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ILS ONT DIT : « Je suis en train de regarder en ce moment des Ehpad … que je pourrais modifier pour … y mettre des détenus »

1. ARTICLE – « Modifier des Ehpad fermés pour accueillir des détenus » : Darmanin annonce sur RTL une nouvelle piste pour désengorger les prisons

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, détaille, ce lundi 30 juin sur RTL, son plan pour créer de nouvelles places de prison pour les détenus moins dangereux.

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, le 30 juin 2025 sur RTL

Thomas Sottopublié le 30/06/2025

Pour créer des places dans les prisons, le ministre de la Justice s’intéresse aux Ehpad. Invité de la matinale de RTL ce lundi 30 juin, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’est félicité de la création de places de prison depuis sa prise de fonction tout en indiquant de nouvelles pistes dans le même objectif.

Emmanuel Macron avait évoqué il y a quelques semaines la possibilité de louer des places de prison à l’étranger, ce que confirme le Garde des Sceaux. « Nous avons fait des propositions à nos pays voisins, assure-t-il. On propose à l’Espagne de louer quelques centaines, voire quelques milliers de places à la frontière. C’est aussi le cas en Allemagne qui est à 85% d’occupation de leur prison. On le souhaite le plus rapidement possible. Il faut lever des obstacles juridiques, notamment européens, de rapprochement des familles avec les détenus, mais en tout cas, la demande du président de la République est en train d’être appliquée ». 

En ce qui concerne la construction de prison, « on a eu dix entreprises qui ont répondu à un appel d’offres pour construire en un an et demi des prisons. D’habitude, on fait sept ans pour en construire une. Deux fois moins cher, 200.000 euros la place au lieu de 400.000″.
 
Par ailleurs, le ministre assure être « en train de regarder en ce moment des Ehpad qui sont fermés, que je pourrais modifier pour pouvoir très rapidement y mettre des détenus ». « En France, précise-t-il, on met des détenus, quelle que soit leur dangerosité, dans la même prison. Le terroriste islamiste, le narcotrafiquant, le type qui a roulé bourré dix fois, on le met dans la même prison. C’est complètement idiot. Nous sommes les seuls quasiment en Europe à faire ça. Donc, on est en train de catégoriser les détenus sur leur dangerosité. Je fais une prison de haute sécurité pour les narcotrafiquants, le 31 juillet prochain. Mais je vais aussi faire des prisons à taille humaine, pour ceux qui ne représentent pas de dangerosité pour l’extérieur. Je pense que la bonne solution, ce n’est pas de relâcher les détenus, c’est bien de construire des places de prison ».

2. ARTICLE / « Non, monsieur Darmanin, un Ehpad n’est pas une prison désaffectée »

Par  Aurélie Aulagnon et  Laurent Garcia. Publié le 03/07/2025 MARIANNE

Au micro de RTL, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a évoqué l’idée de créer des places de prison à l’intérieur d’anciens Ehpad. Aurélie Aulagnon, gérontologue, autrice et conférencière, et Laurent Garcia, président de l’Observatoire du Grand Âge, lui expliquent l’absurdité de cette proposition.

Le 30 juin dernier, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a évoqué au micro de RTL la possibilité de placer des détenus dans des Ehpad [Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] fermés pour réduire la surpopulation carcérale. Nulle autre précision n’a été apportée. Que cela soit envisagé simplement en termes de bâtis désaffectés ou dans des établissements en activités mais fantasmés comme « fermés », le fonds du propos du ministre de la Justice n’est pas entendable de la bouche d’un représentant de la loi.

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Un Ehpad, ce n’est pas simplement « un bâtiment avec des chambres et des portes qui ferment ». C’est avant tout un lieu de vie, de soin, d’accompagnement psychologique et social. C’est un espace pensé pour accueillir des personnes âgées fragilisées, souvent en fin de vie, avec des besoins médicaux lourds, des soins quotidiens, un personnel formé à la gériatrie, à l’accompagnement du handicap, de la douleur, de la perte cognitive et de la fin de vie.

UN MÉPRIS POUR DEUX PUBLICS VULNÉRABLES

En faisant ce type d’annonce, le ministre révèle sa méconnaissance du milieu médico-social. Il ignore les réalités humaines : les équipes épuisées, les besoins en soins constants, les accompagnements en soins palliatifs, les protocoles d’hygiène, les liens fragiles mais précieux tissés entre soignants et résidents.

Transformer ces lieux, même désaffectés, en centres pénitentiaires, c’est méconnaître totalement la spécificité des équipements, l’architecture pensée pour la dépendance et surtout… la symbolique. Un Ehpad reste dans la mémoire collective et locale un lieu de soin, de vieillissement, et parfois de deuil. Pas un lieu d’incarcération.

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Cette proposition témoigne d’une méconnaissance grave des deux réalités concernées : celle de la fin de vie et celle de l’incarcération. Les personnes âgées dépendantes et les détenus âgés ont certes des fragilités en commun, mais leurs besoins d’accompagnement sont radicalement différents. Les protocoles de soins, les personnels, les enjeux de sécurité, les approches psychosociales n’ont strictement rien de comparable. En associant Ehpad et détention, le ministre participe à la croyance décorrélée de la réalité que les Ehpad sont des prisons.

UNE VISION PUREMENT GESTIONNAIRE, DÉCONNECTÉE DU TERRAIN

En réduisant les Ehpad à de simples mètres carrés récupérables, on efface d’un revers de main la dimension humaine de ces établissements. Le gouvernement semble ici raisonner en gestionnaire de patrimoine immobilier, pas en garant de la dignité des personnes. Après les sous-effectifs chroniques, les budgets en berne et les crises sanitaires, voilà maintenant que les Ehpad deviennent les variables d’ajustement du système pénitentiaire. Par l’association des lieux de vie pour personnes dépendantes à des prisons, Gérald Darmanin méprise la réglementation fondamentale de ces établissements, basée sur la loi 2002-2.

Cette loi, rappelons-le, a conduit à la naissance de la Charte des droits et libertés des personnes accueillies et permet d’appliquer le principe de l’article 66 de la Constitution française « nul ne peut être arbitrairement détenu » au sein des établissements médico-sociaux. Une loi que s’emploient tant bien que mal à mettre en œuvre les professionnels du secteur malgré le manque de moyens, de professionnels, de reconnaissance. En Ehpad, le droit d’aller et venir est garanti pour les résidents.

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Gérald Darmanin évoque « les détenus et les professionnels soignants » au milieu de ses propos sur la surpopulation carcérale en ces temps de canicule. Est-ce un lapsus ou considère-t-il les professionnels du milieu carcéral comme des professionnels du soin ? Pour autant, même si cela ne semblait pas être le fond de la pensée du ministre, mêler grand âge et réinsertion des détenus est une idée bien plus louable que simplement parquer des personnes dans des lieux de fin de vie désaffectés.

LIER GRAND ÂGE ET RÉINSERTION, C’EST POSSIBLE

Oui, il est possible d’envisager des alternatives à la prison, d’alléger des peines, de permettre à des personnes de retrouver un sens à leur existence, en recréant des liens avec d’autres humains. Et c’est tout à fait possible grâce aux établissements médico-sociaux, que ce soit dans le milieu de la personne âgée dépendante ou du handicap. Et cela tombe plutôt bien, puisque nous souffrons du manque de personnel.

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