
ARTICLE – Retraites: l’Agirc-Arrco, victime collatérale du budget
Syndicats et patronat ont échoué à s’accorder sur une hausse des pensions de retraite complémentaire, actant ainsi une année blanche pour le régime. Les choix récents du gouvernement ont poussé chaque camp à faire de ces discussions, habituellement conclusives, une affaire de principe
Publié le 19 octobre 2025 Sarah Spitz L’opinion
Vendredi, les organisations syndicales et patronales se sont réunies, comme tous les ans, pour décider du niveau de revalorisation à accorder aux pensions du régime complémentaire de l’Agirc-Arrco. La négociation s’est soldée par un échec, fait très inhabituel. Les pensions sont donc gelées, à partir du 1er novembre et pour un an.
Le peintre Kasimir Malevitch et les gestionnaires des régimes de retraites français ont un point commun : dans leurs productions, les couches de blanc se superposent. Tout comme dans l’œuvre Carré blanc sur fond blanc, une année blanche pour les pensions de retraites complémentaires vient d’être actée. Elle s’ajoute à celle que veut instaurer le gouvernement sur les pensions
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Pour le président du Medef, l’Agirc-Arrco n’avait pas les marges de manœuvre pour revaloriser les pensions du privé au 1er novembre. La faute à la suspension de la réforme des retraites, ce «cadeau empoisonné» qui coûtera «15 milliards d’euros par an d’ici 2035»
Faute d’accord vendredi entre les partenaires sociaux gestionnaires du régime Agirc-Arrco, les retraites complémentaires du privé ne seront pas revalorisées au 1er novembre. Un échec qui a un coupable clair, selon le Medef : pour Patrick Martin, ce désaccord est «un premier résultat des méfaits de la suspension de ces réformes» des retraites. Suspension qu’il a par ailleurs qualifiée de «cadeau empoisonné».
«Il y a eu un désaccord, cela peut exister», a expliqué ce lundi 20 octobre Patrick Martin, président du Medef, au micro de TF1. «Le patronat a considéré, toutes organisations confondues, que la suspension des réformes des retraites Borne et Touraine allait peser sur les retraites complémentaires, et qu’on n’avait pas les marges de manœuvre pour augmenter les retraites complémentaires», ajoute-t-il. «Les retraités et les salariés savent qu’on est en train de repousser le tas de sable et que ça coûtera plus cher dès cette année à travers de nouveaux impôts et de nouvelles charges», poursuit-il. Le chef d’entreprise craint que cette réforme des retraites ne soit jamais remise en chantier, même après l’élection présidentielle de 2027. «Je suis très prudent», confie-t-il.
Et Patrick Martin d’affirmer que la suspension coûtera «15 milliards d’euros par an d’ici 2035». Un chiffre proche de celui de la Cour des comptes, qui estime à 13 milliards d’euros d’ici 2035 le coût d’un gel de l’âge légal à 63 ans, sans même parler de gel de la durée de cotisation. Mais le président du Medef évoque également une facture de «3 milliards d’euros dès cette année», chiffre supérieur à celui communiqué par le gouvernement, qui table sur 400 millions en 2026 pour le seul régime des retraites. «Il faut lever le nez du guidon. Nous, ce qui nous intéresse c’est le long terme, c’est la réussite du pays, c’est pas des petits calculs immédiats», dit le président du Medef.
«Manipulation des partenaires sociaux»
Sur la conférence sociale à laquelle les partenaires sociaux ont été invités par le premier ministre Sébastien Lecornu, Patrick Martin s’est dit «circonspect». «On y participera probablement, mais si les dés ne sont pas pipés comme ça a pu être le cas dans le conclave», ces quatre mois de discussions entre partenaires sociaux à l’initiative de François Bayrou, sur le sujet des retraites, qui s’était soldé par un échec.
«C’est assez curieux de voir que le politique redécouvre les partenaires sociaux et les oublie quand ça l’arrange», fustige Patrick Martin. «On nous marque subitement de la considération, de l’intérêt, on nous prête un rôle essentiel pour la bonne marche du pays. Et puis à d’autres époques, au contraire, on nous traite par-dessus la jambe», ajoute-t-il. Un brin amer, le patron du Medef va même jusqu’à parler d’«éventuelle manipulation des partenaires sociaux».