des véhicules, on détruit le quotidien de familles fragiles. Il n’y a pas de geste révolutionnaire dans cette violence. Il y a une forme de barbarie contemporaine, froide, calculée, opportuniste. Et ceux qui refusent de le dire, ou la maquillent, participent à sa diffusion.

Il faut nommer les choses. Cette violence est un défi civilisationnel. Le rétablissement de la paix publique n’est pas une obsession réactionnaire : c’est la condition sine qua non du pacte républicain. Il ne s’agit pas seulement de punir, mais de reconstruire. Cela passe par l’école, par la responsabilisation pénale des mineurs, par la revalorisation de l’autorité dans tous les espaces de socialisation. Nous avons longtemps cru que le désordre était l’exception. Il est en train de devenir la norme. Il ne tiendra qu’à nous tous de l’empêcher de se transformer en destin.

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