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UNE POPULATION RURALE « LARGEMENT INVISIBILISÉE » ?

ARTICLE – Paroles de campagne : réalités et imaginaires de la ruralité française

DESTIN COMMUN 13 Juin 2025

Un tiers des Français vit à la campagne. Pourtant, la population rurale reste largement inconnue — ou plutôt mal connue. Trop souvent réduite à des images d’Épinal ou à des caricatures, elle est largement invisibilisée dans l’espace médiatique, culturel et politique.

Ce constat ne vient pas de nous. Il est porté avec force par trois acteurs de terrain engagés dans les territoires ruraux : Bouge ton CoqInSite et Rura  (ex-Chemins d’avenirs). Tous témoignent de l’écart entre la réalité vécue dans ces territoires et la manière dont ils sont perçus, racontés et traités.

A partir de leurs intuitions, nous avons mené une ambitieuse enquête quantitative et qualitative. En donnant largement la parole aux ruraux sur leur quotidien, leurs difficultés et leurs aspirations, l’étude Paroles de campagne démonte de nombreux clichés et révèle une grande convergence entre ruraux et urbains dans la vision de notre pays aujourd’hui et demain.

Mais alors que 51% d’entre eux considèrent qu’aucune des valeurs de la devise républicaine n’est bien appliquée (soit 10 points de plus que chez les urbains), le pacte républicain semble fissuré. À neuf mois des élections municipales, alors que la France compte plus de 30 000 communes rurales, redonner aux habitants des campagnes toute leur place dans le débat public est un impératif démocratique.

Pour nous mettre à l’écoute des habitants de la ruralité, nous avons mené une enquête dont la méthodologie a été conçue pour assurer leur représentation le plus fidèlement possible : elle s’appuie sur un sondage auprès d’un panel de 3 532 personnes, dont un sur-échantillon de 1 557 ruraux identifiés par géo-référencement, ainsi que sur 4 groupes de discussion avec les familles de valeurs les plus représentées dans la ruralité (Militants désabusés, Stabilisateurs, Laissés pour compte et Identitaires).

Ce que révèle l’étude :

  • Des clichés qui s’effondrent :seulement 6 % des actifs ruraux sont agriculteurs, seuls 4 % des ruraux sont chasseurs, et ils sont tout autant engagés que les urbains au plan écologique.
  • Le défi de l’éloignement : 3h d’attente pour un bus, 100 km pour aller chez le dentiste… Ces réalités pèsent lourd sur le quotidien des ruraux. Mais pour la plupart, attachés à la tranquillité et à la beauté de leur environnement, ils assument leur choix de vie dans une forme de compromis rural.
  • Le ressentiment rural est à la fois politique, économique et culturel. 83 % des ruraux dénoncent une vision caricaturale de leur mode de vie ; 81 % estiment que les partis politiques se préoccupent trop des villes et pas assez des campagnes.
  • Une corrélation entre relégation et vote RN: l’étude établit une corrélation nette, à caractéristiques sociales équivalentes, entre éloignement des services, ressentiment rural et vote à l’extrême-droite.
  • Une étonnante convergence entre villes et campagnes :ruraux et urbains partagent une même vision de la France idéale dans 10 ans : elle est d’abord respectueuse de l’environnement, humaine et juste. Ils ne considèrent pas la division villes-campagnes comme l’une des plus structurantes de notre société.
  • Penser la ruralité comme un modèle à investir plutôt qu’un totem du passé : 81 % des Français estiment qu’on devrait davantage s’inspirer de ce qui se passe dans les zones rurales pour résoudre les problèmes à l’échelle nationale. Sobriété, innovation, culture du compromis, convivialité et engagement local… A condition d’être reconnue et soutenue, la ruralité est une ressource pour les transitions à venir et un modèle pour l’ensemble du pays.

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