
MISE À JOUR :
« C’est désormais une habitude.
Les sages de la rue de Montpensier, qui, rappelons-le, ne sont pas élus, corrigent, bloquent, censurent les lois qu’ils estiment contraires au « bloc de constitutionnalité ».
ÉCRIT MARIANNE 13 08 25 QUI POURSUIT
Pourtant, lorsque le général de Gaulle s’est résigné à créer cette institution en 1958, il ne lui a confié qu’un rôle mineur. À cette époque, « la seule cour suprême, c’est le peuple », pour reprendre le mot du fondateur de la Ve République, rappelle Hadrien Mathoux, directeur adjoint de la rédaction de Marianne.
Où se décide la politique de la France ? L’honnête citoyen mentionnera le palais de l’Élysée, l’hôtel de Matignon, les grands ministères, et bien sûr les hémicycles parlementaires de l’Assemblée et du Sénat. Mais ces temps-ci, force est de constater qu’une part importante du destin national se joue sous les ors du Palais-Royal, là où les juges du Conseil constitutionnel ont acquis le pouvoir de faire et défaire les lois à leur main.
Il n’est qu’à observer l’actualité la plus récente. La loi Duplomb, qui a déchaîné des passions contraires et généré une pétition signée par plus de 2 millions de personnes ? Votée par l’Assemblée, elle a perdu toute substance d’un trait de plume, puisque le Conseil constitutionnel a censuré le 7 août dernier sa disposition principale, qui autorisait l’utilisation de produits contenant des néonicotinoïdes. Autre mesure victime des foudres des « sages » de la rue de Montpensier, l’allongement de la durée de rétention administrative (de 90 à 210 jours) des étrangers « condamnés pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive ». Une « atteinte excessive à la liberté individuelle », pour le Conseil. »
RAPPEL : QUELQUES MINUTES SEULEMENT APRÈS LA CENSURE DU Cl Cl MACRON PROMULGUE LA LOI ET IGNORE UNE IMPASSE DÉMOCRATIQUE
MACRON rejette implicitement une nouvelle délibération, profitant du cadeau du Cl Cl
Le groupe écologiste à l’Assemblée a déjà fait part de son intention de déposer une proposition de loi pour tenter d’obtenir « une abrogation totale » de la loi.
LE PROBLÈME ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE DEMEURE
De son côté, la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a estimé que cette décision maintient « une divergence entre le droit français et le droit européen » et les « conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières », en promettant que le gouvernement serait « à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution ».
LE Cl Cl DICTE SA LOI
Laurent Duplomb, sénateur LR qui a porté la loi agricole partiellement censurée, n’a pas exclu vendredi un nouveau texte pour réintroduire l’acétamipride, mais en tenant compte cette fois des critères imposés par les sages.
POUR LES MIGRANTS, LE Cl Cl S’EST EGALEMENT – CONTRE TOUT RAISONNEMENT JURIDIQUE – PLACÉ DANS LE MACRONISME DU NI NI
C’EST D’AILLEURS RICHARD FERRAND LUI MÊME QUI A IMPOSÉ LA POSTURE MACRONISTE SUR LES MIGRANTS AU SEIN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
NOUS VOUS PROPOSONS DE LIRE 7 ARTICLES
1. Le Conseil constitutionnel, une instance devenue trop puissante ?
2. Censures du Conseil constitutionnel : une jurisprudence déconnectée des enjeux sécuritaires contemporains
3. Dérive du Conseil constitutionnel : rendre le dernier mot aux représentants du peuple
4. Rétention des étrangers dangereux : pourquoi la censure du Conseil constitutionnel est juridiquement contestable
5. Jean-Éric Schoettl : pourquoi le Conseil constitutionnel outrepasse ses fonctions
6. Agriculture, narcotrafic, immigration : les censures à répétition du Conseil constitutionnel
7. Le Conseil constitutionnel censure encore un article-clé de la loi immigration
PRÉCÉDENTE PUBLICATION :
RICHARD FERRAND IMPOSE LA POSTURE MACRONISTE SUR LES MIGRANTS AU SEIN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
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« CONSEIL CONSTITUTIONNEL METAHODOS »
1. ARTICLE – Le Conseil constitutionnel, une instance devenue trop puissante ?
Sous le vernis d’une neutralité juridique, le Conseil constitutionnel est-il devenu l’instance qui concentre, dans l’ombre, l’essentiel du pouvoir ?
Lara Tchekov 10/08/2025 JDD
RTrois textes, trois censures. Auxquelles s’ajoutent deux autres, partielles. Jamais, en si peu de temps, le Conseil constitutionnel n’avait infligé autant de revers à l’exécutif. Les derniers en date : la censure partielle de la loi Duplomb et la disposition principale de la loi de Bruno Retailleau, qui visait à allonger la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers jugés dangereux. On peut encore citer la proposition de loi de Gabriel Attal sur la justice des mineurs, largement vidée de sa substance. Retoqués encore : les articles prévoyant des comparutions immédiates pour les récidivistes de plus de 16 ans, la procédure à audience unique et le renversement de l’excuse de minorité. Motif invoqué ? Une atteinte aux grands principes de la justice des mineurs, au nom de « l’état d’esprit » des textes issus de l’ordonnance de 1945, bien que le cadre ait depuis largement évolué. Avant cela, le 12 juin, c’est la loi « narcotrafic » qui a été frappée d’inconstitutionnalité.
À LIRE AUSSIAgriculture, narcotrafic, immigration : les censures à répétition du Conseil constitutionnel
Le Conseil a censuré l’usage d’algorithmes de détection massive et l’accès direct aux fichiers fiscaux par les services de renseignement. Deux semaines plus tôt, les Sages avaient amputé la loi immigration, jugeant contraire à la Constitution le placement en rétention d’un demandeur d’asile menaçant l’ordre public, dès lors qu’aucune procédure d’éloignement n’était engagée. Une atteinte à la liberté individuelle, ont-ils estimé, au nom de l’article 66.
2. ARTICLE – Censures du Conseil constitutionnel : une jurisprudence déconnectée des enjeux sécuritaires contemporains
En censurant l’extension de la rétention des étrangers dangereux, les Sages ferment les yeux sur l’évolution des menaces pesant sur notre société, analyse Arnaud Benedetti*.
Arnaud Benedetti le 12/08/2025 JDD
Le Conseil constitutionnel a coup sur coup censuré deux textes dans deux de leurs dispositions les plus politiquement sensibles : avec la loi Duplomb, c’est la réintroduction de l’acétamipride qui est au nom de l’article 1 de la Charte de l’environnement invalidée par les juges de la rue Montpensier ; avec la loi présentée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Briniot, c’est la possibilité donnée à l’État d’étendre la durée de rétention administrative de 90 à 210 jours pour les étrangers en situation irrégulière et présentant un danger pour la société, qu’ils aient été ou non condamnés, qui est de son côté jugée anticonstitutionnelle…
Autant la première décision, nonobstant le problème politique et économique qu’elle pose, est peu discutable en droit, autant la seconde l’est beaucoup plus. Dans un remarquable article publié dans Le Figarodu 8 août, Jean-Éric Schoettl et Jean-Pierre Camby ont opportunément analysé ce que ne manque pas de poser comme difficultés juridiques majeures l’interprétation du Conseil.
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3. ARTICLE – Dérive du Conseil constitutionnel : rendre le dernier mot aux représentants du peuple
TRIBUNE. En censurant l’allongement de la durée maximale de détention des étrangers dangereux, le Conseil constitutionnel s’est une nouvelle fois livré à une interprétation extensive de la Constitution, analyse l’avocat Pierre Gentillet. Si les Sages persistent dans cette dérive, il reviendra au politique d’intervenir afin de rétablir la prééminence du peuple et de ses représentants.
Pierre Gentillet. 11/08/2025 JDD
Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé la loi portant allongement de la durée maximale de rétention en Centre de rétention administrative (CRA) des étrangers interdits de territoire et jugés dangereux. Le texte en question proposait de porter cette durée de 90 à 210 jours, selon les situations – une durée qui, à ce jour, ne concerne que les individus condamnés pour des faits de terrorisme.
Pour fonder la censure partielle de la loi portée par Bruno Retailleau, le Conseil constitutionnel s’est, comme à son habitude, réfugié derrière un article bien connu des constitutionnalistes : l’article 66. Cet article, ainsi qu’il est solennellement énoncé, établit que « nul ne peut être détenu arbitrairement ». Un principe contre lequel la nouvelle législation en matière de rétention des étrangers considérés comme dangereux serait entrée en conflit, selon l’interprétation du Conseil. Les Neuf ont ainsi estimé que les durées de rétention nouvelles, pouvant atteindre jusqu’à six mois pour certains individus, sont contraires à la Constitution, sur le fondement de leur caractère « non-nécessaire et disproportionné ».
Plusieurs remarques s’imposent à cette décision déjà très critiquée. Premièrement, et cela ne surprendra guère ceux qui connaissent bien l’institution, le Conseil s’autorise une lecture expansive de la Constitution, bien au-delà de ce que la lettre du texte prévoit. L’article 66 ne fait état d’une seule et unique limite explicite à la détention : l’arbitraire. Autrement dit, une décision sans motifs.
Or, dans notre cas précis, le législateur a, de manière explicite, avancé des motifs pour justifier cette détention : condamnations antérieures pour des faits de délinquance ou de criminalité, ou encore la menace qu’un individu ferait peser sur la sécurité publique. Dès lors, la question n’est pas celle de l’arbitraire car il ne s’agit pas d’une décision absurde ou dénuée de fondement. La prolongation de la rétention à 180 jours est bel et bien justifiée par des motifs légaux, sous-tendue comme le relève le Conseil lui-même par l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
Il n’y a donc pas à proprement parler de violation de l’article 66 de la Constitution, puisque cette décision de porter la durée de détention à 180 jours n’a rien d’arbitraire : elle est justifiée. S’interroger sur le bien-fondé de cette justification, c’est basculer dans une réflexion politique, car au-delà de la lettre de la Constitution.
Deuxièmement, le Conseil, s’il se réfugie derrière l’article 66 de la Constitution, ne cite pas le deuxième alinéa qui dispose que « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». À proprement parler, cet article ne donne donc nullement compétence au Conseil constitutionnel pour contrôler le bien-fondé de cette loi au regard de l’arbitraire. C’est au juge judiciaire, à l’occasion d’un litige, d’assurer le respect de ce principe en fonction des motivations de détention avancées par la loi.
L’esprit de l’article 66 est fidèle à la tradition révolutionnaire : c’est à la loi, et à elle seule, de protéger le citoyen contre le risque d’arbitraire. Cet article suppose donc que, fidèle à une vieille tradition légicentriste française, il appartient à la loi, et donc au Parlement, de protéger le citoyen contre l’arbitraire.
Un « principe de proportionnalité » qui semble aussi difficile à saisir qu’une brume épaisse…
Enfin, comment comprendre le principe de « disproportion » invoqué par le Conseil pour censurer la loi ? Une fois de plus, le Conseil, en nous assénant son jugement, se contente de lénifiants axiomes, nous laissant perplexes devant un « principe de proportionnalité » qui, pour rester dans la métaphore, semble aussi difficile à saisir qu’une brume épaisse. À quel moment une détention devient-elle excessive ? Peut-on vraiment dire que maintenir un individu dangereux en rétention pendant 210 ou 300 jours est disproportionné face à la menace qu’il représente ?
Ou bien, ne s’agit-il pas déjà de disproportion que de maintenir quelqu’un en détention même pour une période aussi courte que 30 jours ? Chacun aura probablement à ce stade une opinion différente sur la question. Et c’est là que le politique doit intervenir, souverainement, pour trancher. Car ce que l’on appelle « disproportion » est une question éminemment politique. Et cette question, il convient de le répéter, doit être laissée au politique, et non à un juge.
Nous voici donc confrontés à l’écume du problème soulevé par le Conseil constitutionnel depuis 1971. Le Conseil constitutionnel, par une décision célèbre (DC, 16 juillet 1971, Liberté d’Association) s’est auto-attribué le rôle de gardien des droits et libertés, et ce en déformant la lettre et l’esprit de la Constitution. Cette évolution marque un point de rupture : le Conseil, en devenant un acteur politique, détourne le sens même de la séparation des pouvoirs. La question de la liberté, et notamment de la préservation contre l’arbitraire, ne relève plus de la compétence du juge constitutionnel. Elle doit être confiée à ceux qui ont reçu, par l’élection, la légitimité souveraine du peuple pour trancher ces questions, sous la surveillance du juge judiciaire qui veille ensuite au bon respect de la loi.
La reprise du pouvoir détenu par ces neuf « juges » depuis plus de cinquante ans nécessiterait un réajustement profond de leur rôle, un retour à la fonction originelle qu’ils occupaient sous la présidence du Général de Gaulle. Car sans une telle réforme, une certitude se profile : si le Conseil constitutionnel persiste dans sa dérive, sans subir la révision nécessaire de son rôle, le législateur, même soutenu par une majorité large au Parlement et par une vaste adhésion populaire, restera dans l’impossibilité d’adopter les mesures ambitieuses, en particulier celles liées à la question migratoire, que les circonstances exigent.
Dans ce cas, le politique devra intervenir, que, enfin, le dernier mot souverain revienne, conformément à l’article 3 de notre Constitution, au peuple, et à ses représentants élus.
Tôt ou tard, ce moment de vérité viendra.
4. ARTICLE – Rétention des étrangers dangereux : pourquoi la censure du Conseil constitutionnel est juridiquement contestable
Par Jean-pierre Camby et Jean-Eric Schoettl
Cette décision repose sur des bases juridiques faibles et empêche le pouvoir politique d’agir pour rétablir l’autorité de l’État, déplorent Jean-Pierre Camby et Jean-Éric Schoettl.
Jean-Pierre Camby est docteur en droit.
Jean-Éric Schoettl est ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel et auteur de « La Démocratie au péril des prétoires » (Gallimard, collection « Le Débat », 2022).
Une censure peut en cacher une autre. Des cinq décisions rendues le 7 août, on n’aura retenu (du moins sur le moment) que celle frappant la loi Duplomb – s’agissant des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes -, sans d’ailleurs relever que la décision ne prohibe pas l’emploi de ces produits de façon générale et absolue, ni qu’elle valide les « stockages d’eau présumés d’intérêt général » (les fameuses « bassines »), ni qu’elle rejette le grief tiré de ce que la « motion de rejet constructive » votée à l’Assemblée aurait constitué un « détournement de procédure ».
La censure la plus retentissante – et la plus problématique – atteint le texte relatif aux possibilités d’extension de la durée maximale de rétention d’un étranger en situation irrégulière
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5. ARTICLE – Jean-Éric Schoettl : pourquoi le Conseil constitutionnel outrepasse ses fonctions
.En refusant l’allongement de la durée maximale de rétention pour les étrangers jugés « dangereux » et en retoquant l’usage de l’acétamipride prévu par la loi Duplomb, le Conseil constitutionnel a outrepassé ses fonctions, signale le spécialiste Jean-Éric Schoettl*.
Propos recueillis par Victor Lefebvre10/08/2025 JDD
Le JDD. Comment expliquer la décision du Conseil constitutionnel de censurer l’allongement de la durée maximale de rétention pour les étrangers jugés « dangereux » ?
Jean-Éric Schoettl. Je ne me l’explique pas. La proposition de loi censurée étendait le régime dérogatoire de rétention fixé en 2011 pour les terroristes aux étrangers définitivement condamnés pour certains crimes ou délits graves (viol, meurtre, trafic d’êtres humains ou de drogue, proxénétisme, atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, concours à une organisation criminelle…), ainsi qu’à ceux dont le comportement constituait « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ».
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6. ARTICLE – Agriculture, narcotrafic, immigration : les censures à répétition du Conseil constitutionnel
. Ces derniers mois, plusieurs censures du Conseil constitutionnel ont provoqué de vives réactions politiques.
Geoffroy Antoine 09/08/2025 JDD
Immigration : janvier – avril 2024
C’était un texte largement attendu. Votée à une large majorité au Parlement, la loi immigration est complètement détricotée par le Conseil constitutionnel, malgré un avis favorable du Conseil d’État. Le texte est finalement amputé de ses articles les plus consistants : exit les quotas migratoires, le durcissement du regroupement familial, le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou le conditionnement plus strict d’accès aux prestations sociales.
Sous couvert de la défense des droits fondamentaux et de la lutte contre les cavaliers législatifs, les neuf membres du Conseil constitutionnel censurent 35 des 86 articles du texte. Face à cette déconvenue, le groupe LR à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion de Laurent Wauquiez, propose la mise en place d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’immigration. Nouveau camouflet : le Conseil constitutionnel rejette la demande, considérée comme une « atteinte disproportionnée » au droit des étrangers.
Agriculture……
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7. ARTICLE – Le Conseil constitutionnel censure encore un article-clé de la loi immigration
Le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité de placer en rétention un demandeur d’asile menaçant l’ordre public sans procédure d’expulsion. Une nouvelle décision qui affaiblit la loi immigration, déjà largement amputée, et désarme l’État un peu plus.
Jules Torres 23/05/2025 JDD
Nouveau camouflet pour le pouvoir exécutif. Ce vendredi 23 mai, le Conseil constitutionnel a de nouveau taillé dans la loi immigration, promulguée avec fracas en janvier 2024. Cette fois, les Sages ont censuré la possibilité de placer en rétention un demandeur d’asile menaçant l’ordre public, même sans procédure d’éloignement en cours. Une mesure jugée contraire à la liberté individuelle, au nom de l’article 66 de la Constitution. Un raisonnement devenu quasi automatique, qui affaiblit un peu plus un texte laborieusement négocié, arraché au Parlement après des mois de compromis.
Cette énième censure, critiquée jusque dans les rangs de la majorité, souligne la fracture croissante entre le droit constitutionnel et la réalité du terrain. Car au-delà de son démantèlement progressif, la loi elle-même n’est toujours pas pleinement applicable : plusieurs décrets manquent à l’appel. Une lenteur que le président de la République Emmanuel Macron a reconnue lui-même, le 13 mai sur TF1 : « Sur l’immigration, je suis pour qu’on applique tous les décrets de la loi promulguée en janvier 2024. » Une confession qui résonne, à l’heure où chaque décision du Conseil semble rappeler une évidence : l’impuissance du politique face à la mécanique juridique.
Une loi déjà en lambeaux
La décision du jour s’ajoute à une liste déjà impressionnante de censures. En janvier 2024, le Conseil constitutionnel avait déjà invalidé 35 articles de la loi immigration lors de son contrôle a priori : modulation de l’aide médicale de l’État (AME), conditionnement des aides sociales, quotas migratoires… autant de mesures jugées contraires à la Constitution. Résultat : un texte vidé de sa substance, privé de ses leviers les plus puissants, selon les mots d’un ministre, qui parle désormais d’un « texte gruyère ». Une loi que la majorité sénatoriale, portée par Gérard Larcher et Bruno Retailleau, avait pourtant durcie pour répondre à l’attente massive de fermeté.
Mais à chaque avancée votée, le couperet juridique tombe, relançant un débat de fond sur l’équilibre des pouvoirs. Le Conseil constitutionnel sort-il de son rôle ? En se posant en gardien sourcilleux des libertés, au nom d’une lecture rigoureuse – certains diront doctrinaire – de la Constitution, ne devient-il pas un co-législateur bis ? La question n’est plus seulement théorique. En février, Éric Zemmour, dans une formule choc, dénonçait « l’épicentre du gouvernement des juges » : « Il ne se contente plus d’interpréter le droit, il fait la loi. Il s’est arrogé un pouvoir qui n’était pas le sien, il a court-circuité l’exécutif et muselé le législateur. » Une ligne qui, à droite, trouve de plus en plus d’écho, au vu de l’impuissance législative répétée.
Derrière les grands principes – proportionnalité, atteinte non nécessaire – c’est un enjeu très concret qui se joue : celui du contrôle effectif de l’immigration, du respect des décisions d’éloignement, et de la prévention des menaces à l’ordre public. En interdisant la rétention de personnes qui ne peuvent être expulsées mais posent problème, le Conseil constitutionnel consacre une lecture absolue des droits individuels, sans considération pour le déséquilibre qu’elle crée dans l’action publique. À force de privilégier le principe sur le pragmatisme, la capacité de l’État à agir s’amenuise, et avec elle, sa légitimité face à une opinion de plus en plus inquiète.
Cette nouvelle censure impose une révision en profondeur de la doctrine gouvernementale, au moment même où les demandes d’asile atteignent des niveaux records. C’est un nouveau revers pour l’exécutif, empêtré dans une séquence migratoire où chaque tentative de fermeté se heurte au mur constitutionnel. À force de voir ses textes taillés en pièces, le politique doute, s’interroge, recule. Un conseiller ministériel glissait récemment, mi-figue mi-raisin : « Ce n’est plus une loi immigration, c’est un code de bonne conduite pour juristes en chambre. » Une formule qui dit tout : lorsque la loi se désarme, c’est l’État qui se rend.