
ARTICLE – IA : la plus grande responsabilité managériale du XXIème siècle
LE FIGARO 3 12 25
L’IA transforme la notion même de responsabilité managériale. En automatisant non seulement des tâches mais aussi des analyses et des décisions, elle engage la réputation et l’intelligence collective de l’entreprise. À l’ère symbiotique, le dirigeant doit redevenir le garant du discernement : savoir quand, comment et jusqu’où faire confiance à la machine.
De la révolution numérique à l’ère symbiotique
Avec l’IA, le cycle d’appropriation technologique s’est drastiquement raccourci. « Tout peut changer en quelques mois », rappelle Bernard Lewis, Président du groupe Everience. Contrairement aux révolutions précédentes, l’IA ne se limite pas à automatiser : elle intervient dans le raisonnement, la formulation et la décision.
Everience décrit cette transition comme l’entrée dans une ère symbiotique, où la machine amplifie l’humain sans le remplacer : « L’humain garde la finalité, la machine apporte la rapidité et la rigueur ». Cette nouvelle alliance impose aux dirigeants une responsabilité accrue : organiser un compagnonnage homme-IA fondé sur le sens, et non sur la seule efficacité technique.
L’usage responsable : une question de gouvernance
Les gains promis par l’IA masquent parfois les risques liés à une utilisation sans contrôle. L’actualité récente l’a montré : un grand cabinet international a dû revoir un rapport remis à un gouvernement étranger après avoir laissé passer des analyses générées par IA comportant des références inexistantes et des erreurs manifestes. L’affaire a rappelé que le danger ne vient pas de la technologie elle-même, mais de la défaillance du contrôle humain.
La même logique se retrouve dans le phénomène de « workslop » ces productions qui, sous des apparences irréprochables, se révèlent creuses, vidées de leur substance. Elles sont le fruit d’une délégation trop hâtive à la machine, laquelle, au lieu d’accroître l’efficacité, engendre paradoxalement une érosion de la productivité et de la performance. Comme le souligne Bernard Lewis: « Dès que l’on délègue, sans direction et sans contrôle, la valeur s’évanouit ».
D’où la nécessité d’une gouvernance claire : définir les usages, assurer la traçabilité, valider les livrables générés et préciser qui porte la responsabilité finale. Une chose demeure certaine : la responsabilité ne peut être transférée à l’algorithme.
Replacer l’humain au centre des décisions
Everience promeut une culture de discernement, notamment via la Symbiotic Academy, qui forme collaborateurs et clients à l’usage critique de l’IA : maîtrise des modèles, détection des biais, vérification des sources, protection de la donnée. « L’IA peut se tromper. Elle doit rester un partenaire, pas un oracle. On ne doit pas se contenter de consommer l’IA, on doit la manager », insiste Bernard Lewis.
Dans ce modèle, chaque collaborateur devient responsable de l’IA qu’il utilise : comprendre ses limites, questionner ses réponses, assumer la validation finale. Le rôle managérial évolue lui aussi : encourager la vérification, créer un climat de confiance et mesurer la qualité plutôt que le volume.
La responsabilité, nouveau levier de performance
La révolution IA impose un changement de posture : maîtriser ce que produit la machine, préserver la qualité du langage, protéger la créativité et garantir la rigueur. « La performance ne se mesure plus seulement en productivité, mais en qualité de décision », affirme Bernard Lewis. « Et la qualité de décision dépend directement du discernement avec lequel on utilise l’IA ».
Adopter l’IA sans cadre, c’est perdre la maîtrise. L’ère symbiotique appelle au contraire un leadership exigeant, fondé sur une responsabilité assumée – condition essentielle de la performance durable.