Aller au contenu principal

LES IRANIENS CONTRE LE VOILE ET L’ISLAM ?

ARTICLE / Ni port du voile, ni islam, en Iran, la population aspire à une sécularisation

La religion en question 

Par  Jeanne Auberger. 11/07/2025 MARIANNE

Une étude publiée par la Fondapol, met en lumière une société iranienne de plus en plus sécularisée, s’éloignant du projet théocratique de 1979.

Guerre contre Israël, répression des mollahs, progression du nucléaire… L’Iran est souvent au cœur de l’actualité, et rarement pour de bonnes nouvelles. Si, de notre point de vue occidental, nous avons aujourd’hui tendance à associer l’Iran au « mal », c’est parce que nous confondons souvent le pays avec son régime : la République islamique.

La Fondapol, think thank européen et progressiste a publié une note sur la sécularisation et la religiosité de la société iranienne, menée par Ammar Maleki, spécialiste de l’Iran, et Pooyan Tamimi Arab, professeur de religion. Cette étude s’appuie sur des données quantitatives recueillies par le GAMAAN (Group for Analyzing and Measuring Attitudes in Iran) dont Ammar Maleki est le fondateur. Il s’agit d’un groupe de recherche à but non lucratif, établi aux Pays-Bas depuis 2019 et qui mène des enquêtes en ligne auprès des Iraniens résidant dans le pays.

LA RELIGION, UN PILIER DU RÉGIME

98 % des Iraniens interrogés se considèrent comme musulmans, selon une enquête menée par IranPoll, un centre d’étude et de sondage, et le World Values Survey (WVS), un programme de recherche international. Or lorsque la même question est posée de manière anonyme par le GAMAAN, on constate que seulement 32 % de la population adulte alphabétisée (soit 88 % de la population totale) se considère comme musulmane chiite. 22 % se déclarent « sans appartenance ». Cette méthodologie, reposant sur l’anonymat et en ligne, maximise de fait les chances d’avoir des résultats les plus authentiques possibles. D’autres études menées au téléphone ou en face-à-face montrent que la parole est moins libre.

À LIRE AUSSI : Iran – Israël : « La disparition d’Ali Khamenei pourrait renforcer la répression et le pouvoir des militaires »

Rappelons que depuis l’avènement de la République islamique en 1979, l’islam, et plus précisément du chiisme duodécimain est inscrit dans la Constitution comme religion d’État. La religion structure l’ensemble de l’appareil politique, juridique et éducatif du pays. Omniprésente au sein des institutions, elle sert fréquemment de fondement idéologique pour justifier les décisions du pouvoir, qu’il s’agisse de lois internes, de restrictions des libertés publiques, ou d’actions sur la scène internationale, y compris des conflits armés. Ainsi, le discours religieux constitue depuis plus de quatre décennies l’un des piliers de la légitimation du régime.

Pourtant, les auteurs de la note affirment que désormais, la société iranienne tend vers un modèle sécularisé, et la jeune génération en particulier. Cette jeunesse, qui s’est soulevée à plusieurs fois ces dernières années, en 2009 lors du mouvement vert ou plus récemment en 2022 avec le slogan « Femme, Vie, Liberté » est plus sécularisée que la génération de ses parents. Cela s’explique notamment par le fait que les jeunes Iraniens d’aujourd’hui n’ont connu ni la Révolution de 1979, ni la guerre entre l’Iran et l’Irak entre 1980 et 1988. Ils ont également grandi dans un pays connecté au monde extérieur, grâce à internet et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, 90 % des Iraniens alphabétisés utilisent internet (contre 78 % en Irak et 22 % en Afghanistan, pays voisins).

À LIRE AUSSI : « Pas une année sans otage depuis 1979 » : en Iran, une arme diplomatique terriblement efficace

LES AUTRES SIGNIFICATIONS DU HIJAB 

Un autre élément notable est la question du port du hijab. Obligatoire pour toutes les femmes de plus de 9 ans dans l’espace public depuis 1979, ce dernier est de plus en plus contesté. Ainsi, à la question « Le hijab doit-il être obligatoire en public ? », posée par le GAMAAN en 2020, 74,3 % des sondés de plus de 50 ans, 68,4 % des 30 – 49 ans et 78 % des 20 – 29 ans ont répondu par la négative. On pourrait penser que les plus âgés seraient plus conservateurs, mais ayant connu l’Iran d’avant 1979, où le port du voile n’était pas imposé, ils semblent attachés à la liberté de choix. Étonnant également : l’écart entre les sexes est très faible sur cette question. Ainsi, 71 % des hommes interrogés sont opposés à l’obligation du voile, contre 74 % des femmes.

Pour le chercheur Mahmoud Pargoo, auteur de « Secularization of Islam in Post-Revolutionary Iran », (Londres, Routledge, 2021), cité dans la note, le port du hijab a pris d’autres significations depuis les années 2000 : « Utilitaires (protection de la famille ou des liens conjugaux), nationaux (ses prétendues racines dans la culture persane ancienne) ou juridiques (toutes les sociétés ont des règles minimales en matière d’habillement et l’Iran ne fait pas exception à la règle) ».

À LIRE AUSSI : « Les Gardiens de la révolution : maîtres de l’Iran » (Arte) : enquête glaçante sur l’armée de l’ombre qui a semé le chaos à Téhéran

Et de poursuivre : « Dans ce contexte, si le hijab reste au cœur de l’identité religieuse, il est justifié par des arguments séculiers plutôt que par la charia. En d’autres termes, une règle religieuse est en train d’être sécularisée». Et peut-être toute la société.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.