
ARTICLE – « La France pourrait devenir l’Italie d’il y a dix ans » : l’analyse de l’ex-chef économiste du Trésor italien
Pour Lorenzo Codogno, ancien chef économiste du Trésor italien, la France ne pourra réduire son déficit qu’en taillant dans ses dépenses publiques.
Propos recueillis par Baptiste Gauthey L’EXPRESS Publié le 13/07/2025
« Des progrès remarqués et des efforts visibles. Encouragements ». Tel est le commentaire qui pourrait figurer sur le bulletin de fin d’année de l’Italie. Longtemps reléguée au rang de « mauvais élève » de la zone euro, la péninsule était habituée aux remontrances de Bruxelles et à la méfiance des marchés. Mais surprise, depuis quelques jours, Rome emprunte, pour la première fois depuis 2005, à des taux d’intérêts inférieurs à ceux de Paris, et ce malgré une dette plus élevée. La France, dont la prime de risque ne cesse de grimper, récolte quant à elle… un avertissement.
Lorenzo Codogno connaît mieux que quiconque les tourments de la dette italienne. Ancien chef économiste du Trésor italien entre 2006 et 2015, aujourd’hui professeur invité à l’Institut européen de la London School of Economics, il fait preuve d’un optimisme modéré pour son pays. Mais il se montre plus inquiet quant à la trajectoire de la France. Selon lui, la réduction des dépenses courante par la mise en œuvre de réformes ambitieuses est « la seule voie possible ». Et cela implique de s’attaquer à des sujets très sensibles. Entretien.
L’Express : Pour la première fois depuis 2005, l’Italie emprunte à des taux plus faibles que la France. S’agit-il d’un phénomène conjoncturel ou cela révèle-t-il un rééquilibrage plus profond ?
Lorenzo Codogno : Cela traduit une évolution plus structurelle. Il faut toutefois garder à l’esprit que la France reste moins endettée que l’Italie en proportion de son PIB, et que jusqu’à récemment, elle bénéficiait d’une dynamique plus favorable : ses taux d’intérêt restaient légèrement inférieurs à sa croissance économique, ce qui allégeait mécaniquement le poids de sa dette, à condition que le solde primaire (hors charge d’intérêts) soit à l’équilibre.
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Mais cet avantage s’amenuise. L’économie française montre des signes de faiblesse, et son déficit primaire reste important, alors que l’Italie affiche un excédent primaire. Les marchés en tirent la conclusion que, sans effort de redressement budgétaire, la trajectoire française pourrait se détériorer davantage. Et vu le contexte politique français, la perspective d’un redressement s’éloigne. C’est ce qui explique, selon moi, ce basculement.