
ARTICLE – Démocratie locale vacillante
Publié le 29/08/2025 • Par Romain Mazon • GAZETTE DES COMMUNES
A six mois des municipales 2026, les premières règles relatives au devoir de réserve s’appliquent et la constitution des listes va monter en puissance. On souhaite bien du courage à ceux des 550 000 élus locaux qui rempileront et à celles et ceux qui tenteront l’aventure d’un premier engagement électif.
La plupart des électeurs ne le savent pas encore mais, ce 1er septembre, on entre dans le vif du sujet. A six mois des élections municipales 2026, les premières règles relatives au devoir de réserve s’appliquent, tandis que la constitution des listes va monter en puissance dans les 34 875 communes de France.
On souhaite bien du courage à ceux des 550 000 élus locaux qui rempileront et à celles et ceux qui tenteront l’aventure d’un premier engagement électif. Car l’exercice d’un mandat local est tout sauf une sinécure, ainsi que le démontrent le volume sans cesse croissant de maires démissionnaires et, plus encore, le renoncement de conseillers municipaux, souvent passé sous les radars médiatiques.
Les maux de la démocratie locale ne sont pourtant pas nouveaux, mais s’aggravent scrutin après scrutin, sans que les réformes des différents gouvernements ne ciblent les causes structurelles d’une élection qui peine à recruter ses candidats et à mobiliser les électeurs (souvenons-nous qu’en 2020 l’abstention fut de 20 points supérieure, au second tour, à celle de 2014).
L’étau de l’état
Si la macronie n’avait, par construction, pas d’appétence pour ce scrutin, les facteurs sclérosants de la démocratie locale ne datent pas de 2017. Ainsi de la participation des jeunes : faut-il aller vers l’inscription automatique sur les listes électorales ? La question est suffisamment simple pour qu’un débat serein puisse y répondre.
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Un autre enjeu, d’une autre nature, a presque totalement disparu du débat politique, sans effacer ses effets : la question de la légitimité démocratique de l’intercommunalité, qui concentre pourtant la majorité des ressources et des capacités d’action du bloc local. Mais est souvent mise en cause comme participant du sentiment d’incapacité d’agir manifesté par de nombreux conseillers municipaux.
A quoi s’ajoute l’étau de l’Etat qui, inlassablement, rogne l’autonomie des collectivités. Au point que nombre d’élus locaux s’insurgent de ne plus avoir, comme latitude d’action, qu’à choisir entre l’appel à projet A et l’appel à projet B.
La possible chute du gouvernement Bayrou, le 8 septembre, qui emporterait avec elle une proposition de loi sur le statut de l’élu, texte qui jouit d’un consensus peu enthousiaste, n’est, à ce titre, pas une bonne nouvelle.
Bonjour,
Des idées pour renforcer la démocratie locale
Gilles DESCHAMPS, Docteur en Études Politiques
AVANT-PROPOS
La revivification de la démocratie locale, allant dans le sens du principe de subsidiarité, pourrait passer par plusieurs mesures :
DÉROGATIONS COMMUNALES AUX RÈGLES NATIONALES
. PRINCIPE
Une Commune peut instaurer une dérogation (suspension d’une interdiction ou d’une obligation, abaissement d’une norme…) aux Décrets (nationaux) d’application d’une loi et aux textes réglementaires qui en découlent (circulaires, arrêtés…) tout en respectant la loi, donc en modifiant seulement des mesures qui l’appliquent (par une interprétation spécifique), et seulement sur un territoire particulier et pour une durée limitée (conditions restrictives cumulatives), en toutes matières, sauf celles concernant la santé ou la sécurité physique des personnes.
PROCÉDURE
La procédure peut être plus ou moins restrictive. En voici une version dure et une version plus souple.
Version DURE
Président du Conseil Départemental de son département
Président du Conseil Régional de sa région
Député élu dans son département
Version SOUPLE
Président du Conseil Départemental de son département
Président du Conseil Régional de sa région
Vice-président du Conseil Régional, élu dans son département
Député élu dans son département
CONSEIL CONSULTATIF DES MEILLEURS MAIRES
INSTITUTION DU CONSEIL
Le Conseil consultatif des meilleurs Maires (les mieux réélus) comporte une soixantaine de sièges, attribués à des Maires réélus (de communes d’au moins 500 habitants) volontaires. Ces sièges sont accessibles dans l’ordre donné par leur résultat au premier tour de leur réélection.
Pour corriger le désavantage, pour ce critère, des Maires des plus grandes villes (et, ainsi, assurer la représentation de communes de toutes tailles), le pourcentage (par rapport aux suffrages exprimés) des voix obtenues serait diminué d’un pourcentage ainsi calculé :
55% – racine cubique de la population de la commune concernée.
( la racine cubique est le nombre qui doit être multiplié par lui-même puis encore par ce nombre, pour obtenir le nombre de départ.
Exemple : la racine cubique de 27.000 est 30, car 30 x 30 x 30 = 27.000)
Exemple de score corrigé :
Pour une commune de 27.000 habitants :
Racine cubique (rc) de 27.000 = 30
Diminution : 55% – 30% = 25%
Par exemple, pour un score obtenu de 60%, le score corrigé = 35%. (60% – 25%)
Simulations,
avec des scores considérés comme bon selon la taille de la commune,
qui baissent lorsque la population augmente (davantage de listes, politisation…).
Population de la commune : 1.000 h.
Racine cubique (rc) : 10
Diminution du score de l’élu : 55% – 10 % = 45%
Exemple d’application à un bon score pour ce type de commune : 80% (exemple) – 45% = 35%
Population de la commune : 8.000 h. . – rc = 20
Diminution du score de l’élu : 55% – 20% = 35%
Exemple pour un bon score : 70% – 35% = 35%
Population de la commune : 200.000 h. – rc = 58,48
Diminution du score de l’élu : 55% – 58,48 > négatif : pas de diminution
Exemple pour un bon score 35%, conservé
( NB : pas de diminution au dessus de 166.375 habitants )
Population de la commune : 512 h. – rc = 8
Diminution du score de l’élu : 55% – 8% = 47 %
Exemple pour un bon score 82 % – 47% = 35%
On obtient le même résultat moyen prévisionnel (35%) pour des communes de tailles très différentes (par un calcul sans effet de seuil), ce qui assure une vaste diversité des membres du Conseil des Maires.
PROMOTION DES MEILLEURES ACTIONS COMMUNALES
Le Conseil consultatif des meilleurs Maires organiserait, notamment, l’opération « La meilleure action communale ».
Le Conseil lancerait un appel à tous les maires réélus (optionnellement: seulement ceux élus au premier tour), leur demandant de présenter une action municipale, exemplaire, qu’ils ont réalisée.
Il désignerait la meilleure action, selon ces critères :
Le Conseil ferait bénéficier la commune gagnante de :
Ensuite (optionnellement), le Conseil offrirait son soutien (collecte de fonds…) à une (ou plusieurs) commune voulant réaliser un projet s’inspirant de l’action primée.
RENFORCEMENT DE LA REPRÉSENTATIVITÉ DES ÉLUS
AMÉLIORATION DU MODE DE SCRUTIN MUNICIPAL
En vue d’un fonctionnement optimal de la démocratie locale, le mode de scrutin municipal actuel serait ainsi modifié (uniquement sur ces points) :
Pour éviter, au maximum, les victoires électorales à la majorité seulement relative (qui affaiblissent la légitimité des maires élus ainsi), les seconds tours à plus de deux listes deviendraient exceptionnels.
Pour cela, outre les 2 listes en tête, seule pourrait se maintenir la liste arrivée troisième, mais seulement si elle remplit, cumulativement, 2 conditions :
– avoir obtenu, au moins, 20% des suffrages
– fusionner avec une autre liste dont les suffrages, ajoutés à ceux de la liste troisième, permettrait de dépasser ceux obtenus par la liste arrivée deuxième.
Exemple :
1er tour : Liste A : 30% – Liste B : 25 % – Liste C : 21% – Liste D : 6%
2ème tour : maintient des listes A et B,
et de la liste C seulement si elle fusionne avec la liste D (21% + 6% = 27% donc davantage que les 25% de la liste B).
Afin de compenser cette restriction, les petites listes bénéficieraient de 2 mesures améliorant leur représentation au Conseil municipal.
1) La proportion de sièges attribués à la proportionnelle passerait, de 50%, à :
– 60% en cas second tour avec 3 listes (assurant, cependant, plus de 60% des sièges au vainqueur)
– 70% dans les tous autres cas (assurant, cependant, plus de 60% des sièges au vainqueur)
2) En cas de second tour, les listes qui ont obtenu au moins 10% des suffrages mais qui sont exclues du second tour, bénéficieraient de sièges dans la part de ceux attribués à la proportionnelle, en fonction du pourcentage de leur voix par rapport au nombre d’électeurs inscrits (pas celui des votants, ce qui serait trop favorable).
Exemple :
Participation : 56%
1er tour : Liste A : 35% – Liste B : 30% – Liste C : 25% – Liste D: 6%
2ème tour : maintient des listes A et B seulement, car pas de fusion
Liste A : 55% – Liste B : 45%
Sièges attribués tous à la liste gagnante (A) : 30% des sièges
Sièges attribués à la proportionnelle : 70% (quota), dont
Liste C : taux pris en compte : 56% (participation) x 25% (voix) = 14%;
sièges : 14% (taux) x quota (70%) = 10% des sièges
Reste des sièges attribués à la proportionnelle : 70% (quota) – 10% (liste C) = 60% des sièges, dont :
Liste A : 60% (reste du quota) x 55% (score) = 33% des sièges
Liste B : 60% (reste du quota) x 45% (score) = 27% des sièges
Total :
Liste A : 30% (quota majoritaire) + 33% (quota proportionnel) = 63% des sièges
Liste B : 27% des sièges
Liste C : 10% des sièges
RENFORCEMENT DU RÔLE DU DÉPUTÉ SUPPLÉANT
Le renforcement de la démocratie locale peut s’appuyer sur une réforme originale (très peu coûteuse) répondant, en même temps, à 2 reproches faits à la représentativité des Députés :
– L’insuffisance de leur ancrage local (ils ne peuvent pas être Maire)
– La faiblesse générale de leur présence aux séances de l’Assemblée nationale.
La proposition (de 3 mesures complémentaires) concerne directement les suppléants des députés (mais aussi les titulaires, indirectement) :
1) Le suppléant formerait un vrai tandem avec le député titulaire:
Il pourrait le remplacer en toutes circonstances, dans toutes ses fonctions : vote, débat… (le titulaire y étant, évidemment, prioritaire) sans formalité particulière, qu’elle que soit la raison de non-participation du titulaire. La participation aux séances parlementaires serait donc accrue (contrant ainsi l’antiparlementarisme).
2) En outre, le suppléant (qui, ainsi, aurait une fonction consistante, permanente) ne serait pas soumis aux règles de non-cumul des mandats. Ce serait donc aussi, dans la plupart des cas, un Maire (car c’est électoralement bénéfique). Le tandem titulaire-suppléant serait alors mieux connecté aux réalités locales, car le titulaire serait (pratiquement) obligé de collaborer avec un Maire.
Cette mesure constituerait un bon compromis entre les partisans et les adversaires du cumul des mandats.
3) Afin d’accentuer le renforcement du rôle du suppléant, il pourrait disposer personnellement d’une réserve parlementaire (égale à celle député « titulaire », qui retrouverait ce droit), lui permettant de subventionner des actions locales.
CONCLUSION
Globalement, la population manifeste de la défiance envers la classe politique mais exprime de la confiance à l’égard des Maires. Le renforcement de la démocratie locale est donc nécessaire. Toutes les mesures allant dans ce sens méritent d’être étudiées. Un vaste débat doit se développer dans ce domaine.
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