ARTICLE – « La haine de la culture occidentale »
Alors que les nouveaux empires américain, russe ou chinois semblent obsédés par le souhait par le désir de marginaliser l’Europe et sa culture, l’écrivain Jacques-Yves Bellay appelle les acteurs du monde de la culture à résister. Sans toutefois oublier de se remettre en question pour éviter la sclérose.
Jacques-Yves BELLAY (*). 05/07/2025 OUEST FRANCE
« Les nouveaux empires américain, russe ou chinois partagent la même obsession : marginaliser l’Europe et ce qu’elle représente, la culture issue des Lumières et sa promotion de la liberté de penser.
L’exemple le plus récent nous vient des États-Unis où, sous l’influence des gourous de la tech, la démocratie est combattue, ciblée comme une violence symbolique annihilant la personne. La culture démocratique doit être éradiquée au profit d’individus séparés les uns des autres. Un nouveau Léviathan, la machine algorithmique gouvernée par l’Intelligence artificielle, assurera un futur d’abondance illimitée.
Des œuvres majeures de la littérature mondiale comme 1984 de George Orwell ou les livres de Toni Morrison, sont interdits sur le territoire américain, 10 000 titres ont été retirés des bibliothèques. Ne parlons pas de la Chine ou de la Russie où toute pensée hors système est interdite, passible d’enfermement.
Il ne faut pas se méprendre : cette détestation de la création, qu’elle soit théâtrale, musicale ou littéraire, commence à gangrener les sociétés occidentales. L’été qui vient, voit fleurir une multitude des festivals à travers le pays. Mais, sous l’effet, parfois d’aubaine, de la crise des financements, nombre de collectivités territoriales rabotent les crédits qui leur sont dédiés, pour quasiment les supprimer comme en Région Pays de la Loire.
Les populismes, avoués ou souterrains, ont une méfiance congénitale du monde des artistes parce que ses derniers sont, par définition, subversifs. La bien-pensance ne donne lieu qu’à la reproduction d’un passé à jamais éteint quand le créateur s’efforce de donner sens à la liberté humaine.
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Résister et… balayer devant sa porte
L’univers culturel est devant l’impératif catégorique d’entrer en résistance et de le faire savoir. Cependant, il doit aussi balayer devant sa porte. Trop souvent, il vit dans l’entre-soi où les mêmes causent aux mêmes. Ainsi, si le régionalisme breton, corse ou basque mérite d’être promu, les exemples sont trop nombreux où, à l’image d’un parisianisme qu’ils détestent, les manifestations culturelles tournent en boucle au fil des ans, incapables de renouveler la sphère de leurs dirigeants, jusqu’à l’extinction des feux.
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On ne peut que se féliciter que le Festival Étonnant Voyageurs de Saint-Malo échappe à cette sclérose mentale. Crée par Michel Le Bris et repris aujourd’hui par Jean-Michel Le Boulanger, il est plus que jamais la vitrine d’une « littérature monde », à l’opposé de l’esprit de boutique. Il n’est pas le seul, évidemment, quand il convient de redonner à l’art son esprit initial, celui d’une révolte contre les idéologies dominantes.
« Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l’activité de penser » Ces mots d’Hannah Arendt dans son ouvrage La crise la culture, sont d’une actualité criante. La génération qui vient sera confrontée à des défis immenses, car elle n’échappera pas aux tentatives des nouveaux Léviathan. Les responsables de nos pays occidentaux sont fascinés par les géants de la Silicon Valley. Ils leur déroulent le tapis rouge. Ils ne peuvent agir sans tenir compte des nouvelles technologies, soit, sauf qu’ils n’intègrent pas la menace formulée clairement par les prédateurs de la pensée libertarienne, de celle du FSB ou du Parti communiste chinois : la mort de la culture européenne. Le danger est existentiel.
Que l’on se souvienne du mot d’Albert Camus: «il ne s’agit pas de refaire le monde mais d’empêcher qu’il ne se défasse». Le feu couve sous l’héritage d’André Malraux et de Jean Vilar. »
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(*) Essayiste, collaborateur de la revue « Esprit ». Dernier roman paru : « A l’ombre de Raïssa », Les Perséides. mai 2025.