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LE GOUVERNEMENT N’EST TOUJOUS PAS ( 24 ème jour ) CONSTITUÉ ET LECORNU À DÉVELOPPÉ UN GRAND NOMBRE ( 21 ) DE PROMESSES
ARTICLE – Les faux-semblants de la méthode Lecornu ont tout pour entretenir l’intersyndicale
Si le dialogue n’est pas rompu entre le Premier ministre et les représentants syndicaux, ces derniers déplorent l’absence de réponses claires sur leurs revendications.qq
Par Jade Toussay HUFFPOST 2 octobre 2025
Les « petits pas » politiques peuvent-ils mener au raz-de-marée social ? Ce jeudi 2 octobre, l’intersyndicale appelle à nouveau à battre le pavé, pour la deuxième fois en moins d’un mois. La conséquence de l’absence de clarification de Sébastien Lecornu sur sa ligne politique, plus que d’un échec des discussions.
Ses premiers mots comme Premier ministre étaient clairs : Sébastien Lecornu s’est posé comme l’homme de la « rupture ». « Et pas que dans la méthode, sur le fond aussi », ajoutait-il sur le perron de Matignon. Sur la forme, le compte y est. Le 22 septembre, après une première rencontre, une mobilisation réussie et un ultimatum lancé au Premier ministre, le secrétaire général de Force Ouvrière Frédéric Souillot disait vouloir rester « optimiste » à l’issue du rendez-vous. « Confiant, il ne faut pas non plus exagérer (…) Mais le fait qu’il reçoive l’intersyndicale » après l’ultimatum lancé, « c’est déjà un signe », expliquait-il sur BFMTV.
Deux jours plus tard, changement de ton. À la sortie d’une réunion à Matignon, l’intersyndicale fixe son prochain rendez-vous dans la rue. « Le Premier ministre n’a apporté aucune réponse claire aux attentes des travailleurs et des travailleuses, nous voulions notamment la copie de départ des budgets PLF et PLFSS que nous n’avons pas obtenue. C’est une occasion manquée et le compte n’y est pas », tranche la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon.
« Pour la rupture, on reviendra ! »
Le syndicat réformiste n’est pourtant pas le plus prompt à appeler à la manifestation, surtout quand le dialogue est encore possible. Dans un courrier adressé quelques heures après l’annonce du 2 octobre, Sébastien Lecornu a invité les syndicats à lui fournir « leur contribution » sur cinq thématiques, dont les « conditions de travail et la qualité de vie au travail », sujet au centre des revendications.
Insuffisant, jugent les leaders syndicaux. Tout comme l’ont été la fin des privilèges à vie des Premiers ministres, le lancement de la mission « État efficace », autant de « petits pas » – dixit Yaël Braun-Pivet – pour montrer que l’État aussi participe à l’effort… et qui visent aussi à amadouer opinion et syndicats. Devant ses interlocuteurs, Sébastien Lecornu va jusqu’à se dépeindre comme « le Premier ministre le plus faible de la Ve République ». L’humilité est saluée par la numéro 1 de la CGT Sophie Binet qui y voit « une prise de conscience très positive » mais qui n’exempte pas le Premier ministre de ses devoirs – à savoir leur présenter sa copie du budget, rappelle-t-elle.
Les syndicats seront fixés deux jours après leur rencontre et pas pour le meilleur. Dans Le Parisien, Sébastien Lecornu esquisse quelques pistes : trajectoire de la dette à 4,7 % du PIB en 2026, décentralisation, projet de loi contre les fraudes sociales et fiscales… Toujours largement insuffisants, d’autant plus que les six exigences de l’intersyndicale n’y sont pas : pas de suspension de la réforme des retraites, la taxe Zucman et le rétablissement de l’ISF écartés sans que d’autres pistes pour la « justice fiscale » soient annoncées, aucune indication sur la piste de l’année blanche voulue par son prédécesseur, rien sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises… « Pour la rupture, on reviendra ! », résume Sophie Binet dans La Tribune dimanche.
Sans cap clair, d’autres mobilisations à venir ?
Le Premier ministre assume de prendre son temps. « Je suis au travail », répète-t-il dans Le Parisien, fustigeant les « bavardages intempestifs inutiles. » Il martèle que le budget ne sera pas un « budget Lecornu » mais le fruit du compromis parlementaire, redit qu’il ne souhaite pas « passer en force » (sans exclure l’utilisation du 49.3), réitère sa main tendue à l’intersyndicale…
Refus poli, pour le moment. « C’est uniquement après cette journée (du 2 octobre), et sur la base du rapport de force du 10 et du 18 septembre, que nous irons le rencontrer de nouveau pour exiger des réponses concrètes. Nous adapterons ensuite notre stratégie à la situation », répond Sophie Binet. L’intersyndicale entend profiter du flou de la copie budgétaire pour faire monter la pression et obtenir des victoires. Ainsi la CGT voit dans l’augmentation des dépenses annoncée (+ 5 milliards sur la santé, + 6 pour les retraites) le « résultat du rapport de force alors que la copie initiale prévoyait une désindexation des retraites. »
Mais pour que le rapport de force fonctionne, encore faut-il que la mobilisation soit importante. Auprès de l’AFP, plusieurs cadres syndicaux se montrent dubitatifs sur l’ampleur de ce jeudi 2 octobre. « Pour l’instant, les remontées ne sont pas bonnes », expliquait l’un d’eux fin septembre, quand d’autres évoquaient le coût d’une troisième journée non payée ou des attentes sur la constitution du prochain gouvernement. Qu’importe.« Maintenir la pression » est le mot d’ordre valable jusqu’à la fin de débats budgétaires, plante Sophie Binet. Au 20h de France 2 le 25 septembre, son homologue de la CFDT Marylise Léon anticipe « d’autres rencontres » avec le Premier ministre mais évoque « surtout une autre mobilisation ».
Les centrales auraient tort de s’en priver. À la veille de cette nouvelle journée, soit mercredi 1er octobre, le Premier ministre leur a envoyé un courrier annonçant une « amélioration de la retraite des femmes » dans le budget de la Sécu 2026 et promettant la poursuite des « échanges (…) autour des enjeux de pénibilité et d’usure professionnelle ». Un « petit pas » de plus, à défaut d’annonces précises et chiffrées, en espèces sonnantes et trébuchantes. De quoi, effectivement, persisiter dans la mobilisation.