
ÉMISSION – Hiroshima et Nagasaki : la construction d’une mémoire
Publié le mercredi 6 août 2025 FRANCE CULTURE
Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki par les États-Unis en août 1945 auraient causé la mort de 110 000 à 210 000 personnes. Les souffrances et traumatismes subis par les Japonais ont toutefois longtemps été mis sous silence, au profit d’une lecture glorifiant la réussite technologique.
Avec
- Ken Daimaru, historien des sciences et de la médecine et maître de conférences à Université Paris Cité.
- Masatoshi Inoue, doctorant en histoire des sciences à l’EHESS
Des corps brûlés, pulvérisés par la chaleur de la bombe ou encore consumés à petit feu par les conséquences de la radioactivité… Il a pourtant fallu attendre plusieurs années avant que les survivants, appelés « Hibakusha » au Japon, ne bénéficient d’une reconnaissance médicale et que Hiroshima et Nagasaki ne deviennent une référence pour l’histoire de l’arme nucléaire. 80 ans après, le Japon commémore l’événement, ce mercredi 6 août 2025, aux côtés des représentants de plus de 120 États et régions.
Traitement médiatique
Juste après les bombardements, la préoccupation des journaux français n’est pas de mettre en avant les victimes ou les survivants de ces attaques, mais de mettre en avant l’innovation de ces nouvelles armes de destruction massives, comme le raconte Masatoshi Inoue, doctorant en histoire des sciences à l’EHESS : « Une des premières choses qu’on peut constater, c’est que les survivants ont des visibilités très limitées. Immédiatement après la première attaque nucléaire, beaucoup de journaux français ont présenté la bombe atomique comme une innovation ultra-moderne avec une expression de l’évolution scientifique, ou à une découverte sensationnelle. Le sujet principal était le mécanisme, le processus de développement de l’innovation techno-militaire. » Il décrit l’influence américaine, alliés de la guerre, dans ce traitement médiatique : « Il y a une stratégie d’information étasunienne. Les premières sources des médias français étaient celles des États-Unis et parfois britanniques, qui sont d’abord des alliés de la guerre. Le premier récit qu’on peut trouver dans la presse française, c’était une pilote qui décrit une explosion atomique comme une sorte de spectacle avec la lumière, avec l’onde de choc et aussi le collant de fumée qui monte vers le haut. Dans ce récit, il n’y avait pas de point de vue de victime.«
Les « hibakusha »
Alors que les victimes de Hiroshima et Nagasaki ne seront reconnues comme tel qu’à partir des années 50, un statut de « hibakusha » est créé spécialement pour elles. Ken Daimaru, historien des sciences et de la médecine et maître de conférences à Université Paris Cité, explique ce que la reconnaissance de ce statut a changé pour les victimes : « La loi relative aux soins médicaux des victimes de bombes atomiques a été inaugurée en 1957. Il s’agit d’une première loi japonaise qui reconnaît le statut des victimes de bombardements atomiques et d’une manière générale le bombardement civil de la Seconde Guerre mondiale. a la fin de la guerre, toutes les pensions qui visaient à soutenir les victimes civiles de la guerre ont été supprimées. Donc les premières victimes civiles qui ont fait l’objet de reconnaissance par l’État qui a accepté de fournir des services médicaux. » Pour autant, un nombre de victimes ont choisi de garder le silence : « Le dénombrement de survivants dépendait presque entièrement d’une forme d’auto-identification volontaire. Beaucoup de survivants avaient des raisons de garder le silence sur leur expérience, parce qu’il y avait une stigmatisation associée au bombardement nucléaire et nucléaire. Certains croyaient que les survivants seraient incapables d’avoir des enfants en bonne santé.«
LIEN VERS L’ÉMISSION
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