
ARTICLE – Un collectif incluant Caroline Goldman et Élisabeth Badinter alerte sur l’application de l’éducation positive dans les crèches françaises
Par Marie-Thérèse Lawson LE FIGARO
Dans une tribune parue dans Le Point le 20 août, un collectif de psychologues s’oppose à l’instauration systématique de l’éducation positive dans les structures d’accueil de la petite enfance. Parmi les 240 signataires, Caroline Goldman et Élisabeth Badinter .m
Et si bienveillance, coopération et encouragements, piliers de l’éducation positive, pouvaient aller trop loin ? C’est ce qu’estiment Caroline Goldman et Élisabeth Badinter, ainsi que plusieurs psychologues, médecins et professionnels de l’enfance. En réaction au Référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant, publié en juillet dernier par le Service public de la petite enfance dépendant du ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et de la Famille, ce collectif de 240 signataires alertent sur les dérives de «l’idéologie positive» dans une tribune relayée par Le Point ce 20 août.
Ce référentiel est un guide pour les établissements de petite enfance. Il procède de la collaboration de sept groupes de travail, près de 200 professionnels dans le but d’établir des recommandations pratiques pour un meilleur accompagnement. Il rassemble des directives concernant la gestion des émotions des enfants, l’exposition aux écrans ou même les doudous.
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Une mise en garde contre «l’éducation positive»
La tribune vise à prévenir «les conséquences délétères» que les méthodes inspirées de l’éducation positive pourraient avoir sur le développement des plus petits et sur leurs familles. Le référentiel prévoit par exemple de proscrire la gestion stricte et disciplinaire des conflits, peu importe leur intensité : «Tous les enfants sont subitement devenus des enfants polytraumatisés appelant réparation, toute obéissance est devenue signe de soumission et toute sanction parentale est devenue maltraitance», dénoncent les experts dans Le Point.
D’autre part, selon le référentiel, les pulsions fortes ou les crises des enfants ne doivent pas être minimisées. Dans ce cas, le rôle des adultes est d’encourager l’expression de toutes les émotions. «La colère peut se manifester par des cris, des objets jetés… L’enfant doit pouvoir exprimer cette colère», s’indigne la tribune. Les experts qualifient cette méthode de «violence éducative» nocive pour la santé des enfants, des professionnels, des parents et des institutions.
Depuis ces dernières années, la psychologue clinicienne pour enfant Caroline Goldman est réputée pour ses prises de position contre l’éducation positive à la française. Dans son livre File dans ta chambre (Dunod, 2020), elle défend farouchement la pratique du «time out» jugée par certains dépassée, voire dangereuse. Pour elle, imposer des limites éducatives est indispensable au développement sain de l’enfant. Elle continue de susciter de nombreux débats après avoir lancé son podcast en 2022, qui rassemble plus de 3 millions d’écoutes et ses chroniques populaires sur France Inter.
«Manipulation des données neuroscientifiques»
Les rédacteurs accusent ensuite le référentiel de «manipuler des données neuroscientifiques pour appuyer leur alarmisme, en confondant, par exemple, souris et enfants, maltraitances injustes et sanctions justifiées ou simple frustration et trauma lourd.» Ils lui reprochent aussi de «réinterpréter les lois» notamment la convention des droits de l’enfant de 2019 qui définit l’isolement de l’enfant comme maltraitance. Selon eux, le référentiel ne différencie pas, par exemple l’enfermement dans une cave de la pratique du «time out», la mise à l’écart temporaire de l’espace commun.
Leurs revendications
Ces professionnels de l’enfance refusent que l’éducation positive, qu’ils qualifient «d’idéologie», devienne une norme dans les crèches françaises. Ils préconisent entre autres «de distinguer le bébé du jeune enfant (avant et après l’acquisition de la marche, soit autour de 12 mois), car leurs besoins relationnels et structurels évoluent», de préserver un lieu sécurisé dédié à la mise à l’écart, ainsi que l’utilisation de la tétine.Passer la publicité
Ils réclament aussi une «révision immédiate» du référentiel «par un comité d’experts comprenant, en son sein, des professionnels ayant la pratique des conséquences de ces principes».