
ARTICLE – Steven Levitsky : « La Constitution ne sauvera pas la démocratie américaine »
Grand entretien. Pour le co-auteur du best-seller « How Democracies Die », politologue à Harvard, Donald Trump a été plus loin que la plupart des « autocrates élus » contemporains.
Propos recueillis par Charlotte Lalanne Publié le 06/07/2025 L’EXPRESS
Dans ses pires cauchemars, il n’avait pas imaginé un tel recul démocratique aux Etats-Unis. Même sous le règne de Donald Trump. Steven Levitsky, politologue star à l’université Harvard, auteur de livres à succès, dont le best-seller How Democracies Die, coécrit en 2018 avec son confrère Daniel Ziblatt, estime qu’en six mois, son pays a d’ores et déjà cessé d’être une pleine démocratie. La décision historique de la Cour suprême, le 27 juin, qui limite le pouvoir des juges fédéraux de bloquer des lois et décrets, est une étape de plus de ce spectaculaire déclin. Entretien.
L’Express : Votre livre, publié en 2018, commence par cette interrogation : « Notre démocratie est-elle en danger ? » Sept ans plus tard, quelle est votre réponse ?
Steven Levitsky : Clairement, oui. Elle est plus en danger aujourd’hui que ce que nous avions anticipé lorsque nous avons écrit le livre en 2017. En fait, je dirais que les États-Unis, à cet instant, ont déjà cessé d’être une démocratie.
En seulement six mois de présidence Trump ?
C’est arrivé rapidement pour plusieurs raisons. D’abord, car la seconde présidence Trump est très différente de la première. En 2016, Donald Trump ne s’attendait pas à gagner et n’avait pas de plan ni d’équipe. Pour former son cabinet, il s’est donc appuyé sur une combinaison de politiciens républicains plus ou moins classiques et de technocrates de droite, mais il s’agissait tous de figures de l’establishment, qui lui imposaient des contraintes. Au cours des quatre années pendant lesquelles Trump n’était pas au pouvoir, il a consolidé son contrôle total sur le Parti républicain. Plus aucune faction du parti ne s’oppose à lui. Par ailleurs, il a tiré les leçons de la frustration de son premier mandat : il lui fallait un cabinet de loyalistes.
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Trump a toujours été une figure autoritaire. La question était de savoir s’il aurait le pouvoir d’armer le gouvernement pour commencer à attaquer ses rivaux. Cette fois-ci, c’est le cas : il contrôle le Parti républicain, il contrôle son cabinet, et le Parti républicain a la main sur le Congrès.
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