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LE CHAOS DÉMOCRATIQUE EST ADVENU – ET MAINTENANT ? SE MAINTENIR QUOI QU’IL EN COUTE EN DÉSORDRES ?

1. EMMANUEL MACRON PLACE « LA STABILITÉ DU PAYS » EN « PRIORITÉ », À LA VEILLE DU VOTE DE CONFIANCE

À la veille du vote de confiance qui pourrait faire tomber le Premier ministre, François Bayrou, Emmanuel Macron s’active déjà en coulisses pour préparer la suite, a appris BFMTV de son entourage.

BFM 07 09 25

Emmanuel Macron est-il déjà à la recherche d’un nouveau Premier ministre? Ce lundi 8 septembre, François Bayrou se présente devant les députés de l’Assemblée nationale pour se soumettre à un vote de confiance. Une échéance qui devrait faire tomber le locataire de Matignon et son gouvernement.

Alors que le RN pousse notamment pour une dissolution de l’Assemblée nationale, un proche d’Emmanuel Macron assure à BFMTV que « la priorité du président de la République est la stabilité du pays » et que « c’est ce qui guidera ses choix. »

À la veille du vote de confiance, la chute de François Bayrou paraît inéluctable. De quoi pousser Emmanuel Macron à préparer déjà la suite. « Il peut y avoir une volonté d’avancer vite pour nommer un nouveau Premier ministre, tout en prenant le temps de consulter les forces politiques », souffle à BFMTV un proche du chef de l’État.

« Le premier enjeu, c’est de préserver l’unité du socle commun », ajoute-t-il. Pour faire son choix, le président attend aussi de connaître « la proportion de députés LR qui voteront ou non la confiance ».

La dissolution pour le moment écartée

De son côté, le PS continue de se présenter comme une alternative pour prendre la suite à Matignon, notamment par la voix de son Premier secrétaire Olivier Faure. Un positionnement qui surprend dans l’entourage du chef de l’État.

Vote de confiance: pourquoi le sort de François Bayrou semble scellé?

« C’est quand même étonnant de voir le PS vouloir gouverner uniquement avec des socialistes, en faisant abstraction du socle commun. Michel Barnier disait à l’époque être ‘la plus grande des minorités’… Là, ça serait, ‘la minorité de la minorité’? », note auprès de BFMTV, un proche du président.

« Ça fait campagne de partout pour devenir Premier ministre… Tout le monde est fou de ça », grince-t-il.

Le Premier ministre centriste, allié historique d’Emmanuel Macron, engagera devant l’Assemblée nationale la responsabilité de son gouvernement. Sauf énorme surprise, il devrait être emporté par la convergence des votes contre des oppositions quasi-unanimes, de gauche et d’extrême droite.

2. ARTICLE – Benjamin Morel : «Si un président veut mettre en place un régime illibéral en France, il peut en trouver les voies»

Nomination d’un Premier ministre de gauche, du bloc central, dissolution… Le constitutionnaliste décortique les scénarios de l’après-Bayrou. 

par Laure Equy et Victor Boiteau 7 09 25. LIBÉRATION

«Je vous préviens, je vais vous déprimer !»Alors que les oppositions s’apprêtent à renverser, ce lundi 8 septembre, le Premier ministre, lors d’un vote de confiance, le constitutionnaliste Benjamin Morel décortique pour Libération les scénarios de l’après-Bayrou. L’auteur du livre le Nouveau Régime. Ou l’impossible parlementarisme (Passés composés, 2025) dresse le tableau d’un pays tripolarisé où le «front républicain», affaibli, n’empêcherait plus une majorité Rassemblement national. Le maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas met également en garde qu’à «Constitution égale, on peut sortir de la loi libérale».

Un Premier ministre qui sollicite la confiance des députés, c’est un suicide ou un retour à la normale ?

En droit, c’est plutôt un retour à la lettre de la Constitution. Politiquement, c’est un suicide. La gauche, en soi, n’a pas tort de réclamer un vote de confiance à chaque nouveau gouvernement. Mais tous les gouvernements minoritaires, qui n’étaient pas suicidaires, ne l’ont pas demandé. C’est le parlementarisme négatif : c’est au Parlement de montrer qu’il s’oppose, et non au gouvernement d’aller nécessairement chercher une confiance. Quand vous n’engagez pas la responsabilité du gouvernement d’entrée, mais en cours de route, ça devient plus compliqué. Et demander la confiance sur le budget, là c’est kamikaze. 

Un futur Premier ministre issu du bloc central serait-il lui aussi condamné d’avance ?

Les LR se carapatent, le socle commun est fragilisé et le PS – qui se soucie aussi des élections municipales de mars – n’a guère intérêt à soutenir l’affaire. La dissolution est redevenue possible et le RN a acté qu’il y avait intérêt. Si les socialistes jugent que le risque est moindre pour eux en faisant passer le budget et si une dissolution leur paraît quand même un pari très dangereux, il y a une voie. Mais cela implique de leur donner un gain substantiel. Toutefois si trop est cédé, Les Républicains auront le même problème. Les intérêts stratégiques des deux groupes qui flanquent potentiellement cette majorité inexistante, apparaissent antinomiques, ce qui la fragilise d’emblée. 

Examinons les options qui n’ont pas encore été testées : un Premier ministre de gauche ?

Cette possibilité ne donne pas une majorité. Les insoumis n’en veulent pas. Il faudrait donc s’appuyer sur les macronistes, or leur électorat n’est pas non plus emballé à l’idée de lorgner la gauche. A la veille d’une potentielle dissolution, ce serait dangereux pour le socle commun. On se souvient qu’aux dernières législatives, les électeurs LR ont préféré le RN au PS quand ils étaient au second tour. S’allier au PS, c’est faire cadeau de cet électorat au RN. Pour les socialistes, le coût serait aussi très élevé : faire passer un budget, négocié avec les macronistes, auquel ils ne croiraient donc pas, au risque de passer pour traîtres pour une partie de leur électorat ? Ou considérer que mieux vaut faire le gros dos durant deux ans pour tenter de rebondir ? Les intérêts stratégiques des acteurs ne plaident pas pour un Premier ministre de gauche. L’option existe sur le papier mais ne serait pas pérenne. 

La recherche d’un contrat de coalition n’a pas non plus été tentée.

C’est pourtant ce que font toutes les démocraties parlementaires européennes. Et la France est un régime parlementaire dès lors que le gouvernement est responsable devant le Parlement. On commence par nommer un coordinateur qui veut trouver une majorité et négocie un programme. On répartit ensuite les postes, puis on nomme un chef de gouvernement. Emmanuel Macron fait l’inverse. C’est le fait du prince : nommer quelqu’un, le laisser se débrouiller pour trouver une coalition, et enfin seulement négocier un budget. 

Décryptage

Après-Bayrou : dissolution, destitution, «plan de sortie de crise»… Que défend chaque camp politique ?

Un changement du mode de scrutin favoriserait-il cette culture du compromis ?

Le scrutin majoritaire à deux tours, s’il ne vous donne pas de majorité, devient un handicap. Vous êtes prisonnier de vos accords pré-électoraux. Avec la proportionnelle, c’est moins le cas. Ce mode de scrutin est un fluidifiant de la vie politique pour construire des alliances.

La présidentielle approchant, les forces politiques pourraient-elles trouver leur compte dans un gouvernement technique gérant a minima le pays jusqu’à l’élection ?

Ce n’est pas une réalité constitutionnelle mais politique. C’est un gouvernement comportant des ministres au profil de techniciens et surtout sans étiquette partisane. L’option a des atouts et un gros inconvénient. Cela diminue le coût de l’engagement pour les partis. Quand ma formation politique participe au gouvernement, j’en assume les conséquences. Le budget, c’est un peu “le mien”. Mais avec un gouvernement technique, je peux assumer, pour l’intérêt général, de ne pas le faire tomber sans en être comptable. Et puisque ce sont des techniciens, je ne soutiens pas des adversaires politiques. Pour la stabilité, c’est la moins mauvaise alternative. Les Italiens l’ont choisie en 2021, quand Mario Draghi a été chargé de former un gouvernement. Le danger, c’est qu’in fine, celui qui s’oppose au «consensus mou», gestionnaire, en tire les fruits. C’est ainsi que [la Première ministre d’extrême droite], Giorgia Meloni, est arrivée au pouvoir. 

Une deuxième dissolution serait-elle inévitable si d’autres gouvernements chutent à la chaîne ?

C’est aussi une mauvaise solution, comme toutes les autres ! Que des élections législatives anticipées donnent une majorité absolue au Rassemblement national est loin d’être impossible. En 2024, ce sont dans les duels entre un candidat du bloc central et un RN que le front républicain a bien marché, aidé par les électeurs de gauche qui ont le mieux joué le jeu. Mais en cas de nouvelles législatives, si le centre s’effondre… L’hypothèse la plus probable reste toutefois une hausse des sièges RN, un nombre comparable de députés LFI, souvent élus dans des fiefs, et un effondrement du centre. S’il dissout, le Président enterre son camp.

Et par ailleurs, l’Assemblée serait toujours bloquée…

On serait dans la définition même de la crise politique. Là, revenons un peu à la période 1956-1958. L’alliance est impossible avec les communistes, les poujadistes et les gaullistes. Un tiers de l’hémicycle est hors stratégies d’alliances. Durant deux ans, on tente de nouveaux gouvernements, on se tourne vers la gauche, la droite, rien ne marche, jusqu’à la chute. Aujourd’hui, on est au stade où on teste les gouvernements. Si ça échoue, le problème est-il au Palais-Bourbon ? Très bien, on dissout… et là, pas de majorité. Ah… Et si le problème venait d’ailleurs ? Reste l’Elysée. Là se pose vraiment la question de la démission. Mais la démission changera-t-elle les choses ? Vu les modes de scrutin et l’état des forces politiques, même avec une présidentielle et des législatives, rien ne dit qu’une majorité émerge. 

Vous pensez que le fait majoritaire ne reviendra pas en 2027 ?

Ah, la force des lieux communs ! «La présidentielle, c’est la rencontre entre un homme [ou une femme] et un peuple»,«après avoir élu un Président, les Français lui donnent une majorité»…Ces idées reçues n’ont aucun fondement scientifique. Avec la tripolarisation, les électeurs des candidats ayant perdu la présidentielle ne s’abstiennent plus aux législatives, or avec la bipolarisation c’est la clef des majorités absolues. En 2022, ceux du RN, même après la défaite de Marine Le Pen, sont allés voter. Et LFI a mobilisé sa base. Quand on le dit à des candidats, ils ont du mal à l’admettre. Depuis tout petits, ils rêvent d’être Bonaparte et là, un type leur tend une carte électorale : «Non, plutôt René Coty !» Sans majorité, un président n’est pas grand chose

Vit-on la fin de la Ve ? Ou la Constitution de 1958 a-t-elle bon dos ?

A la fin de la IVe, la Constitution de 1946, elle aussi, a eu bon dos. Elle tirait les leçons de l’instabilité de la IIIe, elle n’était pas mauvaise. Le problème tenait dans la polarisation du champ politique. Les partis étaient par ailleurs très faibles – une SFIO qui échouait à s’imposer à ses parlementaires, une droite qui était un conglomérat d’individualités – et le blocage surtout politique. Il n’était sans doute pas nécessaire de sortir de la IVe mais comme on ne trouvait pas de solution, on a fini par jeter le bébé avec l’eau du bain. Ce ne sont pas d’abord les institutions de la Ve qui arrangent les choses, mais la transformation du paysage politique et le retour de De Gaulle qui met fin à la guerre d’Algérie. De même, on n’a pas besoin de changer de Constitution mais si la crise va croissant, on peut être tenté de le faire. Si cela crée un électrochoc, comme en 1958, tant mieux, mais c’est par une nouvelle donne politique que l’on retrouvera une stabilité. 

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Depuis un an, les institutions ont été éprouvées, parfois malmenées. Comme constitutionnaliste, ça va, vous ?

Oui, on découvre des interprétations de la Constitution. Nos étudiants, devant ce cas pratique permanent, sont passionnés par le droit constitutionnel ! Mais il y a de vrais dangers. Arrêtons de penser qu’une Constitution est un bouclier efficace. Le droit, ce n’est pas des maths. Il y a des failles. Si un Président veut mettre en place un régime illibéral en France, il peut en trouver les voies.

On ne joue pas à se faire peur, là ?

Prenons deux exemples : l’article 16 (le seul de la Constitution qui comporte une faute d’orthographe que l’on a jamais osé toucher). Dans un modèle de dictature à la romaine, présent dans la plupart des constitutions, le Sénat proclame le dictateur. Là, c’est le dictateur qui s’autoproclame ! La procédure ? Une fois les présidents du Sénat et de l’Assemblée consultés, je dois faire un message à la nation et voilà, je sors du modèle classique de démocratie parlementaire et j’ai les pleins pouvoirs. En janvier dernier, l’idée a émergé : «On n’a pas de budget, c’est grave, utilisons l’article 16.» Si on persiste à ne pas avoir de budget, les acteurs économiques vont-ils considérer qu’Emmanuel Macron devrait utiliser l’article 16 ? Il n’a pas été fait pour cela et on ouvrirait une voie vers l’illibéralisme. Autre voie possible, un président, sans majorité, peut nommer un Premier ministre et dire : tant pis s’il tombe, il restera. Un gouvernement démissionnaire a un totem d’immunité et avec le temps, ses compétences vont croissant. Dans l’état actuel du droit, il pourrait déposer un projet de budget, voire s’il n’a pas été voté sous soixante-dix jours, l’exécuter par ordonnance. A Constitution égale, on peut sortir de la loi libérale et parfois avec les meilleures intentions, car on a besoin d’un budget et que la crise dure. Tant qu’on a des gens raisonnables, ça reste du registre de la dystopie. Mais en ces temps où les démocraties sont fragilisées… Bon, je ne vous ai pas remonté le moral.

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