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« REFONDER L’ACTION PUBLIQUE » – POINT DE VUE

Pour un retour à la responsabilité des dirigeants, et la libération des administrations de leurs entraves bureaucratiques

Régis Passerieux lance un cri de ralliement pour refonder l’État, prônant un système basé sur la subsidiarité.

Il évoque un passé où l’intellectuel Walter Lippmann regroupait des penseurs novateurs, mais aussi le fléau d’un néolibéralisme français, qui a favorisé la finance au détriment de la structure productive.

Face à une dette insoutenable et une mondialisation déclinante, Passerieux appelle à un changement radical:

-,le retour à la responsabilité des dirigeants et

– la libération des administrations de leurs entraves bureaucratiques.

La refondation devient ainsi une nécessité, un impératif face aux crises qui frappent la société moderne.

ARTICLE – Le temps est venu de la refondation de l’action publique

Par  Régis Passerieux. 14/10/2025 à

Président de l’Institut pour la Refondation Publique, Régis Passerieux estime qu’il faudrait refonder l’État, à partir du principe de subsidiarité, c’est-à-dire de l’idée qu’il faut partir du bas et donner à chaque échelon, identifiable, une part claire, et libre de responsabilité.

Avant-guerre, un discret colloque s’était tenu en 1938 à Paris autour de l’essayiste et journaliste américain Walter Lippmann. Rassemblant parmi les plus grands jeunes penseurs de l’économie de son temps, de Ludwig Von Mises, Friedrich Hayek à Raymond Aron, son fil directeur était clair : désétatiser l’économie et la société. L’histoire a freiné le projet : à partir de 1945, la reconstruction s’est faite autour d’un étatisme assumée dans la lignée de l’économie de guerre, et autour de valeurs de justice incarnées dans les systèmes de sécurité sociale.

Il a fallu attendre la démission en 1969 de Charles de Gaulle pour qu’un fonctionnaire influent et brillant, Jacques Rueff, jeune cheville ouvrière dudit colloque Lippmann, libère sa vision et inspire, des coulisses de l’État profond, une nouvelle approche politique, en totale rupture avec le gaullisme, autour des figures de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing. L’ère de Thatcher et de Reagan allait finir d’emporter l’affaire, « la pause » de la politique de la gauche 83, deux ans après 1981, n’ayant toujours pas refermé une parenthèse que Maastricht a définitivement enterrée.

REDÉFINIR L’ÉTAT

Il en est né un néolibéralisme à la française, concentrant l’action de l’État sur la finance et la banque, avec une porosité certaine de casting entre Bercy et la haute banque, tandis que le deal mondial pour faire de la Chine l’atelier du monde allait initier un autre engrenage : la désindustrialisation choisie, qui allait paupériser la classe et les sites productifs, créer la précarité sociale, amplifier le chômage et faire baisser le taux d’activité, exigeait une solution pour apaiser le bas du corps social, décupler les onguents sociaux, et combler les déficits de recettes : la dette. Or jaillit une opportunité : l’abandon du circuit du Trésor, c’est-à-dire du financement par la monnaie des déficits, et sa substitution par le placement sur les marchés financiers privés des bons du Trésor. Il allait permettre désormais de tirer la dette de manière exponentielle. Le malade allait pouvoir être mis sous perfusion, et les doses augmenter, avec les dépenses croissantes de transferts sociaux, tandis que l’appareil productif, seule source de valeur durable, déclinait.

L’administration française a subi plusieurs contrecoups qui ont totalement bouleversé ses rouages, sa mentalité et sa culture : d’abord l’abandon de l’ardente tension productive issue de l’après-guerre qui avait innervé les hauts-corps de la bureaucratie française d’un volontarisme créatif continu, qui ruisselait de manière vivifiante sur l’ensemble de la pyramide administrative. Sans objectifs, sans alignement sur l’idée d’un rayonnement de la Nation et d’une conquête intérieur du progrès et du développement, la haute administration a vu alors sa pensée se rétrécir et se nécroser. Oubliés les Delouvrier, les Boiteux, les Massé, Uri, Nora, grands seigneurs de l’administration.

Plus de maréchaux d’Empire : désormais, ce sont les sauts de puce de carrière, et le « pas de vague » qui l’emportent dans une administration dont les dirigeants s’auto-ligotent et s’anémient. L’équation financière globale quant à elle, ramène à des coups de rabots perpétuels, de plans de modernisation en plans de transformation, qui ne finissent pas de se ressembler, et qui in fine ne restructurent rien, et n’impriment pas. Mais ce n’est pas grave : la dette pallie ces absences de choix.

Ces temps sont finis. Pour deux raisons : la dette n’est plus soutenable ; la fin de la mondialisation, et la nouvelle géopolitique, exigent des État solides. L’ère d’une re-densification de l’administration est venue. La somme des dysfonctionnements et des mauvaises pratiques appelle désormais bien plus qu’une réforme : une refondation des pratiques et une reconfiguration des mentalités.

Cela passe par deux axes : le retour à la pleine responsabilité des grands dirigeants publics, qui doivent redevenir des décideurs, et cesser de se cacher derrière des normes et des procédures. La redécouverte du principe de subsidiarité dans la société de l’IA et des réseaux : c’est-à-dire partir du bas et donner à chaque échelon, identifiable, une part clair, et libre de responsabilité. Ce grand carénage de la haute administration publique est maintenant inévitable. C’est pour l’inspirer, forger des solutions et former une nouvelle génération que l’Institut pour la Refondation publique, qui tient cette semaine sa conférence annuelle, a été porté sur les fonts baptismaux.

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