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LABELLISATION ET LIBERTÉ D’EXPRESSION – AUTORITARISME ET DÉMOCRATIE

LE PROJET PRÉSIDENTIEL DE RÉGIR L’EXPRESSION DES OPINIONS HEURTE DE FRONT LES PRINCIPES RÉPUBLICAINS ET DÉMOCRATIQUES

La volonté ( et demande ) présidentielle de « labellisation » des médias sociaux et des médias presse porte objectivement atteinte à plusieurs principes démocratiques :

– pluralisme,

– liberté de la presse,

– égalité des acteurs de l’information

liberté des opinions

liberté du débat démocratique

indépendance des journalistes

Cette labellisation a été proposée à trois reprises déjà depuis 2018. « On doit arriver à une labellisation »…

Il propose de la confier à une organisation – non pluraliste – dont l’orientation idéologique est très forte: RSF.

Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de régulation de l’espace informationnel au nom de la lutte contre la désinformation, qui tend à renforcer les acteurs institués et à fragiliser les voix dissidentes ou simplement non‑conformes.

Macron a expliqué à Arras vouloir

« tout faire pour que soit mis en place un label »

professionnel permettant d’identifier les réseaux sociaux et sites d’information « dignes de confiance », distincts des plateformes d’abord commerciales.

En Conseil des ministres, il a ensuite nié vouloir un « label d’État » ou un « ministère de la Vérité », en rappelant que ce ne serait « jamais » au gouvernement de dire « ceci est une information, ceci n’en est pas », tout en continuant à soutenir une forme de labellisation externe encouragée par les pouvoirs publics.

Et pourtant Macron a lui même mis en œuvre cette censure officielle en déclarant sur X que CNEWS a commis une contre vérité.

« Quand parler de désinformation suscite la désinformation » : l’Élysée répond à CNews après la polémique sur le futur label des médias » titre RTL

Et pourtant, l’analyse mot à mot des critiques de CNEWS démontre que le média n’a pas transformé l’expression du président. Le journaliste a proposé une analyse en posant des questions. Cela peut être qualifié également d’opinion exprimée.

Les analyses, critiques, opinions ne peuvent en aucun cas être cas être qualifiées de vrais ou faux, de juste ou d’abusif… c’est pourtant ce qu’à fait le président en attaquant directement dans C le média et ses expressions.

L’impulsion sur une mécanique devant faire la distinction entre le VRAI et le FAUX vient bien du sommet de l’exécutif, dans un contexte de forte conflictualité créée avec certains médias.

Enjeux pour la liberté de la presse
Plusieurs acteurs de la presse et de la vie politique dénoncent une « très mauvaise idée », voire une « dérive illibérale » et un « mécanisme dangereux » car elle introduit une hiérarchie institutionnalisée entre « bons » et « mauvais » médias.

Un tel tri ignore qu’il n’y a pas de bonnes ou de bonnes opinions. Celles sont libres et s’expriment librement dans le cadre decl’Etat de droit.

Un tel label, même présenté comme volontaire, crée une incitation économique, symbolique et réglementaire en faveur des titulaires du label, au détriment des autres, ce qui pèse sur le pluralisme effectif.

Le risque démocratique tient autant au label en lui‑même qu’à son usage : accès différencié à la publicité publique, aux aides à la presse, à la visibilité sur les plateformes, voire à des procédures accélérées de retrait de contenus au nom de la lutte contre les « fausses informations ».

Cela institue de facto un système de contrôle indirect, où certains médias sont reconnus comme légitimes et d’autres relégués à la marge, sans pour autant qu’ils aient commis d’infraction pénale classique (diffamation, injure, provocation, etc.)


Impact sur le débat public et la diversité

En pratique, un label « fiable » devient un marqueur social et politique : pour une partie du public, ce qui n’est pas labellisé apparaît immédiatement suspect, indépendamment de la qualité réelle du travail journalistique.

– Le cœur de la démocratie libérale repose pourtant sur :

– la confrontation ouverte d’arguments,

– la possibilité pour des médias minoritaires ou contestataires d’exister et de critiquer y compris le pouvoir en place.


Plus la frontière entre « lutte contre la désinformation » et « filtrage des voix dérangeantes » devient floue, plus se réduit le champ du débat public autonome par rapport à l’exécutif et aux grands groupes médiatiques.

De ce point de vue, la labellisation, surtout lorsqu’elle est promue par le président de la République lui‑même, entre en collision avec l’exigence d’égalité d’accès au débat, de diversité des opinions et de libre critique du pouvoir, qui sont au cœur de l’esprit républicain.

En ce sens, la démarche présidentielle ne suspend pas formellement les libertés, mais elle déplace l’équilibre du côté d’un encadrement croissant de l’espace informationnel, ce qui constitue bien une collision préoccupante avec les principes d’une démocratie pluraliste et d’une République fondée sur la libre formation de l’opinion.

ARTICLE – Entre le coup de poing et le label, où est la liberté de la presse ?

Le replay de « Voyage en absurdie », la chronique hebdomadaire d’Emmanuelle Ducros sur Europe 1

Publié le 2 décembre 2025 L’OPINION Emmanuelle Ducros

A Turin, en Italie, vendredi, les locaux du quotidien la Stampa, l’un des plus vieux et des plus importants du pays, ont été mis à sac par des activistes pro-palestiniens. 

En marge d’une manif, une cinquantaine de militants pro palestiniens cagoulés ont pénétré de force dans la rédaction qu’ils ont saccagée.Les murs ont été tagués de messages «Free Palestine» ou «Les journaux complices d’Israël». On a entendu des cris glaçants: «Journaliste terroriste, tu es le premier sur la liste».

L’affaire fait scandale en Italie.

La classe politique s’indigne unanimement. C’est un «acte très grave qui mérite la plus ferme condamnation», selon Giorgia Meloni.

Dans ce concert d’indignation, une voix discordante. 

Celle de Francesca Albanese, italienne rapporteur spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens, qui, depuis le 7 octobre, multiplie les sorties douteuses et les dérapages, expliquant que les pogroms devaient « être replacés dans leur contexte».

Après une condamnation de pure forme, elle a expliqué que le saccage devait servir «d’avertissement» à la presse italienne pour «qu’elle reprenne son travail, qu’elle remette les faits au centre de ses préoccupations et qu’elle fournisse un minimum d’analyse et de contextualisation».

Une justification. 

Pire : une carte blanche. Pour Francesca Albanese, il est légitime que des nervis fanatisés s’en prennent à journal dont le sérieux est reconnu en Europe. On peut utiliser la menace, les représailles pour imposer aux journalistes une lecture de l’actualité. En parlant «d’avertissement», elle suggère que la presse est responsable de la violence qui peut la frapper si elle ne plie pas. Dicter l’analyse à coup de nerfs de bœuf et de terreur ça s’appelle le fascisme.

Cette volonté d’imposer à la presse une «vérité» peut prendre d’autres formes.

Oui, plus douces, moins violentes en apparence, mais qui doivent alerter. Ainsi, Emmanuel Macron veut-il relancer une de ses obsessions : la labellisation des médias pour trier la bonne de la mauvaise information. Mais qui décide de ce qui est une bonne information? Une bonne analyse de faits? Des ONG ? Des organisations professionnelles ? D’autres médias ? Et qui décidera que les juges de l’info correcte sont eux mêmes impartiaux ? Le pouvoir en place qui n’aurait évidemment aucun intérêt dans l’affaire ? Des journalistes qui, même entre eux, se déchirent ? C’est vertigineux. Comme s’il n’y avait qu’une seule analyse qui s’imposait à tous les médias face aux mêmes faits. Rien de mieux pour tuer la liberté de la presse que de lui imposer une vitrification officielle.

Selon vous, l’affaire italienne démontre par l’absurde que c’est dangereux. 

Une fois qu’on aura admis le concept de vérité certifiée, il y aura toujours des Francesca Albanese, persuadées de la détenir, qui estimeront que le coup de poing est un label, un label légitime pour faire taire les «mauvais» journalistes.

Oui, la désinformation est un problème et les réseaux sociaux n’arrangent rien. Mais il existe chez nous un droit de la presse. Il punit lourdement la diffusion de fausses informations. Chacun peut s’en saisir. Il existe aussi un autre garde-fou, le bien le plus précieux de la presse. Ses lecteurs, libres de déterminer ce qui est, ou pas, un bon ou un mauvais média, dans la diversité qui leur est offerte. Oui, on doit les inciter à affuter leur esprit critique. Mais la tentation des gardiens de la vérité de décider à leur place, que ce soit sous forme de milice cagoulée ou de grand jury de la pureté, doit faire horreur à la démocratie.

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