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RECONNAÎTRE LA PALESTINE DU HAMAS ET EFFACER LE 7 OCTOBRE ?

ARTICLE – « Monsieur Macron, reconnaître la Palestine aujourd’hui, sans conditions, c’est faire comme si le 7 octobre n’avait pas existé »

Par  Sandra Ifrah. le 15/08/2025 MARIANNE

Le 21 septembre, sous l’impulsion du président, la France reconnaîtra officiellement l’existence d’un État palestinien devant l’Assemblée générale des Nations unies. Si elle n’est pas opposée à cette initiative, Sandra Ifrah, porte-parole du collectif Women United for Peace et ambassadrice de l’association France-Israël, chargée du rapprochement des sociétés civiles, estime que cette reconnaissance ne peut être inconditionnelle. Elle interpelle Emmanuel Macron à ce sujet dans une lettre ouverte.

Monsieur le président,

Oui, nous voulons la paix. Oui, nous voulons deux États vivant côte à côte, dans la sécurité et la dignité. Mais la question, la vraie, celle que la France semble esquiver, est : quand et avec qui ?

Reconnaître la Palestine aujourd’hui, sans conditions, sans contexte, c’est faire comme si le 7 octobre n’avait pas existé, comme si les otages n’étaient pas encore détenus, comme si la vague d’antisémitisme qui submerge la France n’était qu’un bruit de fond. Car le combat n’est pas terminé.

LA COMMUNAUTÉ JUIVE SEULE EN FRANCE

Depuis le 7 octobre 2023, une plaie s’est rouverte, béante. Nous avons pleuré les victimes du Hamas, redouté le sort des otages, vu les familles brisées. Mais ici, en France, une autre douleur s’est installée : celle du silence, celle de l’abandon, celle du vertige d’être juif dans un pays où l’on pensait être pleinement chez nous. Car aujourd’hui, la communauté juive française se sent seule. Et trahie. Et je pense que ni vous, ni la majeure partie de nos concitoyens, ne le réalisent vraiment. Nous sommes seuls face à l’explosion sans précédent des actes antisémites.

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Seuls face aux tags, aux menaces, aux artistes déprogrammés, aux insultes devenues banales. Seuls, lorsque nos enfants doivent entrer à l’école sous protection militaire. Et nous sommes trahis, oui, lorsque la France annonce la reconnaissance d’un État palestinien par un simple tweet, sans une parole pour les victimes israéliennes, sans un mot pour les otages encore détenus à Gaza, sans la moindre considération pour les milliers de citoyens français juifs bouleversés par cette décision brutale.

NE SURTOUT PAS RECONNAÎTRE LE HAMAS

Ce que nous avons vécu comme une gifle, c’est cette annonce froide, unilatérale, sèche. Sans débat, sans contexte, sans humanité et surtout en contradiction totale avec les conditions que vous aviez vous-même posées trois mois plus tôt : pas de reconnaissance d’un État palestinien tant que le Hamas ne sera pas désarmé.

Votre absence à la grande marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023 avait déjà lancé un mauvais signal. Pas un mot. Pas un geste. Ni pour honorer la mémoire, ni pour apaiser les vivants. Mais nous étions restés respectueux de cette posture, pensant qu’il y avait sûrement de bonnes raisons de ne pas être à nos côtés ce jour-là.

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Cependant, l’hommage aux Invalides aux Français assassinés le 7 octobre vous honore. Mais nous attendons aussi des actes pour les vivants. Des menaces importantes pèsent actuellement sur la communauté juive de France. Certes, vous avez reconnu l’innocence d’Alfred Dreyfus, ce geste était nécessaire. Mais ce rappel du passé ne suffit pas à répondre à l’urgence du présent. Honneur aux morts, oui. Le plus important, c’est de faire honneur aux vivants. La polémique sur le soi-disant « oubli de la communauté juive de son universalisme », propos que vous auriez prononcés mais qui ont été démentis par l’Élysée, reflète bien le climat actuel dans lequel quoi qu’il arrive, il semblerait que ce soit de notre fait.

LES FRANÇAIS JUIFS LOYAUX

D’une façon générale, les Français juifs n’ont pas de leçons à recevoir sur leur universalisme. Ils l’ont porté dans leur histoire, même dans les moments les plus noirs, le mettant toujours au service de l’essor et du rayonnement de la France. Chaque shabbat, des Français juifs récitent la prière pour la République dans toutes les synagogues de France, comme un signe de loyauté et d’universalisme. La communauté juive de France a toujours été loyale à la République. Elle croit à la promesse d’égalité, de fraternité, de liberté. Elle a pleuré Charlie, le Bataclan, Nice. Elle a défendu les valeurs de la laïcité.

Elle a été blessée, à de nombreuses reprises, de Toulouse à l’Hyper Cacher, de Sarah Halimi à Mireille Knoll, mais elle n’a jamais renoncé à son attachement à la France. Aujourd’hui, elle doute. Elle doute de sa place. Elle doute de l’attention qu’on lui porte. Elle doute de votre regard. Pas un mot sur ces jeunes Français juifs partis vivre en Israël, souvent par attachement, parfois par inquiétude. Pas un mot pour ces milliers d’enfants, étudiants, familles, qui, en France, vivent désormais avec la peur au ventre. Pas un mot non plus pour ces artistes, musiciens, écrivains, bannis des festivals, des scènes, des débats, non pour ce qu’ils disent, mais pour ce qu’ils sont.

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Ce silence, monsieur le président, est une forme d’abandon. Et c’est une blessure historique. Nous ne demandons ni traitement d’exception, ni faveur. Nous demandons simplement d’être regardés. Entendus. Rassurés. Protégés, comme tous les citoyens de ce pays. Nous voulons croire encore en cette République qui n’exclue pas, qui ne cède pas, qui se tient debout face à la haine. Ceux qui veulent détruire la République sont ceux qui nous haïssent. Nous vous serions reconnaissants de ne pas mêler votre voix avec celles de ces monstres. Le tweet annonçant la reconnaissance de l’État palestinien est tombé le lendemain d’un scandale encore « en cours d’enquête », où toute une colonie de vacances française et juive, selon les termes employés à bord, a été sommée de quitter un vol Vueling. Jusqu’où ira l’aveuglement ? Jusqu’où ira le silence face à ce qui n’est déjà plus anecdotique ? Votre voix, monsieur le président, peut apaiser. Elle est importante. Elle peut dire aux juifs de France qu’ils sont chez eux, qu’ils ne seront jamais seuls, que la République les considère, les respecte, les défend.

VOULOIR LA PAIX, LA VRAIE

Elle peut rappeler à la France et au monde que l’antisémitisme n’est pas une opinion, mais un poison mortel pour toute démocratie. Cette reconnaissance de la Palestine, saluée par l’organisation terroriste du Hamas et par l’extrême gauche française, pourrait malheureusement entraîner de nouveaux actes antisémites contre les juifs sur le sol français.

Nous sommes évidemment pour deux États et pour une paix durable, mais cela suppose que les conditions soient réunies, à commencer par la libération des otages et le désarmement du Hamas qui sacrifie son peuple pour gagner la guerre de la communication. Ne vous laissez pas avoir par cette manipulation immonde, qui utilise la détresse bien réelle de ces pauvres Gazaouis qui méritent bien mieux qu’une reconnaissance bâclée. Vous avez certes très récemment parlé des deux otages israéliens affamés, mais uniquement à la suite des vidéos de propagande diffusées par le Hamas. Alors, nous vous posons cette question, sans haine mais avec gravité : aujourd’hui, face aux nouvelles images insoutenables, monsieur le président, allez-vous vraiment offrir un État à ceux qui commettent et revendiquent de tels actes ?

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